ANB-BIA SUPPLEMENT

ISSUE/EDITION Nr 380 - 15/12/1999

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Ouganda

Les radios FM changent la scène de la radiodiffusion


by Peter Bahemuka, Ouganda, novembre 1999

THEME = MEDIAS

INTRODUCTION

La radio-diffusion a encore une place importante dans beaucoup de pays de l'Afrique.
L'auteur analyse ce qui se passe en Ouganda

En 1987, le Mouvement national de la résistance avait introduit une politique de libéralisation économique. En décembre 1993, deux stations privées de radio FM, basées à Kampala, virent le jour et mirent ainsi fin au monopole d'Etat sur les ondes.

Radio Sanyu sur 88.2 MHz et Capital Radio sur 91.3 MHz ont été les premières à entrer en compétition avec Radio Uganda. Elles ont été vite rejointes par le Central Broadcasting Service (CBS), sur 88.8 MHz, et Radio One, sur 90.0, à partir de juillet 1996 et septembre 1997; toutes deux sont basées aussi à Kampala et recherchent des auditeurs. Cinq autres stations, opérant toutes à Kampala, et sept opérant dans d'autres villes sont venues s'y ajouter. D'autres encore ont déjà reçu leur licence, mais ne sont pas encore opérationnelles.

Les auditeurs

Ces stations de radio sont privées, elles cherchent des audiences différentes et s'adressent à diverses classes. Par exemple, Sanyu s'oriente vers la jeunesse urbaine; CBS s'adresse aux traditionalistes du royaume du Buganda; Radio Simba à la population rurale du Buganda. Les autres, Voice of Toro, Radio West, Voice of Teso et Radio Paidha sont destinées aux auditeurs des régions de l'ouest, de l'est et de la région occidentale du Nil. Power FM et Impact Radio s'adressent surtout aux communautés chrétiennes.

Le CBS appartient à quelques officiels du royaume du Buganda; ses programmes sur des sujets régionaux attirent beaucoup la population de cette région. Capital Radio a deux propriétaires: William Pike (expatrié anglais et rédacteur en chef de New Vision, le journal le plus répandu, appartenant au gouvernement), et Patric Quarcoo, un homme d'affaires ghanéen. Radio Sanyu a été la propriété d'une famille ougandaise, avec à sa tête l'homme d'affaires Thomas Katto. Mais en septembre 1999, Sudhir Ruparelia, banquier et hôtelier, a acheté une participation majoritaire et l'a rebaptisée Sanyu 2000. Power FM appartient à un consortium de cinq Eglises, dont l'Eglise anglicane d'Ouganda et l'Eglise pentecôtiste de Kampala. Radio France Internationale (RFI) et la BBC diffusent leurs programmes respectivement sur 93.7 MHz et 101.3 MHz, 24 heures sur 24, pour leurs auditeurs en Ouganda.

La teneur des programmes

Les stations de radio FM, basées principalement sur la musique, ont introduit un nouveau style de l'écoute radiophonique. Les dernières musiques africaines, américaines et européennes, ainsi que la musique à travers les âges, y sont très populaires. Chaque station essaye de s'adapter aux goûts musicaux de ses auditeurs, jeunes et vieux. Les Ougandais apprécient de plus en plus le jazz, le zouk, la country music, le classique et le gospel. Toutes les heures, les stations donnent aussi les grands titres de l'actualité ou des journaux parlés dans les différentes langues du pays, avec des nouvelles locales ou étrangères. Certaines ont une revue quotidienne de la presse, d'autres des revues de la semaine. Elles diffusent aussi des causeries et des programmes, au cours desquels les auditeurs peuvent intervenir téléphoniquement s'ils ne sont pas d'accord.

C'est un nouveau développement dans l'histoire de la radio. Les fonctionnaires, les professionnels et les experts peuvent y présenter leurs problèmes et les discuter tout en invitant les auditeurs à y prendre part, à poser des questions. Dans le passé, l'Ougandais n'avait que Radio Uganda sans aucune interaction des auditeurs; maintenant la diffusion et la digestion des informations est plus facile.

Capital Radio a été félicitée pour plusieurs de ses programmes. "Desert Island Discs", animé par Pike, donne en direct des informations sur la vie privée et publique des personnes importantes de la société, leurs antécédents, leurs ambitions, leurs aspirations, leurs réalisations, leurs échecs, leurs goûts musicaux. Parmi les invités à ses programmes on note le président Yoweri Museveni, le roi du Buganda Ronald Muwenda Mutebi, la baronne Lynda Chalker, ex-ministre britannique pour le développement outre-mer, et des hommes d'affaires, locaux ou étrangers, des sportifs, des artistes, des politiciens et des journalistes.

Un autre programme de Capital Radio, "The Capital Gang", animé par Quarcoo, a un succès retentissant. Ses causeries "explosives", données par des critiques ou des analystes, traitent de sujets d'importance nationale, concernant surtout la politique, l'économie et les relations internationales. Des hauts fonctionnaires y présentent aussi des problèmes controversés concernant le pays.

"Capital Doctor" et "Dr. Ssenga", du CBS, parlent de la santé. Ils ont une grande audience, mais ils se sont aussi attiré des critiques ou des appréciations, à cause du langage osé et des points présentés. Ceux qui critiquent, disent qu'ils déforment le sens moral des enfants, à cause du language obscène utilisé. Ceux qui approuvent, disent que, en appelant un chat un chat, les présentateurs et les médecins aident les gens à mieux comprendre les maladies, surtout celles transmises sexuellement. Ces programmes sensibilisent la population sur le problème des rapports sexuels irréfléchis et la promiscuité, en particulier sur le fléau omniprésent du SIDA qui ravage l'Ouganda.

La publicité

Au niveau des affaires, l'arrivée de ces stations de radio FM, répandues inégalement dans le pays, a bouleversé le métier de la diffusion. Leur impact économique et leur possibilité d'expansion ont fait naître une compétition serrée sur le marché de la publicité et une course à l'audience. Il y a à peine 6 ans, toute publicité était chasse privée de Radio Uganda; maintenant toutes les stations y ont taillé leur part. CBS, par exemple, a accaparé le marché de Radio Uganda pour les annonces personnelles et les faire- part des décès, moissonnant ainsi de gros revenus.

Les stations de radio ont aussi établi des contrats très lucratifs de publicité avec de grosses compagnies comme les Niles Breweries Ltd, appartenant au groupe de Madhvani, le groupe industriel le plus important de l'Ouganda; les Uganda Breweries Ltd; la Century Bottling Company (qui embouteille les Coca-Cola; la Crown Bottlers (qui embouteille les Pepsi-Cola); Mobile Telephone Network et Celtel Ouganda, fournisseurs de services de téléphonie mobile; et bien d'autres encore.

Les stations FM sont aussi bien placées pour lancer des produits ou des services sur le marché, par le biais de programmes parrainés par ces compagnies. Elles donnent des prix aux auditeurs chanceux: des voyages à l'étranger, des autos, des postes de radio...

Quant à Radio Uganda, elle a dû chercher comment contrecarrer la compétition des stations privées qui deviennent de plus en plus nombreuses. C'est un coup dur pour la radio nationale qui, ayant toujours été la seule dans le pays, doit maintenant s'adapter à une concurrence sévère.

Doléances

Les radios privées ont pu opérer jusqu'ici sans aucune ingérence ou pression sur leurs programmes de la part du gouvernement, bien que celui-ci leur reproche leur manque de professionnalisme et un journalisme irresponsable dans la présentation de sujets sensibles. A leur tour, les radios se plaignent de la lourde charge qu'elles doivent payer chaque année à la Commission pour les communications pour obtenir leur permis d'opérer; elles trouvent que 5 millions de shillings ougandais (environ 3.500 US$) sont un prix trop élevé, surtout que cette somme s'ajoute aux taxes importantes qu'elles payent déjà à l'Etat.

Il y a cependant de sérieuses craintes que, dans un tel climat de compétition féroce, la recherche du profit et la volonté de plaire aux sponsors ne jouent un rôle prépondérant dans la présentation des nouvelles. On accuse ces radios de n'en faire qu'à leur tête et de présenter les nouvelles de façon à plaire aux annonceurs publicitaires, avec un journalisme perverti par l'appât du gain. Presque tous les journaux parlés sont parrainés par le géant Niles Breweries Ltd, ce qui ne favorise pas un bon journalisme.

On leur reproche même un journalisme irresponsable, découlant de leur manque de formation journalistique. Elles acceptent dans leurs studios n'importe qui, sans couverture médiatique, sans expérience et sans éthique professionnelle, et elles n'obligent pas leurs opérateurs à adhérer à des normes d'objectivité, d'honnêteté, d'équilibre, d'exactitude, de respect de la vie privée, et de minutie dans leurs missions d'informations. Certaines stations semblent ignorer que l'éthique est cruciale pour une presse professionnelle, crédible et courageuse.

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