ANB-BIA SUPPLEMENT

ISSUE/EDITION Nr 375 - 01/10/1999

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Sénégal

La santé par les plantes


by Justin Mendy, Sénégal, juillet 1999

THEME = SANTE

INTRODUCTION

Un tradipraticien, taxonomiste à l'IFAN,
soigne de 30 à 60 malades par jour,
qu'ils soient pauvres ou riches

Un tradipraticien, taxonomiste à l'IFAN (Institut fondamental d'Afrique noire), soigne les malades, tant pauvres que riches. Son registre affiche, pour le dimanche 31 janvier, 63 patients venus en consultation pour la première fois; s'y ajoutent les habitués, venus soit pour une nouvelle consultation, soit pour se procurer des produits pharmaceutiques. Au total, une centaine de demandeurs sont concernés. En moyenne, le tradipraticien Kaoussou Sambou reçoit de 30 à 60 personnes par jour dans son réduit du quartier Fann-Hock, près de l'université Cheikh Anta Diop, à Dakar.

Ces consultations et soins sont dispensés durant ses heures de liberté (entre 12 et 15h., puis après 18h. jusque tard dans la soirée). Ils sont entrecoupés d'examens et d'assistance à domicile pour ceux qui ne peuvent ou ne veulent pas effectuer le déplacement. Aux heures ouvrables, Sambou exerce ses fonctions de taxonomiste ethnobotaniste au département de Botanique de l'IFAN, structure de recherche de l'université.

Pas moins de quinze heures de travail par jour (y compris le dimanche) pour ce fils de guérisseur, initié d'abord par son père aux secrets des plantes, formé ensuite à l'école d'horticulture du Sénégal, et finalement confirmé par un botaniste français, le prof. Jacques Georges Adam, de l'IFAN.

Appui aux scientifiques

Avec Mr J.G. Adam, Kaoussou a suivi des cours théoriques et effectué des sorties pratiques sur le terrain, à la différence d'autres de ses meilleurs promotionnaires qui s'en sont allés poursuivre des études en France. Il a pu ainsi visiter plusieurs pays de l'Afrique subsaharienne et de l'Afrique du Nord, et devenir taxonomiste, ce qui lui a permis de remplacer Mr Adam, lorsque celui-ci quitta l'IFAN.

A ce poste, il a notamment suivi sur le terrain, pendant sept ans, un étudiant burkinabè, candidat au doctorat d'Etat, dont la thèse a porté sur l'acacia. A la faveur de ces sorties, venues enrichir les legs de son père et de Mr Adam, Kaoussou a produit les résultats d'une enquête sur les plantes médicinales en Afrique. Ces résultats, dit-il, "dorment dans les tiroirs, faute de moyens pour les éditer".

A l'IFAN, Sambou assiste les étudiants et d'autres praticiens en sciences naturelles (médecins, chimistes, géographes, botanistes). Certains le consultent à partir d'autres pays, africains et autres, en particulier de la France, ce qui lui a valu les palmes académiques françaises.

Une officine sollicitée

Ses premiers malades, il les a accueillis à cet institut, où il exerçait en dehors des heures de travail. Mais les lieux furent bientôt envahis par l'affluence des patients. D'où la nécessité de trouver un endroit plus autonome. Ce qui fut fait en 1984, au quartier voisin de Fann-Hock.

Ainsi installé comme tradipraticien, Kaoussou Sambou exerce, comme ses collègues, la pharmacopée traditionnelle, une activité qui, au Sénégal, n'est encore régie par aucun texte, mais bien tolérée dans la pratique. Dès l'aube, les clients se pointent pour retirer le ticket qui leur permettra d'avoir une consul- tation, compte tenu du temps disponible. Des rendez-vous peuvent être pris, mais il faut pratiquement une semaine d'attente.

Quand on demande à Kaoussou quels genres de maladies il peut traiter, il se sent quelque peu perdu. "Des dizaines, des dizaines...", répond-il avec hésitation. Puis, quand on insiste, il nomme finalement les maladies qui lui sont le plus fréquemment soumises: maladies des muscles et des articulations, en particulier les rhumatismes, l'arthrose, la lombalgie, la dorsalgie, la polyarthrite, la polynévrite, la goutte...; celles du système circulatoire et lymphatique (hyper et hypotension notamment), maladies du foie (hépatite, cirrhose), maladies de la peau, du tube digestif, de la nutrition (ulcère, diabète, hémorroïdes), de la prostate, des maladies sexuellement transmissibles, la stérilité, l'impuissance... "Il y en a beaucoup", finit-il par dire.

Cependant, il avoue ne pas être compétent pour toutes les maladies, et en particulier pour les cataractes, les lèpres et les cancers avancés. Lorsqu'il a des doutes, il s'en réfère à des médecins officiellement reconnus. En retour, certains médecins lui envoient des malades, notamment ceux atteints d'hépatite et d'insomnie. Il travaille aussi avec des pharmaciens attitrés. "Je ne suis pas un marabout, ni un féticheur, doté d'un quelconque pouvoir mystique; je suis simplement un guérisseur par les plantes", s'empresse-t-il de préciser.

Un service social

Il soigne avec des feuilles, des racines et des écorces d'arbres, en contrepartie d'une somme de 1.000 fcfa (soit 10 FF) pour chaque "ordonnance" (en général, une tous les 15 ou 21 jours, selon le cas, jusqu'à la guérison). Le premier diagnostic est au même tarif de 1.000 fcfa. Pour les consultations à domicile, les honoraires sont laissés à l'appréciation de l'intéressé.

Il arrive que des malades ne soient pas en mesure de payer ce tarif; ils donnent alors ce qu'ils peuvent. Et certains, même, en raison de leur dénuement, bénéficient de soins gratuits. "Je ne renvoie pas quelqu'un parce qu'il n'a pas d'argent", dit Kaoussou qui, en plus, subvient parfois aux besoins financiers de quelques familles restées deux, trois jours "sans que la marmite n'ait été posée sur le feu".

A ces charges gratuites, s'ajoutent les rémunérations d'une quinzaine de collaborateurs, dont six permanents à l'officine, et dix autres (dont quatre permanents) sur le terrain, à la recherche des différentes espèces de plantes souhaitées. Cette prospection, qui s'étend sur l'ensemble du territoire sénégalais, est complétée par des envois en provenance d'autres pays africains, tels que le Mali, la Guinée et même le Nigeria, pour des espèces inexistantes au Sénégal.

Aujourd'hui, deux champs situés dans des localités en dehors de Dakar permettent l'approvisionnement en certains produits. Ils sont mis en exploitation grâce à l'assistance du programme "MAT-Sahel", de l'ONG "Enda Tiers monde". Ils permettent le renouvellement des stocks par un reboisement continu. D'autres champs de ce genre seraient souhaitables dans chacune des zones écologiques du Sénégal.

Mais ce qui apparaît comme prioritaire, c'est l'acquisition d'une officine fonctionnelle, autre que le réduit de Fann- Hock, qui ne permet pas un travail méthodique et plus performant et qui en plus est en simple location. La demande d'attribution d'une parcelle d'environ 300 mý dans un quartier périphérique de la capitale est en souffrance depuis 1995, malgré l'avis favorable du directeur de l'urbanisme. Le déblocage de ce dossier conduirait à une meilleure contribution de ce tradipraticien au soulagement de nombreux malades dont le pouvoir d'achat ne permet pas de supporter le coût des consultations médicales et des produits pharmaceutiques scientifiques, mais aussi de ceux qui, quoique nantis, trouvent leur compte dans les pratiques médicales traditionnelles.

END

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