ANB-BIA SUPPLEMENT

ISSUE/EDITION Nr 377 - 01/11/1999

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Afrique de l'Est

Les eaux troublées du lac Victoria


by Isaac Nyangeri, Kenya, août 1999

THEME = ECOLOGIE

INTRODUCTION

Le lac Victoria est le deuxième plus grand lac du monde et le plus grand d'Afrique,
mais ses eaux doivent affronter périodiquement un nombre incalculable de problèmes

Le lac Victoria þ qui se partage entre le Kenya, l'Ouganda et la Tanzanie þ a un potentiel de pêche allant jusqu'à un demi million de tonnes de 300 espèces de poissons.

Mais cet énorme potentiel est menacé, entre autres, par l'introduction d'espèces de poissons prédateurs, comme la perche du Nil (appelée chez nous mbuta), introduite dans le lac par les Japonais au début des années '50. Le World Watch Institute (WWI) signale que, depuis l'introduction de cette bête vorace, 200 espèces de poissons indigènes ont disparu.

Un autre problème majeur est la pollution. Une partie de celle-ci provient du mercure utilisé par les mineurs artisanaux le long des côtes tanzaniennes; mais la plus importante source de pollution provient des déchets domestiques. Lors des génocides au Rwanda et au Burundi, un grand nombre de cadavres ont abouti dans le lac par la rivière Kagera. Au Kenya, les moulins du Pan African Paper, à Webuye (province occidentale), déversent des produits chimiques dangereux dans la rivière Nzoia qui se jette dans le lac. Et l'usine de boîtes d'allumettes déverse ses déchets directement dans le lac.

L'insécurité vient s'ajouter aux autres soucis, car la piraterie augmente dans des proportions inquiétantes. Lors d'un incident, les pirates auraient dévalisé des pêcheurs, emportant dix moteurs hors-bord et du matériel de pêche. Venant, croit-on, de Tanzanie, bien équipés, armés de fusils et avec de puissants bateaux à moteur, les pirates ont frappé à 2h du matin. On pense qu'ils sont de connivence avec des personnes du côté kényan, car ils visent avec une précision déconcertante les bateaux équipés de nouveaux moteurs.

La jacinthe d'eau

L'invasion de la jacinthe d'eau est un grand problème. Remarquablement belle, elle a des feuilles vertes et des fleurs d'un bleu lavande attirant. Mais sa nature destructrice lui a obtenu des surnoms pas trop plaisants dans diverses parties du monde. Au sud des Etats-Unis c'est le "Diable de Floride"; en Asie elle devient la "Terreur du Bengale", et, au début des années '70, un chercheur la dénommait le "Beau diable bleu".

Sa présence est signalée pour la première fois dans la partie ougandaise du lac. On croit qu'elle y est entrée par la Kagera. C'est la seconde plante qui envahit le système aquatique naturel en Afrique de l'Est, la première étant la fougère d'eau, ou "Kariba", apparue dans le lac Naivasha (Kenya) en 1962.

La jacinthe d'eau provient du Venezuela, en Amérique du Sud. Quand elle arrive dans un environnement dépourvu de ses ennemis naturels comme des insectes et des virus, elle se développe à une cadence inhabituelle, susceptible de doubler sa biomasse en quelques jours. Cette plante couvre une large surface, et les "couches" flottantes qu'elle forme réduisent l'apport en oxygène et en lumière dans l'eau, détruisant ainsi les algues microscopiques qui forment la base de la chaîne alimentaire aquatique.

La jacinthe d'eau abrite aussi des maladies telles la malaria, la fièvre jaune, la bilharziose, la cécité des rivières et l'encéphalite. Les épais matelas de végétation gênent la navigation et emmêlent les filets de pêche et les appâts. Parfois, des gens sont bloqués au milieu du lac, entourés par la végétation; certaines parties peuvent se détacher de la masse principale avec des gens "à bord".

Contrôler cette végétation

Il y a quatre méthodes pour contrôler cette végétation:

Le Dr Kisia Abok de Kisumu offre une solution controversée d'utilisation de la jacinthe d'eau: "Le meilleur moyen de contrôler la jacinthe d'eau est d'en faire une exploitation économique", dit-il. Selon lui, la jacinthe pourrait servir à fabriquer de la nourriture pour le bétail et comme constituant de biscuits pour les humains, ainsi que pour la fabrication de papier.

La jacinthe d'eau a permis l'accroissement de certaines espèces de poissons indigènes, pratiquement éradiquées par l'introduction de poissons carnivores. Etant donné leur petite taille, ces poissons indigènes se cachent sous l'épaisse couverture de jacinthes. Cependant tout le monde n'est pas d'accord avec ce développement, car la population ne peut vivre uniquement de mets traditionnels.

L'industrie de la pêche

Un autre sérieux problème touche l'industrie de la pêche: l'utilisation de poison pour pêcher. On pense que cette pratique provient de la rive ougandaise du lac. A un certain moment, on utilisait des explosifs dans les eaux territoriales tanzaniennes; mais, après leur interdiction, l'utilisation de poison a gagné du terrain. On a découvert pour la première fois cet usage au Kenya, en avril 1998, dans le district de Busia (province occidentale). Les produits chimiques utilisés, dont le Thiadon, le Diazinon et le Triatix, sont achetés localement à des fournisseurs agricoles. Cette méthode de pêche est bien inquiétante, et les poissons ainsi pêchés sont vendus sur des marchés de l'intérieur car ils ont des signes aisément décelables par les connaisseurs de poisson þ sang coulant des ouïes et des yeux, gonflement du corps, coloration bleu-verdâtre. La consommation de ce poisson peut déclencher des diarrhées, des vomissements, des sueurs profuses et une salivation anormale.

Oui, les eaux du lac Victoria continuent à être troublées de diverses manières.

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