ANB-BIA SUPPLEMENT

ISSUE/EDITION Nr 378 - 15/11/1999

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Ouganda

Mise en garde


by Crespo Sebunya, Ouganda, octobre 1999

THEME = DEPENDANCE

INTRODUCTION

Les dépenses militaires de l'Ouganda irritent les Occidentaux:
l'aide est en jeu

Les derniers à mettre l'Ouganda en garde ont été les Pays-Bas. Ils ont envoyé leur ministre de la Coopération au développement, Mme Evelin Herfkens, avec la promesse d'un don de 8 millions de $US, et un sévère avertissement: moins d'argent au secteur militaire, sinon...! "Nous avons signé un accord d'aide avec le gouvernement ougandais à condition qu'on réduise les dépenses militaires", a déclaré Herfkens, expliquant aux journalistes que la balle était désormais dans le camp ougandais. Ils devront prendre garde à ce point, sinon "il me sera fort difficile de convaincre le Parlement néerlandais d'aider l'Ouganda. Les Pays-Bas vont faire pression sur l'Union européenne (UE) pour qu'on en finisse avec l'aide militaire accordée aux pays en voie de développement, pour qu'il y ait enfin la paix en Afrique".

Suspendre l'aide - Les Pays-Bas ne sont pas les premiers à émettre ces menaces. Depuis longtemps, la Finlande a suspendu son aide à l'Ouganda à cause des dépenses militaires trop élevées; les organisations internationales des droits de l'homme en ont fait autant. Mais la plus grande menace est venue du Fonds monétaire international (FMI): en février 1999, il a suspendu l'aide de $ 20 millions à divers programmes économiques, en attendant une réduction des dépenses du gouvernement. L'argent a été versé trois mois plus tard, quand le gouvernement a semblé se soumettre à ce qui lui était demandé.

Folles dépenses - L'irritation des donateurs est assez compréhensible. L'année passée, le gouvernement s'est livré à des achats frénétiques, acquérant une quantité importante d'armes dont, entre autres, 120 tanks, 61 camionnettes blindées transporteurs de troupes, des avions de combat (dont 6 Mig-21), 35 tonnes d'armes d'assaut Garril. Israël, l'Afrique du Sud, et des pays d'Europe de l'Est ont été contactés pour ces achats.

Dès leur arrivée, les tanks se sont mis à vrombir le long des routes poussiéreuses d'Ouganda -þ au grand détriment du revêtement. Le gouvernement a ainsi dépassé son budget de la défense et violé certains termes de l'accord d'allégement de la dette, signé en 1995 avec les donateurs. Cet accord stipule que les dépenses pour l'armement ne peuvent pas dépasser 2% du Produit intérieur brut (PIB). Maintenant elles atteignent entre 2,5 et 2,8% du PIB .

Le gouvernement se justifie en disant que le pays a dû faire face à des menaces accrues de sécurité. Gerald Sendawula, ministre des Finances, du Plan et du Développement économique l'exprime ainsi: "L'accroissement des dépenses pour la défense est dû à la nécessité d'accélérer l'achat d'armements initialement prévus pour les années à venir; mais, vu la situation actuelle, cet achat a dû se faire plus tôt".

Ouganda, Soudan et Congo-RDC - Les relations entre Ouganda et Soudan n'ont jamais été des meilleures et, ces dernières années, elles se sont souvent traduites par des échanges de coups de feu entre les deux armées. L'aviation soudanaise a bombardé le territoire ougandais à diverses reprises. D'un côté, le Soudan accuse l'Ouganda de soutenir les rebelles de l'Armée de libération du peuple soudanais (SPLA). De l'autre, les autorités ougandaises accusent le Soudan et le Congo RDC de travailler la main dans la main pour déstabiliser l'Ouganda. Le Soudan, qui soutient l'Armée de résistance du Seigneur (LRA) au nord de l'Ouganda, est aussi soupçonné de soutenir les rebelles du Front démocratique allié (ADF), dans l'ouest de l'Ouganda, et d'avoir déplacé au moins 100.000 personnes de la région. C'est une des raisons pour lesquelles les troupes ougandaises sont entrées au Congo RDC . "Nous voulions protéger les aéroports pour ôter au Soudan toute chance d'armer l'ADF en passant par les villes du Congo", a déclaré récemment Amama Mbabazi, ministre de la Coopération régionale, à une station de télévision locale.

Mais les donateurs ne sont guère convaincus par cette argumentation. Bernard Ryelandt, représentant de l'UE en Ouganda, affirme: "C'est vrai. Il faut tenir compte du souci qu'a l'Ouganda de sa sécurité, mais son intervention au Congo RDC va beaucoup plus loin. Nous ne croyons pas que ce soit le souci de la sécurité qui a mené les troupes ougandaises à Kisangani, à 700 km de la frontière ougandaise". Les combats entre troupes ougandaises et rwandaises à Kisangani n'ont pas amélioré la situation de l'Ouganda, dont la crédibilité est de plus en plus mise en cause, car elle a été incapable d'écraser l'ADF - ce qui, après tout, était le but de son intervention au Congo.

Investir en Ouganda - Jusqu'il y a peu, les donateurs félicitaient l'Ouganda pour son zèle dans la réforme économique. L'économie ougandaise était en plein essor et constituait un encouragement pour les donateurs: elle croissait de 6% par an, l'inflation se maintenant à moins de 10%, et les exportations augmentaient, atteignant quelque $ 600 millions en 1998. A la suite des réformes, les investisseurs étrangers avaient prévu des investissements en Ouganda pour $5 milliards; en fait, ils ont investi 30% des sommes prévues, créant ainsi 80.000 emplois.

Les donateurs occidentaux pensaient que l'Ouganda méritait l'allégement de sa dette, et qu'il serait même le premier pays à se qualifier pour le programme des Pays pauvres très endettés (HIPC). L'argent est allé à des améliorations dans le secteur social, surtout à l'enseignement primaire, et cela s'est révélé un succès car, actuellement, 6,5 millions d'enfants en âge scolaire fréquentent l'école. Avant le lancement du programme en 1996, 2,5 millions d'enfants seulement allaient à l'école.

Le gouvernement essaie aussi de convaincre les donateurs qu'il s'est engagé dans la lutte contre la pauvreté dans les campagnes par des projets d'amélioration des routes locales, de fourniture d'eau potable et de développement rural. Néanmoins, pour les donateurs, le gouvernement n'en fait pas assez. Les dépenses pour la santé devraient représenter 25% du budget, et non 20%; celles pour l'enseignement devraient atteindre 30%, au lieu de 23%. Et les donateurs occidentaux sont inflexibles: le seul moyen pour l'Ouganda de lutter contre la pauvreté est de céder.

Effets de la guerre - La guerre a forcé les activités économiques à se déplacer vers différents endroits. Par exemple, au nord, surtout en Acholi, la production de coton, base de l'économie régionale, a été déplacée vers l'ouest. L'abattage du bétail, par l'armée gouvernementale et par les rebelles, a pratiquement décimé les moyens d'existence dans le nord de l'Ouganda.

En 1998, une équipe de l'Unicef a enquêté sur l'étendue de la rébellion et sur ses effets dans le nord du pays. Dans son rapport, l'équipe a établi que la guerre ébranle les tribus, particulièrement les Acholis: "Si le conflit se poursuit, les liens de la population avec la terre ancestrale vont se perdre, et de plus en plus de familles enverront leurs jeunes dans des zones plus sûres". Les donateurs sont convaincus que l'Ouganda devrait faire la guerre à la pauvreté, plutôt qu'à l'extérieur du pays.

END

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