ANB-BIA SUPPLEMENT

ISSUE/EDITION Nr 375 - 01/10/1999

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Swaziland

Les enfants de la rue


by Vuyisile Hlatshwayo, Swaziland, août 1999

THEME = ENFANTS

INTRODUCTION

Pourquoi des enfants vivent-ils dans la rue?
Dans quelles conditions?
On les a interrogés...

Quand la nuit tombe sur le centre de la ville de Manzini, toute activité cesse; ceux qui le peuvent quittent la ville pour retourner dans le confort de leurs foyers. Mais certains, des enfants sans maison, doivent braver les nuits froides de l'hiver (juillet) et les tiraillements d'estomac, parce qu'il n'y a plus personne pour leur donner une pièce d'argent ou un peu de nourriture, à part quelques bons samaritains. A l'exception de quelques boutiques de plats à emporter et des stations de service dans l'artère principale, la rue Nkoselulhaza, toute la cité est enveloppée d'un voile d'inactivité et plongée dans l'obscurité.

Pour les enfants de la rue, les nuits sont froides et longues, car beaucoup n'ont nulle part où aller. Themba Diamini, 14 ans, nous dit timidement: "Les seuls endroits où nous pouvons dormir au chaud et en sécurité, ce sont les vérandas des magasins ou près des conteneurs à ordures dans lequel nous pouvons fureter pour trouver des déchets. Très tôt le matin, nous faisons un feu pour nous réchauffer un peu."

L'histoire de Themba est typique de celle de ces enfants, orphelins ou victimes de négligence ou d'abus révoltants. Son beau-père le maltraitait à la maison et, en fin de compte, il s'est retrouvé au Foyer de Nyabulwemi pour enfants indigents, où il était passé à tabac par les grands. Il s'enfuit et rejoignit les bandes des enfants de la rue dans les centres urbains du Swaziland.

C'est là qu'il rencontra le P. Larry McDonald, un Salésien engagé dans la réhabilitation des enfants de la rue. Le P. McDonald dit qu'il y a au moins 60 de ces enfants dans la ville de Manzini. Kevin Ward, en charge du centre "The Light House" pour les enfants de la rue, à Mbabane, dit que dans cette ville il y en a 56. Parmi eux 11 jeunes filles. Mais le nombre de ces enfants de la rue ne fait que s'accroître.

Nkosinathi Mdluli a 13 ans. Il nous raconte qu'après la mort de sa mère à Nhlangano (ville du sud), son père s'était remarié, et sa marâtre le maltraitait, lui refusant même de quoi manger. Elle prenait plaisir à le battre et ne voulait pas payer ses frais d'école. Il s'enfuit alors de chez lui et, bien qu'il n'y avait jamais été, il sauta dans un bus pour Manzini, sans payer son ticket, pour aller rejoindre d'autres enfants qui, pensait-il, avaient les mêmes problèmes que lui. "Quand je suis arrivé en ville, je me suis mêlé à ces groupes de garçons. Je pensais que leur vie était bien meilleure que celle par laquelle j'étais passé". Ces enfants, vagabonds et abandonnés se blottissent près d'un conteneur à ordures, attendant que le restaurant "Kowloon Fast Foods" y vienne jeter les déchets. Alors ils fouillent dans ces déchets de repas à moitié mangés. C'est leur souper de chaque jour.

Il y a aussi Thembinkosi Diamini, 10 ans, mâchonnant une croûte sèche, comme s'il n'était pas sûr de son prochain repas. Il se plaint que certains de ses amis ont des vieilles couvertures déchirées et puantes, alors que lui n'en a pas. Tous les enfants de la rue sont d'accord pour dire que les nuits sont très froides et qu'ils ont peur des voyous qui les harassent. "La nuit, quand nous essayons de dormir un peu par terre, des voleurs emportent le peu d'argent que nous avons pu ramasser en mendiant ou en portant les paquets de ceux qui sont venus faire des emplettes. Il y en a un, Malume Zakes, qui vient toujours faire sa tournée pour voler nos sous", ronchonne Thembinkosi.

Le gouvernement du Swaziland semble avoir adopté une approche plutôt apathique pour aborder ce problème. Mais il faut dire aussi que le problème vient d'ailleurs. Beaucoup de ces enfants arrivent du Mozambique ravagé par la pauvreté.

Paulos Buochi, 16 ans, dit être venu au Swaziland parce que sa mère ne pouvait plus s'occuper de lui. Mais il se hâte d'ajouter qu'il est venu avec son frère, dont il a perdu toute trace. Celui-ci l'a chassé de son appartement l'accusant d'avoir volé son argent et menaçant de le tuer.

Ce sont là des récits de foyers brisés, d'orphelins, de pauvreté. Mais pourtant, Roger Nxumalo, 14 ans, échappe à ces catégories. "J'admirais la façon dont ces enfants vivaient dans la rue, libres de toutes les contraintes que nous connaissions à la maison. J'aime être ici et je ne me soucie pas du froid. De temps en temps j'inhale ma "colle" pour braver les nuits froides", dit-il.

Tous les enfants interviewés sont d'accord pour dire qu'ils voudraient bien aller à l'école. Ils voudraient aussi contribuer au bien-être de leurs communautés respectives, en faisant des travaux qui en vaillent la peine. Mais, entre-temps, ils doivent se débrouiller avec leurs habits légers et leur petite couverture si difficile à trouver. Ils ont recours aux substances dangereuses pour leur réconfort. Certains reconnaissent qu'ils ont déjà inhalé de la colle dans une bouteille de bière. "Après avoir inhalé ces vapeurs, nous pouvons dormir sans sentir le froid", explique le plus jeune.

Dissolution des valeurs traditionnelles

Pour Kevin Ward, l'accroissement du nombre des enfants de la rue est dû au VIH/SIDA, à l'alcoolisme, au chômage et à la dissolution des liens de famille. "La société swazi perd de plus en plus ses valeurs traditionnelles de réseaux de familles aux liens étroits", dit-il. "Les familles modernes ne peuvent plus se permettre de partager leurs maigres ressources avec le reste de leur parenté."

Gugu Made, fonctionnaire de l'Assistance publique, accuse le gouvernement d'ignorer le problème des enfants de la rue. "Tout ce que le gouvernement essaye de faire c'est de les renvoyer chez leurs parents. Parfois, mais c'est rare, le gouvernement aide les parents en donnant l'argent pour aller à l'école. Mais que fait-il pour ceux qui sont encore dans la rue? Eux aussi ont besoin d'habits, de nourriture et d'abris".

END

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