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by Gérard Mfuranzima, Burundi, août 1999
THEME = SIDA
Face aux ravages du sida, l'Eglise décide de bouger
La pandémie du sida évolue de manière foudroyante. Le degré d'infection au VIH a décuplé en moins de six ans, passant de 0,7% à 7% en milieu rural où habitent 94% de la population. Dans les milieux urbains, les taux dépassent les 20% (chiffres officiels). Aujourd'hui, les services sanitaires estiment à 260.000 le nombre de séropositifs au Burundi.
Comment la conférence des évêques du Burundi aurait-elle pu rester silencieuse face à cette progression plus qu'inquiétante? Actuellement, d'ailleurs, le mal touche aussi des individus parmi les personnes consacrées. Une aspirante religieuse vient même d'être renvoyée d'une communauté locale parce qu'elle est séropositive. Elle a témoigné lors de la récente conférence de deux jours, les 28 et 29 juin 1999, que les évêques ont consacré à la lutte contre le sida, au Centre spirituel de Kiriri, à Bujumbura.
La conférence de Kiriri réunissait les évêques, leurs vicaires généraux, les supérieurs des communautés religieuses, les responsables des principaux services interdiocésains et les directeurs des bureaux diocésains de développement.
La réflexion pastorale de l'Eglise du Burundi face au fléau du sida se veut désormais plus profonde pour aller au-delà des simples messages délivrés lors des messes dominicales. Les évêques se proposent des actions efficaces et durables au sein d'une structure de l'Eglise locale à mettre sur pied: un Bureau national catholique de lutte contre le sida. Ce bureau aura des antennes dans tous les diocèses et dans toutes les paroisses.
L'Eglise catholique veut également s'attaquer au fléau en inscrivant à son actif d'autres initiatives intéressantes dans la lutte contre le sida, grâce à ses services de promotion de la santé à travers tout le pays. Ses interventions ne peuvent pas se limiter au seul domaine médical, car le mal a ses origines ailleurs et se répercute sur d'autres secteurs de la vie.
Le mal du sida existe au Burundi depuis 1983. Il a été clairement vérifié que le multipartenariat auquel sont soumis les prostituées et leurs clients, qui se recrutent parmi les militaires, les travailleurs saisonniers, les camionneurs et les jeunes, est responsable de bien de dégâts. Par ailleurs, la précocité des rapports sexuels, la promiscuité engendrée par les déplacements massifs de population et leur regroupement dans des camps où la forte activité sexuelle est reflétée par le nombre croissant des cas de viols et de grossesses non désirées, sont également relevés. Cela signifie pour les responsables de l'Eglise que lutter contre la transmission sexuelle du sida revient, en termes concrets, à lutter contre la prostitution, le vagabondage sexuel, la précocité des rapports sexuels et l'existence des camps massifs de population.
Nos évêques ne se voilent pas la face. Tout le monde sait que la prostitution constitue le véhicule le plus important du sida. Il s'agit par ailleurs d'un phénomène qui, ici comme ailleurs, encourage ou même soutient le commerce des personnes humaines. La prostitution est donc, pour les responsables de l'Eglise, non seulement déshumanisante, mais elle est surtout une porte par où entre la mort. L'Eglise, gardienne de l'ordre moral et conscience critique de la société, réagit dès lors énergiquement contre ce phénomène.
Au Burundi, le regroupement massif de populations dans des camps est une conséquence directe de la guerre civile en cours depuis 1993. Par conséquent, les pasteurs de l'Eglise appellent les protagonistes à revenir à la raison et à négocier un cessez-le-feu, cadre favorable à l'établissement d'accords de paix durables, comme l'ont promis les politiciens burundais en pourparlers à Arusha en Tanzanie. Malheureusement, ces mêmes protagonistes pensent souvent que c'est la partie adverse qui doit déposer les armes. Les évêques burundais se sont engagés à contribuer autant que possible à aider les belligérants à comprendre que la guerre ne produit que la mort et jamais la paix. Celle-ci ne peut effectivement advenir qu'après le silence des armes.
La conférence de Kiriri aura permis également des précisions sur certaines réalités sociales actuelles au Burundi. Ainsi pour l'évêque de Muyinga, Mgr Jean-Berchmans Nterere, le vagabondage sexuel, comme la précocité des rapports sexuels, sont l'expression d'un désordre sexuel et moral. Il rappelle à la conscience des chrétiens que, dans ce dur combat contre la propagation du sida, l'Eglise doit former, éclairer et accompagner la conscience des fidèles. Ainsi, il suggère d'organiser régulièrement des ateliers de réflexion autour de thèmes bien précis (vérité, fidélité, salut, développement, sexualité, engagement, etc.) à l'intention des groupes de chrétiens (communautés ecclésiales de base, mouvements d'action catholique, etc.). Une semaine d'éducation, prévue en octobre 1999, sera une première expression de cette mission.
Quant à l'amélioration du bien-être des malades du sida et de la réduction de son impact sur les familles, l'Eglise burundaise s'est engagée à continuer ses initiatives, notamment en faveur des orphelins. Le cadre des communautés de base semble idéal. Déjà, des efforts sont faits spontanément par beaucoup de chrétiens en faveur de leurs frères et soeurs souffrant. Ce sont par exemple "les Amis de la Croix", des religieuses, des aumôniers d'hôpitaux, des chrétiens fondateurs d'associations de lutte contre le sida, et bien d'autres. Une femme médecin va plus loin, disant que "les prêtres au Burundi ne doivent plus se contenter, dans la lutte contre le sida, de l'administration des sacrements, de l'onction des malades, du baptême, de l'eucharistie et des messes de requiem. Les chrétiens attendent un message clair, rassurant et régulier".
Une récente enquête a révélé que 23% des élèves de l'école primaire ont déjà eu leurs premiers rapports sexuels - non protégés, du reste - et que 32% des élèves de moins de 19 ans, du début de l'école secondaire, déclarent avoir des relations sexuelles. Au sein de l'Eglise, il n'existe pas de débat sur l'usage du préservatif. Ce moyen ne pourrait se concevoir que dans le cadre de la vie du couple, et là encore, selon Mgr Nterere, uniquement que "le conjoint séropositif a l'obligation morale de se préoccuper de la santé de l'autre". Néanmoins, au sein de la société civile, le débat n'est pas clos.
Il est vraiment heureux de constater que l'Eglise burundaise lève le voile sur le sida. L'archevêque de Gitega et président actuel de la Conférence des évêques catholiques du Burundi, Mgr Simon Ntamwana, déclare: "Désormais, nous ne dirons pas que nous ne savions pas". L'engagement a été pris. Les ouvriers apostoliques veulent être des acteurs dynamiques. C'est pour cela qu'ils ont voulu être suffisamment formés et informés sur le sida afin de pouvoir agir efficacement. Et le premier signe sans équivoque de cet engagement est précisément la mise sur pied du Bureau national catholique de lutte contre le sida. Cette structure sera plus qu'un observatoire national du VIH/SIDA: elle veut réellement être un centre de planification et d'actions concrètes contre la propagation de ce mal du siècle finissant.
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