ANB-BIA SUPPLEMENT

ISSUE/EDITION Nr 378 - 15/11/1999

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Kenya

Le balai Leakey pourra-t-il faire le ménage?


by Joe M'Bandakhai, Kenya, octobre 1999

THEME = PERSONNALITES

INTRODUCTION

Pour sauver l'économie du Kenya et débarrasser le pays
de la corruption en haut lieu, il faut des mesures radicales -
Richard Leaky est-il l'homme à réussir cette gageure?

Richard Leakey était connu au Kenya, dans le temps, comme l'anthropologue et le directeur de musée qui recherchait des restes fossiles de l'homme primitif, dans les régions les plus reculées du Kenya. A la fin des années '80, Leakey, Kényan d'origine britannique à la troisième génération, fut muté à la conservation des réserves naturelles où, comme directeur de Kenya Wildlife Service, il se montra un opposant acharné aux safaris de chasse.

Grâce à sa gestion énergique, on lui reconnaît d'avoir considérablement amélioré le taux de survie des éléphants et des rhinocéros. C'était avant qu'il ne se brouille avec le président Arap Moi et rejoigne les rangs de l'opposition. La façon dont il a été viré du Kenya Wildlife Service, et les avanies considérables qu'il a subies ont fait croire que la rupture avec le gouvernement était totale.

Mais, en politique, il n'y a ni amis ni ennemis éternels. Lorsqu'en août de cette année Moi offrit à Leakey le poste ministériel tout puissant de secrétaire du cabinet et de chef de l'administration, il accepta si rapidement et avec tant d'empressement qu'on lui reprocha d'être sans scrupule.

Une tâche ardue

Mais le président Moi avait besoin d'un homme pour une tâche ardue: transformer l'administration pléthorique du Kenya en un corps administratif efficace, tout en éradiquant une corruption endémique. Le pays passe par une grave crise financière; si l'on veut éviter une crise majeure, il faut prendre des mesures adéquates.

Les pays donateurs, le Fonds monétaire international et la Banque mondiale veulent qu'on réduise l'administration de 100.000 fonctionnaires; mais il faudra des propositions financières alléchantes pour ceux qu'on veut voir partir. Inutile de dire que la menace des suppressions d'emplois suscite de grandes inquiétudes. Richard Leakey s'est mis au travail avec un tel enthousiasme, que l'on craint qu'il ne marche sur les pieds de gens puissants.

Son premier dossier concernait la réduction du nombre de ministres de 27 à 15. En fait, cela ne s'est pas réalisé pour des raisons d'équilibre régional. Mais certains ministres puissants "n'ont pas ri" quand leurs pouvoirs ont été restreints et qu'ils ont été forcés de partager leurs ministères, sans réduction véritable du nombre de postes ministériels. Et ils ont fait sentir ce qu'ils pensaient. Un autre remue-ménage a eu lieu avec l'abolition de certains privilèges des VIP, comme les voyages en première classe en avion et les voitures supplémentaires.

Ensuite, Leakey a commencé à virer les directeurs des parastataux, dont beaucoup étaient considérés comme totalement inutiles, ayant largement dépassé l'âge de la retraite.

Et quel est le résultat? L'inquiétude et la panique règnent dans l'administration et chez les parastataux, grands consommateurs d'argent, qui auraient dû être privatisés depuis longtemps. Les ministres et d'autres personnes de poids sont tellement inquiets des réformes engagées avec le soutien du président Moi que, craignant pour leur avenir, certains semblent se liguer contre Leakey. Ils pourraient bientôt intensifier leur campagne pour obtenir sa disgrâce.

La corruption

Le montant de l'argent public volé est incroyable; en fait, la gabegie s'est amplifiée au cours des dernières années. Le pays a perdu 4 milliards de livres sterling sur une période de sept ans à partir de 1992; tandis que, entre janvier et juillet de cette année, d'autres œ500 millions ont disparu sans laisser de trace... Si les Eglises pensent que c'est la dette qui maintient l'Afrique dans la pauvreté, elles feraient bien de regarder de plus près ce qui se passe au Kenya!

Certains, toutefois, pensent qu'on attend trop de Richard Leakey, tandis que beaucoup de problèmes fondamentaux restent sans solution. On cite le cas de l'arrogante "dame de fer", Mme Zipporah Wandera, secrétaire de la mairie à Nairobi, qui a collaboré avec succès à la décadence d'une ville jadis florissante. En août dernier, Mme Wandera a été condamnée à 28 jours de prison pour outrage à magistrat. Mais si le juge a cru qu'elle serait enfermée, il se trompait largement: entourée par ses gardes du corps, elle a tout simplement quitté le tribunal et est retournée à l'hôtel de ville. Le lendemain, on l'a vue parader autour de la Foire annuelle, à portée de voix du commissaire, M. Abongo, qui semblait sentir instinctivement que cette femme est intouchable. Même le procureur général a gardé le silence.

Les gens citent cet exemple simplement pour montrer combien la tâche de Leakey est désespérée, si même les institutions qui doivent faire appliquer la loi, comme les tribunaux, sont bafouées de manière aussi flagrante. Si Richard Leakey ne peut rien faire pour prévenir de tels abus de pouvoir, il y aura en fait deux mesures: l'une pour les pauvres, et l'autre pour les riches et ceux qui ont des relations politiques.

END

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