ANB-BIA SUPPLEMENT

ISSUE/EDITION Nr 377 - 01/11/1999

CONTENTS | ANB-BIA HOMEPAGE | WEEKLY NEWS



Namibie

Le "Sud-Ouest africain" et la bande de Caprivi


by ANB-BIA, Bruxelles, octobre 1999

THEME = UN DOSSIER ANB-BIA

INTRODUCTION

La Namibie, le dernier pays africain à obtenir son indépendance,
prépare des élections pour le début de décembre. Ces derniers mois,
le pays a connu des mouvements insurrectionnels dans la bande de Caprivi.
Et avant la fin de l'année, la Cour internationale de La Haye
devrait rendre son jugement dans un litige frontalier avec le Botswana.

La Namibie est un immense pays aride de 824.790 kmý, à la population la plus clairsemée d'Afrique: un peu plus de 1.600.000 habitants, soit environ 2 habitants au kmý. Le pays se situe au sud-ouest du continent africain, le long de l'océan Atlantique, où tout au long de la côte s'étend l'étrange désert de Namib. Au nord et au sud, il a en grande partie des frontières naturelles; par contre, à l'est, sa frontière semble coupée à la hache, ou du moins par le crayon d'un scribe, lors du partage de l'Afrique à la Conférence de Berlin en 1884. De plus, dans l'extrême nord-est, une étroite bande, dite de Caprivi, y a été ajoutée pour donner un accès au fleuve Zambèze.

La population la plus ancienne, remontant aux temps préhistoriques, semble être celle des San (ou Bochimans). A présent, les groupes ethniques les plus importants sont les Ovambo (les plus nombreux) et Kavango dans le nord, tous deux essentiellement agriculteurs; les pasteurs Herero (centre-est) et Nama (sud), et les Damara (ouest).

Colonie allemande

Les contacts avec les Européens furent assez tardifs. A cause de la zone désertique le long de la côte, ceux- ci n'y avaient aucun point d'attache, à l'exception de Walvis Bay et son port naturel, qui servait de halte sur la route du Cap.

Ce n'est qu'en la deuxième partie du 19e siècle que prit fin la tranquillité des populations locales. Les premières invasions de Blancs vinrent de l'Afrique du Sud, surtout après la première guerre des Boers (1877-81), qui cherchaient de nouvelles terres. Mais ce fut l'Allemagne qui, à la Conférence de Berlin, s'octroya le pays qui s'appellerait dorénavant Deutsch Südwestafrika (le Sud-Ouest africain allemand). Seule Walvis Bay resta sous la couronne britannique.

Ce furent les Allemands qui découvrirent les richesses minières du pays, le cuivre d'abord, ensuite les diamants dans la zone côtière. Le régime colonial fut très dur, les peuples africains dégradés et dépouillés de leurs terres. Plusieurs révoltes, dont certaines ont pris des années, furent écrasées avec une extrême dureté; on estime que les trois quarts de la population Herero et au moins la moitié des Nama ont été décimés.

Territoire sous mandat

La première guerre mondiale mit fin à l'occupation allemande. A la fin de la guerre, la Société des Nations confia à l'Afrique du Sud le Sud-Ouest africain comme un territoire sous mandat.

En fait, la nouvelle administration confisqua les mines et distribua les terres des colons allemands à des Sud- Africains. La ségrégation raciale, déjà introduite par les Allemands, fut intensifiée et reçut une base légale. Dans les années vingt, on créa même des "réserves" pour les Noirs. Il n'y eut que le nord, la région la plus habitée, qui échappa en grande partie à ces mesures.

Après la deuxième guerre mondiale, les Nations unies voulurent intensifier le contrôle sur les "territoires sous mandat" et insistèrent sur la préparation à l'indépendance de ces pays. Ce qui fut jugé inacceptable par l'Afrique du Sud. Si les années '50 virent un développement considérable de l'économie, les contrastes sociaux ne firent que s'agrandir. L'opposition contre la politique raciste s'intensifia et prit une dimension politique par la création de divers partis, notamment la South West Africa National Union (SWANU, avec prédominance Herero) en 1959, et la South West African People's Organisation (SWAPO, avec prédominance Ovambo) en 1960.

En 1964, l'Afrique du Sud instaura le concept de "développement séparé" et attribua à chaque ethnie un "homeland". La SWAPO fit appel à la Cour internationale de La Haye, initialement sans résultat. Toutefois, l'Assemblée générale de l'Onu déclara mettre fin au mandat de l'Afrique du Sud et établit, en 1967, un Conseil pour le Sud-Ouest africain qui devait administrer le territoire. Finalement, en 1971, la Cour internationale de La Haye déclara illégale la présence sud-africaine dans le pays. Mais tout cela n'eut aucun résultat concret, l'Afrique du Sud étant soutenue par les puissances occidentales.

La SWAPO prit de plus en plus un rôle déterminant dans l'opposition et fut déclarée par l'Onu, en 1973, le seul représentant légitime du peuple namibien. En même temps, elle s'organisa en mouvement de guérilla, qui, à partir de l'indépendance de l'Angola, pouvait aussi opérer à partir de ce pays. La lutte, souvent sanglante, dura encore plus de quinze ans.

L'attitude de l'Afrique du Sud n'évolua que très lentement. En 1975, elle organisa la conférence dite de Turnhalle, du nom d'une ancienne salle de gymnastique allemande à Windhoek, qui introduisit une nouvelle forme d'administration. Par la suite, un gouvernement provisoire fut installé. Mais il fallut attendre la fin des années '80 pour arriver à un véritable tournant politique. En 1985, fut installé un gouvernement d'union nationale qui devait rédiger une Constitution et préparer des élections générales. Celles-ci eurent lieu en 1989. Sur les 72 sièges à l'Assemblée nationale, la SWAPO en obtint 41, la Democratic Turnhalle Alliance (DTA) 21. Le 21 mars 1990, la Namibie devint indépendante sous la présidence de Sam Nujoma, le leader de la SWAPO.

La Namibie indépendante

Un des grands mérites de Sam Nujoma et de son équipe a été sa politique de "réconciliation nationale". Bien qu'inscrite dans la Constitution et la démocratie parlementaire multipartite, celle-ci n'était pas évidente après tant d'années de luttes. Mais si les situations de crises potentielles n'ont pas manqué, le gouvernement a toujours su les résoudre sans se laisser entraîner dans des tensions raciales, au moins durant les premières années.

La plupart des anciens colons, de souche sud-africaine et allemande, sont restés dans le pays, où ils gardent toujours un pouvoir économique écrasant. En plus du secteur industriel, la domination blanche reste surtout importante dans le secteur agricole. En 1991, 4.045 fermiers, en grande majorité blancs, possédaient 45% du sol et 74% des terres exploitables. Aussi la réforme agraire de 1991 fit beaucoup de bruit. On trouva cependant un compromis, où les paysans noirs reçurent des terres sans s'attaquer aux grandes propriétés blanches. Des dizaines de milliers de réfugiés et d'anciens combattants furent intégrés dans la société. La confrontation avec les entreprises minières étrangères fut également résolue avec beaucoup de réalisme.

Il reste que les inégalités demeurent flagrantes et pourraient constituer un bouillon de culture de tensions sociales et politiques. Une grande partie de la population continue à vivre d'une agriculture de subsistance. En 1994, le chômage se situait encore à 40% de la population active. Toutefois, par une discrimination positive, des cadres africains se sont substitués progressivement aux Blancs dans l'administration, bien que cette politique ait eu moins de succès dans le secteur privé.

Le poids de la SWAPO s'est encore accentué au cours des années. Aux élections présidentielles et législatives de décembre 1994, elle remporta 72% des suffrages et 53 sièges à l'Assemblée nationale qui en compte 72. Sam Nujoma fut réélu avec 76% des votes. Cette victoire fait de la Namibie une démocratie à parti dominant. Elle doit notamment son succès à l'appui des Ovambo, bien que le soutien populaire dépasse les clivages ethniques. Le leader du principal parti d'opposition DTA, Mishake Muyongo, a cependant mis en garde contre une "démocratie ethnique".

Fin 1999, il y aura de nouvelles élections, et la grande question était de savoir si Nujoma, 71 ans, pourrait se représenter pour un troisième mandat présidentiel, que lui-même désire. La Constitution n'en permet que deux. Certains proposaient déjà qu'en tant que "père de la Nation" il soit nommé président à vie. Mais le congrès de la SWAPO, en mai dernier, trouva une entourloupette technique: en 1990, disent-ils, Nujoma a été nommé chef d'Etat par l'Assemblée constituante, ce qui n'était pas une élection; son premier vrai mandat commença donc en décembre 1994 et il peut se présenter encore une fois...

Problèmes territoriaux

* Walvis Bay et la pêche - Le premier problème international qui s'est posé à la jeune République a été celui de Walvis Bay, le seul port en eau profonde du pays, sur lequel l'Afrique du Sud continuait à revendiquer la souveraineté. Dès 1991 les deux gouvernements entamèrent des négociations pour régler ce litige, et en mars 1994 le port et son territoire furent intégrés au pays.
La côte namibienne est extraordinairement poissonneuse, grâce à un courant maritime qui y amène de l'eau froide de l'Antarctique. Mais durant le régime sud- africain, profitant du fait que la zone économique namibienne n'était pas reconnue internationalement, des flotilles du monde entier vinrent pêcher dans ces eaux, capturant chaque année jusqu'à un million de tonnes de poisson. Ce qui provoqua un recul dramatique de la pêche. Le gouvernement namibien a depuis lors institué une zone territoriale de 200 milles, où la pêche est interdite sans contrat avec le gouvernement. Selon des calculs officiels, la pêche pourrait rapporter annuellement près d'un milliard de dollars, ce qui représente un tiers du PNB du pays.

* Dispute avec le Botswana - Depuis des années, la Namibie et le Botswana se disputent la possession de petites îles, Situngu et Kasikili, situées dans la rivière Chobe. Ce qu'un observateur a appelé "la petite guerre frontalière la plus stupide de tous les temps". Il s'agit de petites îles inhabitées, qui sont d'ailleurs sous eau durant la saison des pluies. La Namibie a accusé le Botswana d'y avoir chassé des paysans qui y cultivaient quelques champs de maïs. La querelle se base sur de vieilles cartes datant de la partition des territoires entre Berlin et Londres en 1890. Il semble bien que ce qui importe au Botswana, ce ne sont pas tant ces îlots, que l'accès à l'eau et l'irrigation du delta de l'Okavango. En tous cas, les tentatives de médiation n'ont abouti à rien, et le cas a été soumis à la Cour internationale de justice de La Haye, qui devrait se prononcer encore cette année.

La bande de Caprivi

La bande de Caprivi, ce doigt pointé vers le coeur de l'Afrique, long de 450 km, est peut-être l'ineptie la plus étrange des frontières tracées par les puissances européennes à la fin du 19e siècle. Les Allemands l'avaient obtenue pour avoir accès au Zambèze, qu'ils pensaient être navigable jusqu'à l'océan Indien. Ils espéraient ainsi pouvoir créer un lien avec leurs territoires en Afrique de l'Est. En tous cas, les autres pays européens leur ont concédé ce corridor sans tenir compte évidemment des populations qui l'habitaient, principalement les Lozis. Ceux-ci sont maintenant répartis sur quatre pays, l'Angola, la Namibie, le Botswana et la Zambie.

Durant l'occupation sud-africaine, une partie des Lozis de la bande de Caprivi ont soutenu la SWAPO, d'autres y étaient opposés. Ces divisions ont continué après l'indépendance. Le territoire est aussi le plus pauvre de tout le pays et les Capriviens se plaignent d'être des laissés-pour-compte. Un Mouvement pour la libération du Caprivi a été créé, et a des liens avec un mouvement similaire des Lozis en Zambie, le Front patriotique Barotse. La Zambie également s'oppose absolument à tout séparatisme du Barotseland qui, avant l'indépendance, jouissait d'un statut spécial.

En octobre 1998, les autorités namibiennes disent avoir découvert un camp d'entraînement en Caprivi. Un coup de filet policier pousse deux mille personnes à prendre la fuite vers le Botswana. Le 2 août dernier, une centaine de rebelles de l'Armée de libération du Caprivi, venant d'un "pays voisin", s'attaquent à la capitale régionale Katima Mulilo. Ils sont rapidement délogés par les forces de l'ordre; bilan, une quinzaine de morts. L'état d'urgence est décrété, mais sera levé le 26 août. Toutefois, la situation reste tendue. Certains voient derrière ces événements la main de Jonas Savimbi, le leader de l'Unita de l'Angola voisin. Une manière à lui de riposter à l'alliance politico-militaire nouée entre le président angolais Dos Santos, Mugabe du Zimbabwe et Kabila du Congo.

END

SOMMAIRE | ANB-BIA HOMEPAGE | WEEKLY NEWS


PeaceLink 1999 - Reproduction authorised, with usual acknowledgement