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by Adovi J.B. Adotevi, Lomé, août 1999
THEME = POLITIQUE
Les Togolais en voie de réconciliation?
Débuté le 19 juillet dernier, le dialogue inter- togolais a abouti dix jours plus tard à un accord- cadre, signé le 29 juillet, de tous les représentants des principaux partis en lutte au Togo. Jugées acceptables par la majorité de la classe politique togolaise, les conclusions contenues dans le document, surtout celles sanctionnant le contentieux électoral qui attribua la victoire à l'homme au pouvoir depuis trente ans, sont encore contestées par l'Union des forces du changement (UFC), la principale formation politique opposée au Rassemblement du peuple togolais (RPT - au pouvoir). L'opposition ayant banni la violence de ses moyens de lutte, l'accord est le seul instrument pacifique chargé de réconcilier les Togolais.
La négociation de l'accord a été présidée par des représentants de l'Allemagne, la France, l'Union européenne et la Francophonie. Laissés à eux-mêmes, les Togolais ne pouvaient pas réussir. Ils n'avaient plus la sérénité nécessaire pour s'asseoir ensemble et discuter d'une crise politique qui délabrait les facteurs économiques et les relations sociales depuis une dizaine d'années. Longtemps niée, puis éludée, pour n'en rendre responsables que les adversaires politiques, la crise a été confirmée par la désaffection des opérateurs économiques et officialisée par la suspension de la coopération économique et financière avec un certain nombre d'Etats.
Manquant de ressources financières, le chef de l'Etat s'est résolu à convier, le 20 novembre 1998, les diverses forces politiques à une réunion en vue de définir les modalités d'un dialogue serein et constructif. Le 24 décembre, la mouvance présidentielle et tous les partis de l'opposition se sont mis d'accord pour que des facilitateurs les aident à créer les conditions d'un dialogue rétablissant la confiance entre les diverses forces du pays. Répondant à cette sollicitation, ont été désignés: pour la France, M. Bernard Stasi, qui dirigea la médiation; pour l'Allemagne, le Comte Paul von Stulpnagel; pour l'Union européenne, M. Georg Reisch (Autrichien); et pour la Francophonie, M. Mustapha Niasse (Sénégalais). Toutes ces personnes avaient eu, dans leurs pays respectifs, la charge des dossiers togolais.
Il arrive plus souvent qu'on ne le pense, qu'on recoure aux bons offices d'un étranger pour servir de catalyseur au règlement d'un conflit. Le succès dépend cependant de trois conditions: l'acceptation de l'intervenant par toutes les parties, son influence sur les participants, et son savoir-faire.
Ayant banni l'option violente, l'opposition togolaise n'avait d'autres recours que la communauté internationale, notamment l'Union européenne qui entretenait des relations suivies avec le Togo dans le cadre de la coopération ACP (Afrique- Caraïbes-Pacifique). Par ailleurs, l'histoire a fait que l'Allemagne et la France sont deux puissances intéressées par l'évolution politique du pays. Quant au savoir-faire, le collège des facilitateurs ne tarderait pas à en faire la démonstration.
En effet, la première difficulté qu'il a fallu applanir était le lieu de rencontre. Eyadema, qui n'hésite pas à courir partout à la recherche d'un conflit à apaiser, refusait d'étaler son linge sale à l'étranger. L'opposition, sachant le terrain national miné, craignait à juste titre que les chefs traditionnels et des jeunes désoeuvrés ne viennent crier à longueur de journées les louanges du régime, et que des "incontrôlés", fort bien contrôlés par l'armée, ne menacent la sécurité des négociateurs. A l'exception de l'un d'entre eux, qui a demandé que la rencontre ait lieu à l'ambassade de France, tous ont exigé Paris comme lieu du dialogue. L'ordre du jour aussi posait problème, plusieurs séances n'ayant pas réussi à lever l'obstacle. Le dialogue inter-togolais aurait échoué, si le collège des facilitateurs n'avait pas partagé la poire en deux. Une réunion préliminaire allait discuter à Paris des conditions de sécurité, et une autre à Lomé des autres points d'un ordre du jour ouvert.
Interdiction fut faite à tous les participants de manifester durant les négociations, et on allait recruter le concours d'agents de liaison étrangers, appellation préférée à observateurs, pour superviser l'exécution des mesures de sécurité adoptées.
Le 16 juillet, alors qu'un des facilitateurs était sur place à Lomé pour suivre l'application des mesures décidées à Paris, le parti UFC invita ses militants à aller à la frontière ghanéenne pour y accueillir leur président de parti, Gilchrist Olympio. La manifestation fut désapprouvée par le facilitateur et interdite par le ministère de l'Intérieur. Le dimanche 18 juillet, M. Olympio se pointa à la frontière, mais après audition du rapport fait par ses agents sur les dispositions prises pour sa sécurité, il rebroussa chemin.
Après une semaine de travaux de dialogue, il revint cependant, sur insistance du collège des facilitateurs qui avaient promis de faire déplacer les agents de liaison ou venir au besoin eux-mêmes pour l'accueillir à la frontière. Mais l'objet de sa venue était étranger à l'ordre du jour. Il voulait rencontrer le chef de l'Etat pour discuter avec lui du contentieux des élections présidentielles qui, selon lui, était l'affaire des deux partis réclamant la victoire. Cette manière de faire, qui prenait les autres partis pour quantité négligeable, n'a pas plu et tous, y compris ses alliés objectifs, s'y opposèrent. Le parti au pouvoir rejeta sa demande de rencontrer Eyadema. Le refus de celui-ci confirmé, le plus vieux et le plus constant des opposants, considéré dans l'opinion comme incontournable, celui sans lequel tout accord serait voué à l'échec, reprit le chemin de l'exil.
Invité par son ami Eyadema, le président français Jacques Chirac est arrivé à Lomé, après son passage à Conakry. La classe politique togolaise était partagée sur l'efficacité de cette visite. D'aucuns la prenaient pour un appui de la France au tortionnaire dénoncé par Amnesty International; d'autres croyaient que la venue du chef de l'Etat français allait contribuer à débloquer le verrou de l'opposition à l'alternance.
En fait, le président Eyadema, après avoir rencontré son homologue français, invita la presse pour lui faire part de sa décision de dissoudre, conformément à la Constitution, l'Assemblée nationale après un an d'exercice, et annoncer que lui- même ne se présentera pas aux prochaines présidentielles de l'an 2003. Il a donc pris l'engagement, lui qui ne s'en était jamais soucié, de ne pas modifier la Constitution de la 4e République qui interdit de briguer plus de deux mandats présidentiels. L'information a été amplifiée par le président français à l'audience donnée aux chefs des partis d'opposition, où l'on ne vit pas de représentant de l'UFC. A la conférence de presse donnée quelques heures avant son départ, M. Chirac dit que c'était "l'affaire de l'UFC" d'avoir refusé de le rencontrer et de ne pas avoir répondu à l'invitation de se rendre personnellement à la table de négociations.
Quant au rapport d'Amnesty, qui avait dénoncé les exécutions extra-judiciaires, les brimades et les tortures après les élections de juin 1998, le président Chirac le traita de manipulation, tout en invitant à attendre les conclusions des enquêtes internationales, qu'ont enfin acceptées les autorités togolaises, avant de se prononcer. Des observateurs ont parlé de "bourde nécessaire". Chirac, après avoir obtenu d'Eyadema de ne plus rempiler et de laisser l'alternance se faire, se devait de le calmer en passant du beaume sur l'une de ses plaies avivées: l'atteinte à sa renommée internationale.
Aux dires de M. Stasi, l'annonce d'Eyadema de ne pas toucher à la Constitution a provoqué un soulagement intense dans l'assemblée des négociateurs. Les chefs de parti en ont pris acte; sauf le président de l'UFC, qui n'acceptait pas qu'après la dissolution de l'Assemblée on n'aille pas immédiatement aux présidentielles. Quatre ans à subir encore le régime Eyadema, c'est long; mais peut-on faire autrement? Les gens aussi ont été soulagés. Tout en reconnaissant la justesse de ses arguments, ils souhaitent que Gilchrist se rallie à cette solution qui semble éloigner la guerre civile des portes du pays.
Le contenu de l'accord balise ce qu'il y a lieu de faire jusqu'à l'horizon 2003. Ce parcours sera accompagné par un Comité paritaire de suivi, au sein duquel le collège des facilitateurs sera représenté.
L'un des premiers thèmes retenus est le respect de la Constitution et la mise en place d'instruments et institutions garantissant l'alternance. Une Commission électorale nationale indépendante a été créée, afin d'organiser des élections démocratiques et transparentes. On a également décidé le vote de statuts des anciens dirigeants politiques, la mise en place d'un statut des partis d'opposition et un code de bonne conduite. Les médias, tant privés qu'officiels, seront invités à se conformer à leur déontologie; des moyens leur assureront des subventions et la formation de leur personnel. La sécurité doit être établie de manière à assurer le retour aux réfugiés. Et chacun des protagonistes doit se comporter de manière à restaurer l'image internationale du Togo.
Les Togolais, au plus profond de leur misère, s'en remettent souvent à Dieu; ils puisent dans l'Ecriture les paroles de réconfort qui les convainquent que Dieu veille sur eux. Peut-être est-ce le cas!
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