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by Louis Kalonji, Kinshasa, septembre 1999
THEME = TENSIONS
Le scandale du cahier des écrits coraniques
A peine sorti d'une meurtrière guerre d'agression aux conséquences catastrophiques, le Congo est à présent confronté à une sérieuse menace de conflits à caractère réligieux. Ces conflits seront difficiles à maîtriser, étant donné la complexité des relations tendues qui existent entre différentes sectes religieuses.
L'étincelle de ce grand incendie qui se profile à l'horizon pourrait bien être l'actuelle affaire du pasteur Kutino Fernando contre la communauté musulmane du Congo. C'est aussi ce qu'on appelle couramment à Kinshasa "le scandale du cahier des écrits coraniques". Que s'est-il passé exactement?
Le dimanche 12 septembre, le pasteur Fernando Kutino, chef de la communauté "Armée de la Victoire" (une des multiples communautés religieuses indépendantes), a déchiré et brûlé, au cours d'une émission en direct réalisée sur sa chaîne de radio- télévision, un cahier contenant des écrits qu'il a qualifiés lui-même de "sataniques". Ce cahier lui avait été apporté et donné par un jeune homme de 21 ans pour sa reconversion dans cette commnauté.
Cet acte du pasteur Kutino a été qualifié de "blasphématoire" par tous les musulmans. Selon eux, les écrits détruits étaient des surates (chapitres et versets du Coran) et le cahier brûlé avait donc la même valeur que le Coran. Les musulmans ont décidé de descendre dans la rue, le vendredi 17 septembre, pour protester par une marche pacifique contre la provocation de Kutino. Ils étaient très nombreux dans l'artère principale du centre de Kinshasa, leurs calicots portant des slogans hostiles à Kutino et le condamnant à mort. Non autorisée, la marche fut dispersée par la police, même si quelques extrémistes parmi les manifestants ont forcé les barrages. Pourtant, la veille de la marche, le représentant légal de communauté islamique, El Hadj Modilo, avait invité ses coréligionnaires à ne pas descendre dans la rue, faute d'autorisation.
A son tour, l'ambassade de la République islamique d'Iran a condamné l'acte du pasteur Kutino, dans une lettre adressée au ministre congolais des Affaires étrangères, M. Yerodia Abdoulaye Ndombasi, lui- même musulman. L'ambassade a réussi à faire suspendre les émissions de la radio-télévision "Message de vie" qui appartient à Kutino. Et le 18 septembre, le pasteur et son jeune fidèle, par qui le scandale était arrivé, ont été arrêtés et internés à la prison centrale de Makala. A leur tour, les fidèles de Kutino et leurs alliés d'autres sectes ont envahi le bureau du magistrat chargé de cette affaire sensible. Les affrontements entre musulmans et la coalition de ceux qui soutiennent le pasteur Kutino dans cette affaire, risquent d'être imminents.
Dans sa cellule, le chef de la communauté Armée de la Victoire continue de soutenir qu'il n'a rien fait de mal pour être emprisonné, étant donné qu'il a déchiré et brûlé un cahier, et non le Coran. Il invite tous les chrétiens du Congo et d'ailleurs à faire attention car, dit-il, "l'Antéchrist est presque là!". Pour sa part, le jeune homme arrêté avec lui a déclaré: "Je préfère mourir plutôt que de faire des faux témoignages contre mon pasteur".
Notons que le bouillant pasteur Kutino n'en est pas à sa première arrestation. Il a déjà été arrêté antérieurement, soupçonné de détenir un important stock d'armes. Il a les apparences d'un homme riche. Le bruit court qu'il aurait même acheté un avion.
Cette affaire est révélatrice des rapports tendus qui existent entre les multiples groupes religieux au Congo. Si la communauté islamique a réagi avec violence, l'Eglise catholique pour sa part a toujours gardé une attitude de tolérance face à des provocations et des invectives de la part de certaines sectes. Mais à la longue, la nervosité gagne les fidèles.
Et pourtant, il existe dans le pays une législation qui réglemente l'exercice des cultes, mais elle est souvent foulée aux pieds. Ce qui pourrait conduire le pays à une guerre de religions aux conséquences incalculables et difficile à maîtriser.
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