ANB-BIA SUPPLEMENT

ISSUE/EDITION Nr 380 - 15/12/1999

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Congo-Brazza

Production pétrolière et pollution marine


by Esther Pabou-M'Baki, Congo-Brazza, octobre 1999

THEME = ECOLOGIE

INTRODUCTION

A Pointe-Noire, la capitale économique du Congo, la pollution marine et côtière,
longtemps sujet tabou dans les milieux pétroliers, mobilise aujourd'hui,
les scientifiques, les ONG à caractère écologique, mais aussi les pouvoirs publics.

En dépit des flux financiers importants que génère l'activité pétrolière, son expansion a un impact, non seulement sur la nature, mais aussi sur les populations proches des sites pétroliers. Le phénomène de la pollution marine et côtière au large de Pointe-Noire est un fait. "La menace est là", souligne M. Vincent Téliane Tchicaya, responsable de la communication à la mairie de Pointe-Noire et président des Associations des écologistes congolais. "Elle est nette et même aggravée par la morphologie de la côte congolaise qui est sablonneuse et basse".

Un danger réel

Faute d'études fiables et actuelles, il est encore impossible d'évaluer l'étendue de l'évolution de la pollution des côtes congolaises par les hydrocarbures. On se contente des constats des experts et des plaintes des populations pour se convaincre de la gravité du problème. Selon Martial Djimbi Makoundi, directeur de la cellule anti-pollution au ministère des Hydrocarbures, le phénomène s'exprime "en termes d'huiles déversées dans la mer, particulièrement dans les sites où se déroule les activités pétrolières. Dans la ville de Pointe-Noire, par exemple, on a constaté qu'il y a des goudrons sur la plage. Ces huiles ne sont pas uniquement des déchets de pêche".

Les habitants de Pointe-Noire craignent pour leur santé. Un des leurs, Faustin Nzila, qui achète toujours du poisson frais sur la plage des pêcheurs artisanaux, vient de constater que le poisson de mer exhale de plus en plus un arrière-goût des hydrocarbures. Habram Mossassi, installé au village des pêcheurs où il a acheté une pirogue de pêche, affirme: "J'ai constaté que de l'eau a noirci. Elle devient sale parfois et les pêcheurs reviennent avec peu de poissons. Ces derniers temps, ils sont obligés d'aller toujours plus loin pour espérer rentrer avec une bonne quantité de poisson. La pollution nous empêche de mener à bien nos activités".

Si depuis le début de la production pétrolière aucune marée noire catastrophique n'a été constatée, le responsable du projet conservation de la nature dans la réserve de Conkouati, à 160 km au sud de Pointe-Noire, témoigne: "Ces trois dernières années, nous avons enregistré des déversements pétroliers sur les côtes. Nous avons prélevé du goudron, du cambouis, qui remontait même très haut dans la lagune de Conkouati qui constitue aujourd'hui un des rares sanctuaires de la sous- région".

Population inquiète

Les Ponténégrins s'inquiètent de l'expansion de l'activité pétrolière dans le golfe de Guinée. En 1997, les pays de la sous-région produisaient déjà 3,9 millions de barils par jour. Et la pollution marine est un phénomène transfrontalier. "Les hydrocarbures qui menacent les forêts et les eaux marines congolaises proviennent aussi des pays voisins, le Gabon et l'Angola", fait remarquer Léonard Sitou, géographe.

A Pointe-Noire, les gens pointent du doigt les pétroliers qu'ils accusent de menacer leur santé. Jocelyne Mambou, qui aimait se baigner à la côte sauvage, préfère désormais contempler de loin cette eau salée. "Depuis que les pétroliers déchargent leurs huiles au large, nous avons, mes amis et moi, cessé de nous baigner". Et puis, elle s'interroge, portant son regard sur la fumée qui sort des exploitations pétrolières au Warf: "Ces derniers temps, il fait excessivement chaud dans la ville, n'est-ce pas à cause de ces gaz qu'on brûle à longueur de journées?".

Dans les villages situés près de la frontière du Congo et de Cabinda, à N'Djeno, la situation agricole se détériore. Les récoltes sont détruites par la pollution. Les villageois se plaignent. "La récolte n'est plus bonne ces dernières années. Je ne suis plus en mesure de payer les frais scolaires de mes enfants, chose que je faisais facilement. Nous ne comprenons plus rien", déclare Jeanne Ndembe. Il en est de même pour les habitants de Loango, un village à 20 km de Pointe-Noire, où les cultures sèchent. Les habitants attribuent toutes ces intempéries à la pollution pétrolière.

Le village de Loango est même menacé de disparition. L'érosion avance et elle a englouti des terres sur près de 900 km. "Ce phénomène est très menaçant. Les populations sont impuissantes face à la pollution. Cela fait plusieurs fois que j'en parle, mais les autorités restent passives et se croisent les bras", s'indigne le chef du village, en ajoutant "Le cimetière historique de Loango, celui du premier douanier du service de douane française qui était installé ici, mort en 1849, est menacé de disparition. La mer se trouve à 20 mètres des tombes et, si nous ne faisons pas attention, d'ici un ou deux ans tout cela va être englouti".

Les habitants de la localité de Loango disent que ce phénomène vient de la baie de Pointe-Noire. Depuis qu'on y a construit le port de Boscongo, celui-ci constitue un butoir pour le courant marin. "L'eau repart avec toute sa vitesse et toute sa vigueur. Quand elle arrive sur la baie de Loango, elle ne rencontre aucune résistance. Ainsi, l'océan creuse et Loango risque d'être englouti et tous les vestiges seront aussi emportés. Il faut voir comment protéger la nature", dit un de ses habitants.

Les pétroliers rétorquent

Les sociétés pétrolières brandissent des organigrammes avec leurs départements chargés des questions d'environnement. Elles veulent faire croire que l'expansion pétrolière n'est pas contre la protection des écosystèmes.

AGIP-Recherches-Congo, dans un prospectus sur le champ pétrolier de Kitina, souligne que celui-ci "est entièrement conçu en cohérence avec les critères de protection de l'environnement produits par AGIP pour la République du Congo et sa zone côtière. On prend soin de respecter les exigences du pays dans lequel l'opérateur est présent et actif dès le début de l'industrie".

Selon le responsable de la comptabilité de Elf-Congo, "les populations ont tort de penser que nous avons du mépris pour leur santé. Chaque année, notre entreprise dépense d'importantes sommes d'argent pour les assister". Il évoque au passage les dons en carburant pour l'éclairage de la ville depuis janvier dernier, et rappelle également que la société a accordé une aide en 1998 au Centre anti-tuberculeux, pour le suivi des malades.

Les ONG qui oeuvrent pour la conservation de la nature sont accusées par les populations de ne pas faire des efforts suffisants pour lutter contre la pollution. Celles-ci répondent qu'elles ne se croisent pas les bras, mais "nous n'avons comme arme que la dénonciation. Nous faisons des revendications, malheureusement nous ne sommes pas les décideurs", note Yves Mbama, un des responsables de l'ONG "La case humanitaire".

Coopérer dans la lutte

Marcel Tati, le chef du projet de Conkouati, conseille la souplesse dans la façon de travailler avec les pétroliers. Selon lui, "lorsqu'on se fait gendarme de l'environnement, on fait régner l'ordre et la discipline. Mais nous ne voulons pas être des gendarmes. Les ONG de la conservation de la nature se sont rapprochées des milieux pétroliers pour pouvoir mettre en place un mécanisme qui éviterait une éventuelle pollution marine". Il indique qu'en novembre 1998, les sociétés pétrolières sont allées travailler deux fois avec son équipe. Et en 1997, la société américaine Chevron a financé la réalisation d'un documentaire télévisuel sur la réserve de Conkouati.

Dans le but de coordonner toutes les actions de lutte contre la pollution marine et côtière dans le golfe de Guinée, le ministre des Hydrocarbures a organisé, en mars dernier à Pointe-Noire, un séminaire atelier. Les représentants des pouvoirs publics, de la société civile, de la communauté scientifique et des sociétés pétrolières ont tous appelé à des mesures préventives contre le phénomène de la pollution. Parmi celles-ci:

Espérons que ceci aura des effets salutaires...

END

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