ANB-BIA SUPPLEMENT

ISSUE/EDITION Nr 380 - 15/12/1999

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Zimbabwe

La Commission constitutionnelle - Première étape


by Percy F. Makombe, Zimbabwe, novembre 1999

THEME = POLITIQUE

INTRODUCTION

On attend avec impatience une nouvelle Constitution. Est-ce un rêve ou une réalité?

Après des mois de récolte de témoignages et de frénésie médiatique, la première étape du processus d'élaboration de la Constitution est terminée. L'est-elle vraiment? Car, selon les paroles immortelles du Yogi Berra: "Ce n'est pas fini jusqu'à ce que ce soit fini". Des Zimbabwéens de tous milieux ont assisté à près de 5.000 réunions organisées par la Commission constitutionnelle où ils ont pu dire comment ils souhaitaient être gouvernés.

Si 1998 a été l'année des abstentions, 1999 a été nettement l'année de la Constitution. Bon nombre de gens ont même été forcés de retourner à la poussiéreuse Constitution de Lancaster House, qu'ils avaient rarement eu motif de consulter dans le cours normal des choses. Les personnes qui se sont rendues aux réunions de la Commission constitutionnelle ont exprimé leur colère et leur amertume à l'égard du gouvernement ZANU-PF. A travers tout le pays, un orateur après l'autre se levait pour déclarer son mécontentement au sujet du gouvernement. A Gweru, un des commissaires a dû dire à l'assemblée: "Nous ne rédigeons pas une Constitution pour le président Robert Mugabe. Nous en rédigeons une pour le Zimbabwe. Nous désirons donc que vous nous disiez comment vous souhaitez être gouvernés".

Points récurrents

Dans le sillage des 5.000 réunions organisées par la Commission constitutionnelle, il apparaît que son programme d'information a été un succès. Mais il se pourrait que le travail de la Commission débute à peine. Elle va bientôt faire la synthèse des propositions, mais on peut déjà prédire ce qui va figurer dans la nouvelle Constitution. Les points récurrents peuvent se résumer à ceci:

  1. Le mandat présidentiel ne peut être renouvelé qu'une seule fois.
  2. Une Commission électorale indépendante doit prendre en charge les élections dans le pays.
  3. Dans la nouvelle Constitution, le président ne doit pas exercer trop de pouvoir. Il faut mettre fin au pouvoir qu'a le président de désigner 30 membres du Parlement.

 

Vers un référendum

La Commission constitutionnelle va préparer un projet de Constitution à soumettre à un référendum. L'Assemblée constitutionnelle nationale (NCA) - un groupe de syndicats, d'ONG, d'Eglises et d'autres organisations civiques - annonce qu'elle fera campagne pour le "non" au référendum national annoncé. Le porte-parole du NCA, Welsman Ncube, explique: "Le processus d'élaboration de la Constitution aurait été d'excellente qualité, s'il n'avait pas été détourné et monopolisé par le ZANU-PF qui refuse obstinément de reconnaître que sa manière d'élaborer une Constitution est totalement défectueuse et partisane, et ne peut aboutir à un consensus national sur le contenu de notre Constitution". Sur les 400 commissaires qui ont pris part à la récolte des témoignages, plus de la moitié sont membres du ZANU-PF.

Dans les "Questions et réponses", la Commission dit: "...il n'y a rien d'unique à ce que la majorité des membres du parti au pouvoir prennent part à l'élaboration de la Constitution. Il y a des précédents dans des pays tels que l'Afrique du Sud et l'Ouganda, où des assemblées dominées par les partis au pouvoir ont promulgué des Constitutions démocratiques".

Lovemore Madhuku, membre du NCA et professeur de droit à l'université du Zimbabwe, est d'un autre avis. Il explique que "l'Ouganda et l'Afrique du Sud ne sont pas logés à la même enseigne que le Zimbabwe en ce qui concerne l'élaboration de la Constitution. La Constitution ougandaise ne permet pas le libre fonctionnement des partis politiques et exige que la question du rôle des partis soit soumise à référendum". En Afrique du Sud, "le processus d'élaboration d'une nouvelle Constitution était accepté avant que le Congrès national africain (ANC) arrive au pouvoir. L'ANC n'a pas imposé un laps de temps au bout duquel ce processus devait être terminé. L'ANC n'a pas choisi les personnes constituant l'Assemblée nationale qui a rédigé la Constitution".

La NCA, bien qu'invitée, a refusé de participer au processus, car elle s'oppose à la désignation d'une Commission constitutionnelle selon les termes de la loi sur les commissions d'enquête. En vertu de cette loi, le président peut saquer toute la commission avant qu'elle ait rempli ses obligations. Et même quand la commission a présenté ses conclusions, le président n'est pas obligé de se conformer à ses recommandations.

Terrain dangereux

La marche vers la nouvelle Constitution se déroule sur un terrain dangereux. Nul doute que la NCA a été la première à demander une nouvelle Constitution démocratique, mais elle s'est retrouvée dans un environnement où la seule règle est qu'il n'y a pas de règles. Les nombreux meetings organisés par la NCA ont certainement persuadé le gouvernement qu'il fallait une nouvelle Constitution. Malgré un déluge de contre-propagande, les réunions de la Commission constitutionnelle ont été un succès. On y a vu les gens apporter leur témoignage malgré les appels au boycott de la NCA.

Les partis d'opposition sont résolus à boycotter une réunion proposée par la Commission constitutionnelle pour y exposer leurs vues. Le porte-parole de la commission, Jonathan Mayo, affirme qu'en parlant ouvertement au cours des auditions, les gens ont lancé un défi aux partis d'opposition: "C'est maintenant l'occasion pour les partis politiques de prendre la parole et de relever le défi". La plupart des partis d'opposition appartiennent à la Fondation pour la démocratie au Zimbabwe (Fodezi). Fodezi est membre de la NCA. Parmi les membres de Fodezi, on cite l'Alliance conservatrice du Zimbabwe, Imbovane Yamahlabezulu, les Partis unis, l'Union des démocrates du Zimbabwe, le Parti démocratique, le Mouvement de l'unité du Zimbabwe et la Convention du peuple du Zimbabwe.

Malgré les discours vibrants et les slogans, l'opposition ne présente pas vraiment un front uni. Bekithemba Sibindi, président d'Imbovane Yamahlabezulu, est commissaire dans la Commission constitutionnelle, ainsi que Obey Mudzingwa de la Convention du peuple du Zimbabwe.

La NCA a aussi décliné une invitation à se joindre à un débat télévisé sur le processus constitutionnel. Jonathan Moyo, à la tête du département de l'information de la Commission constitutionnelle, a écrit à la NCA: "Après tout ce qui s'est passé, nous reconnaissons tous le rôle important que la NCA a joué dans le débat constitutionnel... C'est précisément parce que nous le reconnaissons que nous vous invitons à parler à la nation". Néanmoins, la NCA a refusé l'invitation. Dans sa réponse elle déclarait: "La mission de la NCA est liée à la résolution de la Convention constitutionnelle du peuple qui stipule que nous ne pouvons avoir de relations avec la Commission constitutionnelle et, en particulier, que nous ne pouvons donner aucun argument à la Commission. Votre suggestion d'utiliser la Commission constitutionnelle pour communiquer avec la nation est regrettable et inacceptable pour nous. Nous avons communiqué avec la nation par nos propres moyens, nous le faisons et le ferons encore...".

Mais quelle Constitution?

La NCA est engagée dans un processus alternatif: produire une nouvelle Constitution, bien qu'on ne voit pas encore clairement ce qu'ils veulent en faire. Dans l'intérêt des Zimbabwéens, il semblerait que pour avancer il faut synthétiser les deux Constitutions et n'en présenter qu'une seule au référendum. Dans les semaines à venir, nous verrons avec quel sérieux le gouvernement envisage la rédaction de la nouvelle Constitution.

Tout ce qui s'est passé au cours des dernières semaines s'oriente vers deux conclusions apparemment opposées mais qui ne le sont peut-être pas. L'une est que la Commission constitutionnelle proposera un projet de Constitution. L'autre est que la NCA, de son côté, proposera une nouvelle Constitution. Tandis que la NCA se débat pour savoir ce qu'elle va faire de sa Constitution, la Commission constitutionnelle lutte pour que sa Constitution ne soit pas simplement enfermée dans un coffre-fort. Finalement, si de part et d'autre on n'est pas très prudent, les Zimbabwéens pourraient bien passer à côté d'une Constitution démocratique.

NOTA - Dans le projet de Constitution présenté au président le 29 novembre, la Commission constitutionnelle recommande de limiter le mandat présidentiel à deux termes de cinq ans. Les opposants de M. Mugabe ont essayé de donner une valeur rétroactive à cette proposition, ce qui aurait signifié qu'il doit démissionner. Mais cela n'a pas été accepté (ANB-BIA)

 

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