ANB-BIA SUPPLEMENT

ISSUE/EDITION Nr 377 - 01/11/1999

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Côte d'Ivoire

Un ras-le-bol


by D. Balla Moïse, Côte d'Ivoire, septembre 1999

THEME = ECONOMIE

INTRODUCTION

Augmentation du prix du pétrole, flambée des prix des denrées sur le marché national...
Le résultat d'une pagaille organisée

Inévitablement, le pire qui était à craindre est arrivé. Comme il fallait s'y attendre, la nouvelle tarification des dérivés pétroliers dans nos stations-service, consécutive à l'augmentation du prix du pétrole sur le marché international, a eu comme effet la hausse des tarifs des transports. Les mouvements de protestation, qui se propagent comme boule de neige, promettent un mauvais quart d'heure au pouvoir en place.

Bastions de la protestation, Yopougon (quartier populaire de la capitale économique Abidjan) et Dabou (au sud du pays) ont donné le ton. D'autres villes de l'intérieur sont sur pied de guerre. Le gouvernement, comme à son habitude, observe un silence de mort pour jouer à fond, avec plus ou moins de succès, l'usure du temps et la répression. Depuis cette hausse du prix du carburant, les forces de l'ordre quadrillent les points chauds et usent de la manière forte pour disperser les manifestants. A Yopougon, le 25 août dernier, la brigade anti-émeute a gratuitement et bêtement donné la mort au jeune Koffi Guy Mathias, qui vaquait à d'autres occupations.

L'usure du temps

L'autre allié du pouvoir pour désamorcer toutes les crises reste l'usure du temps. En avril de cette année, les violentes manifestations des femmes contre la flambée des prix des denrées de première nécessité ont fait long feu sans résultat concret. Le 4 juin, un communiqué du gouvernement annonçait: "Le gouvernement, sur instruction du chef de l'Etat, a décidé la mise en place d'une commission ad hoc d'enquête sur les prix dans nos marchés, composée de 118 membres pour procéder à des constats, dans un temps limité, sur l'évolution de ces prix à la consommation, en particulier ceux des denrées de première nécessité, et rendre compte de ses observations au gouvernement et à la société".

Mais la situation actuelle montre que le gouvernement a échoué une fois de plus. Cette commission ad hoc est un replâtrage et un voeu pieux quand le pléthorique gouvernement ivoirien, débordé de tous côtés, organise ou encourage la pagaille des prix, qui est le détonateur des mouvements de protestation. Car à la vérité, les consommateurs ne manifestent pas tant contre la hausse des prix des produits pétroliers que contre l'anarchie des tarifs de transport et, par ricochet, des prix des produits alimentaires sur nos marchés, où chaque boutiquier, chaque transporteur fixe ses prix en fonction de ses humeurs, profitant des fraudes du ministère de la Promotion du commerce intérieur dont les membres sont payés pour ne rien faire.

Consommateurs sans défense

Les Ivoiriens, en cette période où l'Etat se désengage des secteurs productifs, ne se font pas d'illusions. Plus que hier, les fluctuations des prix, conformément à la loi du marché, sont une fatalité dont ils ont pleine conscience. Mais ils attendent de l'Etat, qui semble avoir démissionné, qu'il assume ses fonctions. Ce qui n'est pas le cas, comme le montre le cafouillage actuel. Les mouvements répétitifs de protestation traduisent le ras-le-bol des consommateurs qui sont sans défense et livrés à eux-mêmes dans la jungle des prix, des plus fantaisistes aux plus indéfendables.

L'excès de la colère, que le gouvernement devrait gérer autrement que par des dispersions manu militari, preuve de son impuissance, démontre le désir de tous les Ivoiriens de voir enfin le pouvoir prendre le taureau par les cornes, en mettant sur pied, comme au Sénégal il y a 5 mois, un conseil national de discipline. Car, comme l'Etat semble déjà avoir jeté l'éponge, les Ivoiriens font ce qu'ils veulent dans une parfaite impunité. Ainsi, les garages poussent partout et obstruent les voies de circulation, les automobilistes grillent allégrement les feux rouges, les "racketteurs en uniforme" continuent leur sale besogne, la corruption se multiplie à nouveau...

En un mot comme en mille, l'autorité de l'Etat est bafouée par une indiscipline notoire, alors que le pouvoir continue à se servir sans vergogne, comme d'un antidote, de son chaleureux slogan: "Le progrès pour tous, le bonheur pour chacun". On devrait dire plutôt: "Le labeur pour tous, le bonheur pour certains"

END

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