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by Fred Kirungi, Ouganda, août 1999
THEME = POLITIQUE
Plusieurs mois se sont écoulés depuis que le Parlement ougandais
a voté la loi sur le référendum
et la tempête suscitée par cette loi ne montre aucun signe d'apaisement
Le 2 juillet, au milieu des protestations des partisans des partis politiques, le Parlement a voté une loi controversée qui doit mener à un référendum, l'an prochain, sur le choix entre un système multipartite et le "Système du Mouvement". Le référendum est prévu par l'art. 271 de la Constitution de 1995 (sous le régime du président Museveni). Actuellement, les partis politiques ne peuvent fonctionner normalement. Selon l'art. 269 de la Constitution, ils ne peuvent ouvrir ni faire fonctionner des sections, tenir des conférences de délégués ou des rassemblements politiques, soutenir un candidat aux élections, ni exercer toute autre activité qui "entrave le système politique du Mouvement...".
Le Système du Mouvement, création de Museveni, est en vigueur depuis 1986, année où celui-ci et ses guérillas de l'Armée de résistance nationale (NRA) se sont emparés du pouvoir. Présenté d'abord à la population comme une organisation provisoire, le Mouvement a été transformé en un système concurrentiel par la Constitution de 1995.
En vertu du Système du Mouvement, tout Ougandais est supposé libre de se présenter à tout mandat politique électif, mais uniquement à titre personnel. Lors des élections présidentielles de 1996, deux chefs de parti, Paul Semogerere du Parti démocratique et Mohamed Kibirige du Forum de la justice, se sont effectivement présentés "à titre personnel" contre le président Museveni. Ils ont été écrasés, Museveni remportant 75% des voix. Ils ont attribué leur défaite au fait qu'ils n'avaient pas pu s'organiser avec l'aide de leurs partis. Le Mouvement, affirmaient-ils, est un système de parti unique conçu pour maintenir Museveni au pouvoir.
Il peut paraître étonnant que les partisans des partis politiques n'aient pas saisi cette occasion pour engager les électeurs à voter contre le Mouvement. Maintenant, ils élèvent leurs voix sur les radios privées et dans les journaux, dénonçant le référendum comme l'"imposture politique du siècle".
Les partis politiques soutiennent que le droit d'association est un droit universel qui, de ce fait, ne peut être soumis à un vote. Lorsque l'art. 269 de la Constitution interdisant les partis politiques a été voté en 1995, à l'Assemblée constituante, les quelques partisans du système multipartite ont quitté la salle.
Les partisans du Mouvement, eux, soulignent que les Ougandais ont le droit de choisir un système politique. Ils rejettent sur les partis la responsabilité de l'instabilité politique de l'Ouganda dans le passé. Néanmoins, un certain nombre d'adeptes du Mouvement admettent en privé qu'ils préféreraient voir un agenda prévoyant un retour au multipartisme. Même si un référendum devait rencontrer leur adhésion, les partis politiques disent que le processus sera à peine correct et honnête. Comment peuvent-ils entrer en compétition contre le Mouvement, qui a tous les rouages de l'Etat derrière lui? Après tout, ils ont été mis à l'écart pendant les 13 dernières années.
Les politiciens du Mouvement répondent que les partisans du multipartisme craignent seulement de perdre. En effet, le gouvernement a promis que tout serait clair et correct. Le procureur général (qui interprète la Constitution pour le gouvernement), Bert Katureebe, déclare que, conformément à la Constitution, l'interdiction d'activité politique des partis sera levée avant le référendum. (L'art. 271-2 de la Constitution stipule qu'un an avant le référendum "toute personne sera libre de solliciter le soutien du public pour un système politique de son choix en vue d'un référendum"). Chacun aura donc des chances égales de faire campagne pour le système politique de sa préférence.
Les critiques restent sceptiques et ils ont un argument. La loi sur le référendum ne permet pas aux partis de s'organiser librement pour s'y préparer. Simplement, les diverses "parties" peuvent former des comités, n'excédant pas le nombre de 20 membres, pour faire campagne à leurs côtés. Ces comités seront supervisés par la Commission électorale dont les membres sont désignés par le président.
Les partis politiques sont confrontés à une rude tâche. Ils n'ont aucune espèce de structure nationale pour atteindre les électeurs. Ils ne peuvent même pas élire des dirigeants, puisqu'il est interdit de tenir des réunions de délégués. Par contre, le Mouvement a une structure nationale, basée sur une loi parlementaire et complètement financée par l'Etat. En juillet de l'année passée, il a tenu sa conférence de délégués et choisi ses dirigeants nationaux.
De plus, au niveau de la base, les comités de gouvernement locaux, bien que censés indépendants, sont inséparables du Mouvement. Ils ont débuté comme comités du Mouvement en 1986, et ont été convertis en comités de gouvernement locaux plus de dix ans plus tard. Contrairement donc aux partis politiques, qui devraient s'appuyer sur des comités de référendum de 20 personnes, le Mouvement possède un immense réseau sur lequel il peut compter pour sa campagne.
La manière dont la loi sur le référendum a été votée, a révélé un manque de bonne volonté politique de la part du gouvernement. Le projet de loi sur le référendum aurait dû venir après celui de la loi sur la liberté des partis politiques. Mais le gouvernement a interverti l'ordre et utilisé le projet de loi sur le référendum pour refuser aux partis politiques le droit de s'organiser en vue justement du référendum. L'excuse fournie était l'urgence de la loi sur le référendum, la Constitution exigeant qu'elle soit en vigueur pour le 2 juillet.
En fait, même ce délai n'a pas été respecté. La loi a bien été votée le 2 juillet, mais le consentement présidentiel n'es venu que quelques jours plus tard. Or, le consentement présidentiel est requis par la Constitution pour qu'une loi entre en vigueur. Pire encore, la loi sur le référendum a été votée sans que le quorum fût atteint. Quand un membre de l'opposition l'a fait remarquer, le président de l'Assemblée, Francis Ayume, contrairement à l'habitude, décida que le quorum était atteint, puisque plus d'un tiers des membres avait signé le registre de présences (le quorum est d'un tiers). Normalement, quand on soulève la question du quorum, le président compte les membres physiquement présents; il y en a beaucoup, en effet, qui signent simplement le registre et s'en vont.
Ainsi, la crédibilité du processus est en crise, et Museveni pourrait bien se trouver devant son plus grand défi politique depuis qu'il est arrivé au pouvoir il y a 13 ans.
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