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by Louis Kalonji, Rép. dém. Congo, août 1999
THEME = POLITIQUE
L'accord de cessez-le-feu,
vu de Kinshasa peu de jours après la signature en juillet
Le samedi 10 juillet 1999 demeurera un jour historique dans les annales de la République démocratique du Congo. A Lusaka, capitale de la Zambie, les chefs d'Etat engagés dans la guerre du Congo, à savoir la RDC, l'Angola, le Zimbabwe, la Namibie, le Rwanda et l'Ouganda, ont signé ce jour- là un accord de cessez-le-feu, en présence des représentants de l'ONU et de l'OUA. Par contre, les chefs rebelles ont refusé de signer cet accord de paix, à cause de dissensions internes. La poursuite de la guerre par les rebelles fragilise cet accord, qui risque ainsi de demeurer lettre morte, ce qui intensifiera l'insécurité en RDC et dans les autres pays des Grands Lacs, avec leurs millions de réfugiés et de déplacés qui devront continuer leur errance.
Comment la population congolaise a-t-elle accueilli l'accord de cessez-le-feu de Lusaka? Quelles sont les raisons du refus des rebelles de signer cet accord et quelles sont les étapes suivantes pour instaurer une paix durable au Congo?
L'accord porte sur la cessation des hostilités, le désarmement des factions armées et le dialogue intercongolais. Selon l'accord, l'arrêt des hostilités doit intervenir 24 heures après la signature (en d'autres termes, la guerre devait s'arrêter le 11 juillet).
Une semaine après, une commission militaire conjointe (CMC), chargée de surveiller le cessez-le-feu, devait être mise en place. Pour cela, un sommet ministériel devait se tenir à Lusaka le 19 juillet; mais il a été reporté à plus tard. La commission militaire conjointe doit être composée de représentants des belligérants et d'observateurs de l'ONU et de l'OUA, chaque partie devant désigner 12 de ses officiers pour faire partie de la commission. Celle-ci doit être dirigée par un officier d'une armée neutre (un officier algérien a été désigné). La CMC est chargée d'identifier les milices non officielles, de les désarmer et de les rapatrier. L'accord cite comme milices: les Interahamwe et les soldats ex-FAR pour le Rwanda; les cinq guérillas ougandaises pour l'Ouganda; les Forces burundaises pour la défense de la démocratie (FDD) pour le Burundi; les éléments de l'Unita pour l'Angola, et d'autres forces non citées auxquelles on associe les Maï-Maï pour le Congo.
La commission a aussi le mandat d'arrêter toute personne vivant sur le territoire congolais et qui a pris part au génocide du Rwanda. Le retrait des troupes étrangères doit prendre fin au bout de six mois à dater de la signature de l'accord. Pendant ce temps, les positions des troupes demeurent là où le cesse-le-feu les a trouvées.
Deux semaines après l'entrée en vigueur du cessez-le- feu, un facilitateur neutre doit être désigné pour le dialogue intercongolais. Au bout de trois mois, les Congolais doivent avoir finalisé l'accord sur la formation d'une armée nationale unique comprenant des éléments des troupes régulières actuelles et ceux des forces rebelles. Des critères sérieux et objectifs sont élaborés pour sélectionner les militaires qui feront partie de cette nouvelle armée congolaise. Par exemple, il faut un certain niveau d'études, ce qui exclut beaucoup des "kadogos" incultes et analphabètes.
L'accord de Lusaka a été accueilli avec beaucoup d'enthousiasme par la population congolaise qui manifeste sa joie de retrouver la paix, nécessaire pour son développement. La misère agravée par les effets néfastes de la guerre a poussé le petit peuple à aspirer vivement à la paix, et surtout à désirer un nouvel ordre politique et institutionnel dans le pays. Presqu'unanimement, la population condamne le refus des chefs rebelles de signer l'accord. Cette attitude des chefs rebelles est qualifiée d'inconcevable et incompréhensible: à cause de leur division sur une simple question de forme, ils imposent la poursuite de la guerre. C'est pourquoi, la société civile, à l'issue d'une réunion urgente tenue à Kinshasa quelques jours après la signature de l'accord de Lusaka, a lancé un appel pressant aux chefs rebelles de tout faire pour signer sans tarder l'accord de cessez-le-feu. M. Etienne Tshisekedi, chef de file de l'opposition interne, s'est joint à cette demande.
Malgré sa satisfaction, la population demeure cependant sceptique quant à la bonne foi des pays agresseurs, en particulier le Rwanda, de respecter l'accord de paix. Au- delà des déclarations faites par les chefs rebelles, il faut surtout prendre au sérieux la déclaration du vice-président rwandais Paul Kagame à un journal kényan, dans laquelle il dit douter des chances qu'ont les accords de Lusaka d'aboutir à la fin de la guerre. M. Kagame ajoutait que le Rwanda a la capacité de poursuivre la guerre pendant des années.
Au moment où tous les espoirs de paix semblaient se pointer à l'horizon, le RCD (Rassemblement congolais pour la démocratie), conduit par le Dr Emile Ilunga, a refusé de signer le document instituant le cessez-le-feu. Soutenu par le Rwanda, M. Ilunga a prétexté qu'il ne voulait pas de la cosignature de M. Wamba dia Wamba, chef d'une autre faction du RCD contrôlée par l'Ouganda.
A Kinshasa, on considère que les divergences de vues entre les rebelles ne sont qu'une mascarade pour permettre au Rwanda et à l'Ouganda de refuser d'appliquer l'accord de cessez-le-feu, dont ils sont pourtant signataires. Le Rwanda surtout, voyant une lueur d'espoir de paix en RDC, a décidé de brouiller les cartes en feignant d'opposer les rebelles. Ce faisant, il peut s'assurer du paiement de la facture de son appui militaire, en s'emparant des diamants de Mbuji-Mayi, qu'il pourra exploiter pendant un certain temps. Ceci explique le blocage délibérément créé par les rebelles et savamment entretenu par le Rwanda et l'Ouganda.
La signature de l'accord de Lusaka est une étape importante dans l'instauration de la paix au Congo. Les étapes suivantes, qui permettront de consolider cette paix, sont notamment: le débat national ou dialogue intercongolais; la mise en place des institutions de la transition; les échéances électorales et l'installation des institutions définitives de la 3ème république. Le dialogue intercongolais doit, selon l'accord, réunir les membres du gouvernement en place, les représentants des rebelles, les représentants de l'opposition démocratique interne et les forces vives, c.à d. les confessions religieuses, les syndicats et autres associations de la société civile. Le dialogue permettra de dégager un projet de Constitution et un calendrier électoral. La mise en place des institutions de la transition sera examinée lors de ce dialogue.
D'ores et déjà, l'opposition armée propose de prendre l'armée et la vice-présidence de la République. Les rebelles proposent également de confier les finances, l'intérieur et la police à l'opposition non armée et à la société civile. Quant aux échéances électorales, les rebelles exigent que le président de la République et le Premier ministre pendant la période de transition ne puissent pas se présenter aux élections, pour ne pas être à la fois juge et partie.
De son côté, la société civile entend participer activement à chacune des étapes du processus de paix. C'est ce qui ressort de l'atelier organisé dernièrement à Kinshasa par IFES (Fondation internationale pour les processus électoraux), avec quelques membres de la société civile et animé par le professeur Tessy Bakary de nationalité ivoirienne. Après avoir regretté son absence à la signature de l'accord de Lusaka, la société civile est résolue à jouer un rôle déterminant au cours des prochaines étapes conduisant à l'instauration de la paix durable et d'un Etat de droit au Congo.
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