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by Alain Agboton, Dakar, septembre 1999
THEME = VIE SOCIALE
Indices alarmants d'une pauvreté croissante
On savait que le Sénégalais, dans sa majorité en proie à une pauvreté envahissante, mangeait mal et pas à sa faim. Mal nourri, il a trouvé une nouvelle formule lui permettant de pallier, un tant soit peu, ses insuffisances caloriques et nutritionnelles: le pain rassis, qui se présente aujourd'hui en ville comme une solution de recours. Dans le cadre de la lutte individuelle contre la pauvreté, de stratégie de survie, voire de "système D", c'est un plus, dans la mesure où le Sénégalais consomme à peine 1600 calories par repas, un repas unique généralement, puisque la règle est de réchauffer les restes d'un même repas. Cette recette est dénommée "championnat-aller-retour" ou "gabar- diassi".
Dans ces familles de 5 à 8 enfants, on est, d'ordinaire, incapable d'acheter plusieurs baguettes de pain frais par jour qui, chacune, revient à 125 fcfa (1,25 FF). Le pain rassis, vieux de deux jours, lui, coûte seulement entre 40 et 90 fcfa. Il alimente ainsi un trafic qui n'est rien moins que lucratif! Pour les boulangers, les invendus constituent des "produits de récupération". A noter que, reconditionné, ce pain rassis peut être utilisé pour tous les repas. Il est, par ailleurs, distribué dans les zones où il n'y a pas de boulangerie.
Selon des nutritionnistes de l'université de Dakar, la dépense alimentaire par habitant et par mois est de 3.500 fcfa (35 FF). Le riz et le mil constituent 53% de l'alimentation des citadins et 80% des populations rurales. Une tendance à la baisse de la consommation de poisson (2 grammes par personne et par jour) a été observée dans ce pays de pêche. Quant à la viande, on en a enregistré 40 grammes par personne et par jour. Une petite famine a sévi, pendant quelque temps, l'année dernière dans trois régions du pays.
Selon ces experts, ces carences entraînent un inquiétant problème de santé publique. Elles ont une répercussion néfaste sur les "performances physiques et intellectuelles" qui se traduit par un mauvais rendement au travail, des retards de croissance, de poids, une fragilité face aux infections, etc. Autant de conséquences du règne de la pauvreté qui gagne plus que jamais du terrain, selon certains diagnostics alarmants.
Que montrent les critères classiques de pauvreté et un tableau général de la pauvreté dans ce pays? Le Sénégal est l'un des 17 pays les plus pauvres du monde. Près de la moitié des Sénégalais, soit deux ménages sur trois environ, estime-t-on, vivent dans la pauvreté, contre 4 Africains sur 10; 40% ont un revenu annuel de 100.000 fcfa (1.000 FF); et 60% vivent avec l'équivalent d'un dollar, soit à peine 600 fcfa (6 FF) par jour. En 1997, le Programme des Nations unies pour le développement (PNUD) relevait que l'indice de pauvreté du Sénégalais atteignait 48%, comparé à un indice moyen de 40% pour l'ensemble de l'Afrique. Le chômage frappe 40% de la population active âgée de 20 à 40 ans tandis que la moyenne africaine est de 34%.De 1986 à 1998, le pouvoir d'achat s'est considérablement détérioré, le revenu mensuel moyen passant de 9.000 fcfa à 8300, alors que, entre-temps, sont survenues la dévaluation du fcfa (de 50%), la libéralisation économique et la mondialisation.
Parallèlement, le salaire mensuel moyen de plus des 70% des employés du secteur moderne est tombé à 76.000 fcfa (760 FF). Le "degré d'inégalité sociale" au Sénégal serait l'un des plus élevés du monde, en raison, explique-t-on, de la mal- gouvernance. D'où un dénuement qui continue à s'accentuer: quasi-abandon par l'Etat du secteur social, de l'éducation, de la santé, difficultés en approvisionnement en eau, etc.
L'UNESCO constate un "affaiblissement progressif, une baisse généralisée du niveau de l'éducation" au Sénégal. Dans le secteur de la santé, le constat est tout aussi sombre: un médecin pour 13.000 habitants, un centre de santé pour 154.000 habitants, ce qui est très loin des normes de l'Organisation mondiale de la santé (OMS). Au total, la société sénégalaise est marquée par des phénomènes plus ou moins récurrents, tels que la malnutrition, l'exclusion, la mendicité, une espérance de vie déclinante (48 ans actuellement), l'accroissement du nombre des sans abri, l'insalubrité, le taux élevé d'analphabétisme (57%), la montée de l'insécurité et de la violence, les "tentatives désespérées" d'émigration à tout prix, etc.
De nombreux et coûteux programmes et projets de lutte contre la pauvreté sont initiés ou mis en oeuvre par l'Etat et des organismes internationaux, programmes et projets dont on escompte qu'ils seront efficaces. Pour certains économistes, cette pauvreté est "structurelle", conséquence et manifestation évidentes d'une faillite "lamentable" des politiques conduites jusqu'à présent et qui risquent de détruire à terme le tissu social, s'il n'est déjà atteint.
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