ANB-BIA SUPPLEMENT

ISSUE/EDITION Nr 373 - 01/09/1999

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Afrique

Enfants soldats = Enfants exploités


by Patrick Mawaya, Malawi, juin 1999

THEME = ENFANTS

INTRODUCTION

On utilise de plus en plus des enfants soldats en Afrique.
L'école n'est plus un lieu où on acquiert des connaissances
mais où on recrute des soldats

Selon un rapport intitulé "Utilisation d'enfants soldats en Afrique: vue d'ensemble", avec comme sous-titre "Participation d'enfants dans les conflits armés en Afrique", on estime à plus de 120.000 le nombre d'enfants en dessous de 18 ans, actuellement engagés dans des conflits armés à travers toute l'Afrique. Ce rapport, publié par la "Coalition en vue de mettre fin à l'utilisation d'enfants soldats", a été présenté au cours d'un "Appel pour une conférence de paix", tenu à La Haye (Pays-Bas) du 11 au 15 mai 1999. Certains enfants n'ont pas plus de 7 ou 8 ans.

Les pays qui les utilisent

Parmi les pays les plus concernés, le rapport cite l'Algérie, l'Angola, le Burundi, le Congo-Brazzaville, le Congo RDC, le Libéria, l'Ouganda, le Rwanda et le Soudan. De plus, l'armée éthiopienne, engagée dans un conflit armé contre l'Erythrée, et les clans en Somalie comptent dans leurs rangs un nombre inconnu de jeunes en dessous de 18 ans. Par ailleurs, il n'est pas ou peu, fait mention de jeunes en dessous de 18 ans utilisés par les gouvernements ou les rebelles, dans les conflits intérieurs aux Comores, en Guinée-Bissau et au Sénégal. Selon le rapport, il est à peu près certain que, dans ces trois régions, il n'y a pas d'enfants en dessous de 15 ans engagés dans les hostilités.

Enfants soldats

Le rapport signale que des enfants commencent à prendre part aux conflits dès l'âge de sept ans. Certains commencent comme porteurs de vivres ou de munitions, ou comme messagers, d'autres encore comme espions. Les enfants passent aussi des nuits blanches à surveiller l'ennemi. Ils portent les torches pour les rebelles adultes. Quand ils ne sont pas engagés activement au combat, ils tiennent des postes de contrôle. Sur le front, on peut souvent voir les soldats adultes à 15 mètres derrière les enfants, de sorte que les enfants sont les premières victimes. Et dans tout conflit, même si peu d'enfants sont impliqués comme soldats, tous les enfants sont soupçonnés, qu'ils soient ou non combattants. Le rapport cite un cas au Congo-Brazzaville où une rafle des militaires a abouti à ce que "tous les rebelles en âge de porter les armes ont été tués".

Risques pour les enfants

Les enfants qui prennent part à des conflits armés courent beaucoup de risques. Leur manque de maturité peut les entraîner à prendre des risques exagérés. Considérés comme des "objets superflus", ils ne reçoivent pas ou peu de formation avant d'être envoyés en première ligne. D'après des rapports venant du Burundi et du Congo- Brazzaville, cela a comme conséquence que les enfants soldats meurent souvent au combat.

Les filles aussi sont utilisées comme soldats, mais généralement en nombre beaucoup plus réduit que les garçons. Au Libéria, environ 1% des enfants soldats démobilisés en 1996-1997 était des filles ou des jeunes femmes. Elles rejoignaient l'une ou l'autre faction pour leur propre protection devenant, de bon ou de mauvais gré, amies ou épouses des chefs de groupe.

Conséquences pour la société

Le rapport note aussi que les enfants soldats n'ont que trop souvent commis des atrocités, parfois sous l'emprise de la drogue ou de l'alcool qu'ils pourraient avoir été contraints d'absorber. Mais le rapport signale encore que la drogue ne peut être tenue pour seule responsable des atrocités commises par des enfants. Ce sont les abus systématiques dont ils sont victimes de la part des adultes, ainsi que la culture omniprésente de la violence qui en sont responsables.

Par exemple, en mars 1998 au Congo RDC, au procès d'un soldat de 13 ans qui avait abattu à Kinshasa un volontaire de la Croix-Rouge locale après une dispute sur un terrain de football, même l'accusation a déclaré que le manque de contrôle des enfants soldats était tout autant la faute de leurs chefs plus âgés, et que cela constituait des circonstances atténuantes. Le garçon fut néanmoins condamné à mort, mais le président Kabila a commué sa peine en emprisonnement à vie.

La législation et la pratique.

Si le recrutement d'enfants se poursuit, ce n'est pas par manque de lois. Ce qui manque, sans doute, c'est le mécanisme indispensable pour les faire appliquer.

D'après le rapport de la Coalition, une majorité écrasante de pays africains ont établi les 18 ans comme âge minimum pour tout recrutement, volontaire ou par conscription. L'Afrique du Sud est sur le point de hausser à 18 ans l'âge minimum pour le recrutement volontaire (la conscription a déjà été abolie), et la Mauritanie pourrait aussi faire passer l'âge minimum de 16 à 18 ans. En Angola, par contre, un pays sévèrement touché par le phénomène des enfants soldats, le gouvernement a récemment réduit l'âge de la conscription à 17 ans. Etant donné le manque d'enregistrement systématique des naissances, on recrute inévitablement des garçons plus jeunes, même si la volonté existe d'éviter le recrutement avant l'âge. De plus, réduire l'âge minimum à 17 ans est actuellement légal, puisque la loi internationale a fixé 15 ans comme âge minimum international.

Le Burundi et le Rwanda ont l'âge légal de recrutement le plus bas du continent: 15-16 ans pour les volontaires. Au Tchad, le consentement des parents permet d'abaisser l'âge minimum à 18 ans. On s'inquiète aussi de la législation au Botswana, au Kenya et en Zambie, où des enfants "paraissant 18 ans" peuvent être recrutés légalement. La Libye accepte des volontaires à 17 ans, et peut-être moins. En Afrique du Sud, en cas d'urgence, des enfants de 15 ans et plus peuvent être engagés dans des conflits armés en vertu de la Constitution. La législation du Mozambique, un pays qui, dans le passé, a connu une utilisation très répandue d'enfants soldats, permet explicitement aux forces armées de modifier l'âge minimum (18 ans) de conscription en temps de guerre.

Si la législation du pays était respectée, le problème des enfants soldats serait déjà notablement réduit. Beaucoup d'Etats africains - Bénin, Cameroun, Mali et Tunisie, pour n'en nommer que quelques-uns - semblent suivre des procédures appropriées pour éviter de recruter des enfants trop jeunes. Mais en Angola, au Burundi, au Congo-Brazza, au Congo-RDC, au Libéria, en Ouganda, au Rwanda, en Sierra Leone et au Soudan, l'armée (gouvernementale) recrute parfois des enfants à partir de 7 ou 8 ans (bien que le nombre exact puisse varier selon l'interprétation du mot "volontaire"). Au Congo-RDC, entre 4 et 5.000 adolescents ont répondu à un appel de la radio (en nette violation de la loi internationale) adressé aux jeunes de 12 à 20 ans pour qu'ils s'enrôlent dans la défense de leur pays; selon le rapport, la plupart étaient des enfants des rues.

Des dizaines de milliers d'enfants sont forcés de s'engager, parfois sous la menace du fusil. En Angola, le recrutement forcé de jeunes ("rusgas") continue dans certains faubourgs de la capitale et dans le pays, surtout dans les campagnes. On a affirmé que des chefs militaires avaient payé des officiers de police pour trouver de nouvelles recrues, et la Namibie a collaboré avec l'Angola en arrêtant des Angolais qui avait fui en Namibie pour échapper à la conscription. En Ouganda, plusieurs rapports indiquent que les enfants de rue de Kampala ont été interpellés par des soldats et forcés à s'engager dans l'armée pour être envoyés au Congo-RDC; en novembre 1998, des parents ont protesté contre le recrutement forcé par l'armée ougandaise de 500 jeunes à Hoïma. Au Soudan, l'âge légal minimum de recrutement est de 18 ans; mais le recrutement pour les Forces de défense populaires peut débuter légalement à 16 ans. Même les forces armées, qui pour le reste semblent respecter la procédure de recrutement, pour la création de milices, financées par le gouvernement, tendent à ouvrir les portes au recrutement d'enfants... et la triste histoire se répète.

Mettre fin à cette pratique

Divers groupes ont lancé une campagne pour mettre fin à l'emploi d'enfants soldats. Carol Bellamy, directeur exécutif de l'UNICEF, dit: "Nous devons reconnaître les droits de l'enfant à la survie et à la paix. Tout accord de paix devrait inclure la démobilisation des enfants soldats et leur réintégration dans la société". Et elle ajoute: "Si le monde veut réaliser une paix durable, nous devons investir dans les enfants aujourd'hui".

La Campagne pour mettre fin à l'utilisation des enfants soldats a proposé les points suivants:

Il y a beaucoup à faire si l'on veut que la Campagne pour mettre fin à l'utilisation d'enfants soldats réussisse, car utiliser des enfants soldats c'est exploiter des enfants.

END

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