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by Djobaye Mbangdoum, Tchad, juin 1999
THEME = POLITIQUE
Consacrée par la Constitution du 31 mars 1996,
la décentralisation administrative territoriale occupe une place de choix
dans le programme d'action du gouvernement.
C'est dans le souci de rendre plus concrète l'expression de cette volonté, qui prend en compte les légitimes attentes des populations, qu'une vaste campagne d'information et de sensibilisation a été déclenchée dans trois des cinq préfectures du sud du pays. Les préfectures du Mayo-kebbi, de la Tandjilé et du Moyen-Chari en sont les heureuses bénéficiaires. C'était dans la première quinzaine du mois d'avril 1999.
Il faut préciser que cette vaste campagne d'information et de sensibilisation sur le concept de la décentralisation a été menée de main de maître par le Premier ministre, M. Nassour G. Waïdou, accompagné d'une forte délégation.
Le chef de la délégation a insisté sur la définition de la décentralisation. Selon le Premier ministre, celle-ci peut se définir comme un mode de partage des pouvoirs administratifs, politiques et juridiques, et le partage des moyens financiers entre l'Etat et les collectivités territoriales décentralisées: régions, départements, communes et communautés rurales. Elle consiste notamment à donner aux communautés de base la possibilité de choisir elles- mêmes les hommes et les femmes qui vont désormais gérer leurs propres affaires.
Ainsi définie, la décentralisation, sur le plan politique, visera à promouvoir et à garantir l'exercice des libertés locales, ce qui, depuis l'accession du Tchad à la souveraineté, est un luxe rare. Si cela se concrétise, les citoyens pourront participer à la prise de décisions et à la gestion de leurs intérêts. De plus, elle constituera sans nul doute, une "école de démocratie" pour la formation politique des citoyens.
Sur le plan administratif, la décentralisation permettra de rapprocher davantage l'administration et l'administré. Depuis 39 ans, le Tchad a axé son administration sur un système centralisé archaïque. La nouvelle réforme administrative donnera entière confiance aux organes chargés de la gestion des intérêts locaux. Mais l'instauration d'une administration de proximité entraînera aussi des heurts qui entacheront la bonne marche de cette politique.
Depuis son indépendance, le Tchad a mis en place une administration fortement centralisée. Le pouvoir central s'est appuyé sur les chefs traditionnels pour asseoir une administration gangrenée, inefficace et corrompue. Il a ainsi créé un sentiment de frustration dans toutes les couches sociales du pays, en raison de l'impunité de vols, viols, tueries et banditisme. On pourrait écrire tout un livre sur la centralisation du pouvoir, sans jamais épuiser la liste des problèmes causés par celle-ci.
Mais la décentralisation entraînera aussi des réactions, p.ex. de la part des chefs traditionnels, qui se verront dépouillés de leurs prérogatives par les nouvelles communautés rurales. Par ailleurs, les populations du nord du Tchad, peu nombreuses selon les statistiques du dernier recensement de 1994, auront du mal à se regrouper, chacune dans leur circonscription. Tantôt nomades, tantôt sédentaires, ces populations ont pris l'habitude de compter sur l'Etat-providence. Comment se départir d'habitudes vieilles de plusieurs décennies? Les mentalités peuvent-elles changer du jour au lendemain?
Si le Niger, le Burkina ou le Mali n'ont pas encore terminé leur décentralisation entamée depuis longtemps, il est à craindre qu'au Tchad elle rencontre les mêmes pesanteurs. Peut-être devrait-on y aller par étapes. Il pourrait être judicieux de créer une zone pilote, celle des communes par exemple, permettant d'expérimenter le système. Le Tchad s'est fixé quatre niveaux de décentralisation, imitant le système français qui, toutefois, n'en a que 3. Mais il ne s'agit pas de faire une décentralisation calquée sur un modèle quelconque. Il faut tenir compte des réalités du pays, des desiderata du peuple, pour mettre en place une décentralisation utile aux réalités tchadiennes. Il faut laisser aux populations la latitude d'appréhender et de s'approprier le concept. La décentralisation ne peut s'imposer d'en haut, sinon elle est vouée à l'échec.
Le Tchad dispose-t-il des moyens nécessaires à la réussite d'une telle entreprise? Ce n'est pas du tout évident. En 1997 était créée une "Direction des collectivités territoriales décentralisées". Cette direction, qui n'existe que sur le papier, dispose d'une seule voiture, souvent utilisée pour les interminables missions du ministère de l'Intérieur. Dans les bureaux, le personnel, peu qualifié, se tourne les pouces à longueur de journées.
Jusqu'à présent, seule la France est venue à son aide; les autres pays amis hésitent. Le Tchad sort d'une longue guerre ruineuse et coûteuse. Disposera-t-il des moyens indispensables à son décollage économique? A la veille du 3e millénaire, le pays ne peut pas encore assurer à ses citoyens les conditions élémentaires d'une vie décente. L'eau potable, l'électricité, l'hôpital moderne, l'école, la route, l'habitat décent, sont quasi inexistants!
L'exploitation du pétrole en 2001 propulsera le pays au rang des pays développés, espère-t-on. Mais c'est un manque de discernement que de se laisser emporter dans un tel rêve, le pétrole étant un produit périssable. Actuellement, la meilleure solution pour voir sortir le Tchad de l'ornière semble bien être la décentralisation, qui laissera la possibilité aux populations locales de trouver les moyens locaux pour résoudre les problèmes qui se posent chez eux et pour sortir petit à petit le Tchad de sa misère indescriptible.
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