ANB-BIA SUPPLEMENT

ISSUE/EDITION Nr 376 - 15/10/1999

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Congo-Brazza

Vers une normalisation?


by Médard Libani, Congo-Brazza, septembre 1999

THEME = POLITIQUE

INTRODUCTION

La situation au Congo se normalise
et plusieurs exilés regagnent progressivement leur pays

Les affrontements meurtriers qui opposent, depuis la fin de la guerre civile de 1997, les forces gouvernementales appuyées par les soldats angolais aux rebelles Ninjas (milices privées de l'ancien maire de Brazzaville, Bernard Kolélas) et Cocoyes (miliciens de l'ancien président Pascal Lissouba) sont en voie de connaître une issue favorable.

Pour preuve, le 15 août dernier, dans son message à la nation à l'occasion de la commémoration du 39ème anniversaire de l'indépendance du Congo, le président Denis Sassou Nguesso a déclaré: "J'ai décidé d'accorder l'amnistie à tous les hommes en armes, qui renoncent à la violence et qui acceptent définitivement de déposer leurs armes". Cette décision présidentielle tant attendue par les Congolais marque un pas important vers la normalisation de la situation de violence que connaît le Congo-Brazza depuis les années 1993, 1997 et 1998. Denis Sassou Nguesso invite les Congolais à cimenter, à tout jamais, les liens de parenté qui les unissent, à cheminer ensemble vers une nation unie, respectueuse des valeurs de la République.

Cette démarche est une réponse au processus de pacification en cours, qui sous-entend le renforcement de la sécurité, la défense organisée contre le terrorisme et la poursuite du dialogue sincère qui est avant tout compréhension mutuelle, consensus, repentir et pardon. Une main fraternelle est ainsi à nouveau tendue à tous les Congolais encore en marge du processus de réconciliation. La porte est donc ouverte à tous ceux qui veulent tourner le dos à la logique du sang.

Vers une paix véritable?

La décision du président Nguesso d'ouvrir un dialogue avec l'opposition en exil a été annoncée par l'ambassadeur du Congo en France, Henri Lopes. Il a affirmé que le pouvoir de Brazzaville est disponible pour une rencontre ouverte: "Nous dialoguerons sérieusement sur tous les dossiers qui nous seront présentés. Qu'est ce qui empêche certaines personnes de rentrer? Quelles sont les garanties? Et puis, nous nous assiérons, face à face, pour discuter et voir comment on peut satisfaire tout le monde...".

L'existence d'une volonté réciproque de dialogue entre les parties en conflit se fait maintenant sentir. Mais ces négociations présupposent, observe-t-on, une autre volonté: celle de renoncer à la violence. Pour l'ancien président Pascal Lissouba, en exil à Londres, l'annonce du dialogue entre le pouvoir et l'opposition congolaise en exil était attendue et souhaitée. L'opposition l'a maintes fois réclamé, affirme-t-il, tout en précisant: "Je dis bravo à l'ouverture des négociations que j'appelle de mes voeux depuis longtemps... Nous irons aux négociations, mais sans qu'on nous impose quoi que ce soit...".

Pour l'ancien Premier ministre, Bernard Kolélas, aujourd'hui en exil à Washington, il n'y a plus de conditions. "L'essentiel, pour nous, c'est qu'on soit d'accord de recourir à une solution pacifique, politique, plutôt qu'à une solution militaire que personne d'ailleurs ne trouvera...", a-t-il déclaré. "Mais il faut se rencontrer en dehors du Congo-Brazza. Là-bas, notre sécurité n'est pas garantie".

Réactions des hommes politiques

La décision du chef de l'Etat congolais d'accorder l'amnistie à tous les citoyens en armes qui acceptent de les abandonner est un tournant important vers un retour à la paix et l'unité nationale.

Toute guerre, estime Benjamin Bounkoulon, président de l'Union pour la République (UR), finit par où elle aurait dû commencer. Il faut donc applaudir au dialogue afin d'éviter les rancoeurs et les drames, les passions et les humiliations qui font le lit des guerres sans cesse renouvelées. Le dialogue est toujours à l'avantage des peuples qui font trop souvent les frais des luttes individuelles des élites pour le pouvoir.

Le Rassemblement pour la démocratie et le progrès social (RDPS) se réjouit, par la voix de son secré- taire général, Jean Félix Demba Ntelo, des évolutions positives constatées ces derniers temps. "Ce qui compte pour nos populations meurtries, lance M. Ntelo, c'est la réalité quotidienne, caractérisée par les souffrances, les violences et les humiliations de toutes sortes".

Fallait-il donc attendre qu'il y ait tant de morts et de destructions pour que les protagonistes de la violence se convainquent de la nécessité du dialogue entre les fils et filles d'un même pays? Le 1er septembre, huit anciens dignitaires exilés de l'ancien régime de Pascal Lissouba sont rentrés au pays, avec dans leurs mallettes un plan de paix. Ils souhaitent notamment l'envoi d'une force d'interposition et la prorogation du mandat de l'actuelle période transitoire à cinq ans, au lieu des trois prévus par le forum national tenu du 5 au 14 janvier 1998 à Brazzaville.

La question de cette prorogation était précisément au centre des débats entre les membres du Conseil national de transition (CNT) pendant la 5ème session ordinaire de cette institution parlementaire, du 2 juillet au 2 août. Le CNT a finalement recommandé que le mandat de la période transitoire de trois ans reste inchangé. Les huit exilés ont cependant été reçus par le président Nguesso à qui ils ont remis leur plan de paix.

Et la société civile?

La majorité des Congolais sont favorables au dialogue avec les exilés, qui peut contribuer au processus de reconstruction du pays. Mais ce dialogue ne devrait pas rester un débat exclusif entre hommes politiques; il demande la participation du peuple. "Oui au retour des exilés, mais ceux-ci ont des comptes à rendre au peuple congolais. Ils doivent répondre, devant le peuple et les tribunaux, de leurs actes criminels commis pendant les guerres civiles", entend t-on à Brazzaville.Une note discordante vient toutefois de l'ancien Premier ministre Yhonbi Opango, depuis son exil en Côte d'Ivoire. Selon lui, les exilés qui ont regagné le Congo-Brazza ont été purement et simplement corrompus par les autorités. En réponse, les huit exilés, aussitôt arrivés à Brazzaville, ont souligné qu'ils n'avaient reçu de concours ni obtenu la permission de qui que ce soit pour revenir au pays.

Bien qu'approuvant le processus de réconciliation, bon nombre de gens restent vigilants et n'entendent applaudir que le résultat final et concret qui sortira de ce dialogue. Car les Congolais sont lassés et abusés par tant de rendez-vous manqués et d'espoirs déçus. Ils souhaitent que la classe politique, responsable des guerres à répétition, restitue au peuple congolais sa paix et sa dignité confisquées. Cette classe politique devrait également se repentir de son cynisme et de son hypocrisie pour ne considérer que les intérêts supérieurs de la nation.

END

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