ANB-BIA SUPPLEMENT

ISSUE/EDITION Nr 375 - 01/10/1999

CONTENTS | ANB-BIA HOMEPAGE | WEEKLY NEWS



Madagascar

Pierres précieuses


by Léa Ratsiazo, Madagascar, août 1999

THEME = ECOLOGIE

INTRODUCTION

La ruée vers le saphir:
un désastre écologique en vue

Le sous-sol de Madagascar est très riche en produits miniers, et la découverte de nouveaux gisements est fréquente ces dernières années. Mais cette richesse ne profite qu'à une petite poignée. On estime à quelque 100 millions de dollars par an la valeur de pierres précieuses et or sortant illicitement de l'île. Or, les dégâts des exploitations, toujours anarchiques, sur l'environnement sont considérables.

Madagascar n'a pas de pétrole, mais est réputé pour ses produits miniers, notamment l'or et les pierres précieuses. Jusqu'à présent, le diamant est la seule pierre précieuse qu'on n'ait pas encore découverte dans la Grande Ile. Si depuis longtemps on exploite émeraudes, rubis, or et autres pierres semi- précieuses, la découverte de nombreux gisements de saphir est récente.

L'administration laisse faire, dépassée par les événements, sans moyens, ou parfois corrompue, alors que l'issue est déjà prévisible. Madagascar a assez d'expérience en la matière. Le début des années 90 a vu la découverte des gisements d'Andranondambo, dans le sud de l'île, suivie de ceux d'Ambondromifehy, dans le nord, vers 1995, et ceux d'Ilakaka, toujours dans le sud de l'île, vers la fin de l'année dernière. Le scénario est toujours le même, à quelques détails près: découverte, ruée, anarchie, dégâts environnementaux considérables, mesures exceptionnelles, suspension officielle des exploitations, émeutes...

En fait, la prospection, notamment au niveau des pierres précieuses, est rare ou quasiment inexistante. La dernière carte minière de Madagascar remonte à plus d'une trentaine d'années. La découverte proprement dite est toujours le fruit du hasard. C'est le paysan en labourant sa terre qui est à l'origine. Il prévient aussitôt ses proches, et tout le monde abandonne aussitôt travaux agricoles et école pour se consacrer à l'exploitation.

L'essentiel, dans un premier temps, consiste à occuper les meilleures parcelles, choisies au hasard, suivant l'instinct de chacun! Il s'agit d'une course contre la montre car, une semaine après, toute la population des villages et villes environnants sont déjà sur place. L'information passe de bouche à oreille et, un mois après, l'île tout entière - voire le monde entier, par voie de presse - est au courant: la ruée commence.

La ruée

Au sud comme au nord, le saphir attire tous les gens du pays et du monde sans distinction de race, de sexe ou d'âge. Evidemment les Malgaches sont majoritaires dans l'exploitation, alors que les étrangers européens, asiatiques et africains sont surtout présents dans le négoce et l'achat.

En quelques mois, le petit village est envahi, que ce soit Ambondromifehy, Andranondambo ou Ilakaka, abritant à peine quelque 200 personnes. Tout ce qui est inhérent à la vie citadine fait désormais partie du quotidien de ces villageois. On y trouve de tout: boîtes de nuit, salles de projection de vidéo, hôtels, bars, salons de coiffure..., ainsi qu'un marché offrant un peu de tout, de la radio cassette aux tissus et aux diverses épiceries. Le saphir est étalé au marché entre le manioc et les tomates. La nouvelle ville est aussi devenue une attraction touristique; elle en vaut le détour d'ailleurs, car il s'agit d'un véritable western à la malgache.

En un rien de temps, les transporteurs occupent le village en faisant la navette entre la zone et la ville la plus proche. On trouve même des taxis qui circulent dans le village transformé en une ville anarchique. Pourtant, rien n'est prévu pour accueillir une telle foule: aucune infrastructure ni eau potable, ni électricité, ni service sanitaire, ni école. D'ailleurs, comme à Ambondromifehy, la seule école primaire publique du village a dû fermer ses portes faute d'élèves, ces derniers étant partis aider leurs parents. Une épidémie est toujours à craindre, car aucune règle d'hygiène n'est respectée.

Tout le monde gère son exploitation comme il le veut, aucune norme n'est établie d'ailleurs. Si, au début, on peut trouver des pierres précieuses en grattant la terre, au fur et à mesure que le temps passe, il faut chercher de plus en plus loin et de plus en plus profond. Les trous peuvent atteindre jusqu'à plusieurs mètres, avec des échafaudages de fortune comme seule protection. Les mineurs, de pauvres paysans, exploitent à leurs risques et périls. Quand ils ne trouveront plus rien sur un site, ils changeront de place, à côté, ou un peu plus loin, laissant derrière eux des trous béants et une désolation totale. En plus, Ambondromifehy et Ilakaka se trouvent à côté de sites naturels protégés, et à mesure que le temps passe et que le nombre des exploitants augmente, certains sont tentés d'investir les sites protégés. Des arbres séculaires sont arrachés, car les fameuses pierres bleues sont acrochées à ses racines. Les forces de l'ordre sont alors obligées d'entrer en scène, et l'émeute commence. En tout cas, les paysans, qui ont tout abandonné pour la pierre bleue, n'ont rien à perdre, ils jouent le tout pour le tout, et il n'est pas évident de leur faire entendre raison.

Ou va l'argent?

En 1998, officiellement on a exporté 2.547 kg de saphirs bruts, dont 36 kg extraits dans la région d'Ilakaka, entre novembre et décembre. Tout le monde sait que les pierres précieuses et l'or sortis du pays clandestinement sont beaucoup plus importants.

L'année dernière, pour la première fois, la Banque mondiale a estimé à quelque 100 millions de dollars par an la valeur des pierres précieuses et de l'or qui sont sortis illicitement de l'île. Alors que le revenu moyen des Malgaches est parmi les plus bas du monde: 250 dollars par personne par an! Autrement dit, toutes ces richesses minières ne profitent même pas aux Malgaches. Pourtant, d'après les évaluations de certains spécialistes, si ces richesses minières étaient gérées et exportées dans la légalité, les Malgaches n'auraient même pas besoin de payer d'impôts.

END

SOMMAIRE ED.FRANC. | ANB-BIA HOMEPAGE | WEEKLY NEWS


PeaceLink 1999 - Reproduction authorised, with usual acknowledgement