by Kenneth Dareng, Nigeria, novembre 1999
THEME = RELIGION
L'Etat de Zamfara a adopté, le 27
octobre 1999, la loi islamique
et d'autres veulent le
suivre.
Deux journalistes nigérians en examinent les
conséquences pour le pays tout entier.
Cela a causé pas mal d'animosité entre musulmans et chrétiens, les deux principaux groupes religieux du pays. Déjà en 1986, on avait connu un scénario similaire, quand le bruit avait couru que le Nigeria pourrait entrer dans l'Organisation de la conférence islamique (OIC). Depuis lors, il y a une guerre froide entre chrétiens et musulmans, qui s'étend aujourd'hui à d'autres aspects de notre vie nationale. La nouvelle confrontation causée par l'introduction de la sharia ne peut qu'aggraver la crise qui existe entre les deux religions.
Pour les chrétiens, la Constitution doit protéger et promouvoir les intérêts de chaque individu et de toute la nation; il n'y a donc pas de place pour la sharia. Pour les musulmans, par contre, rien ne peut empêcher l'introduction de la sharia, car un bon musulman ne peut juger ni accepter d'être jugé que par la sharia.
Beaucoup se demandent pourquoi faut-il cette loi dans une société composée de différentes religions. Les musulmans oublient que le Nigeria n'est pas construit sur une religion particulière et que la démocratie est là pour garantir aux groupes ethniques et à toutes les religions l'égalité et le droit de parole dans les affaires de leur Etat. Les trois principales ethnies ont cohabité nonobstant les différences de religions, de tribus, de cultures, et ont trouvé les solutions aux problèmes qui auraient pu les séparer.
Là où elle est pratiquée (Arabie Saoudite, Libye, Iran, Irak), la sharia a de graves conséquences. La prostitution, la consommation d'alcool, la possession de drogues p.ex. sont punies de terribles sanctions: mains coupées, longs emprisonnements et même la mort.
Cinq Etats nigérians se préparent maintenant à introduire la sharia: Kano, Yobe, Zamfara (déjà fait), Sokoto et Katsima. Leurs gouvernements ont stipulé que, dans les cas individuels, les non-musulmans ne seront pas obligés d'être jugés selon la loi islamique. Mais s'il s'agit d'un cas entre un musulman et un non-musulman, ce dernier sera certainement désavantagé. Quel sera donc son sort alors?
Cela pose de gros problèmes dans un pays qui n'est pas entièrement islamique. Sheikh Ibrahim Zakzaky, un érudit musulman, précise: "La sharia est un système juridique islamique, il n'est praticable que dans un Etat islamique. Le Nigeria, tel qu'il est aujourd'hui, n'est pas un pays islamique. Appelez-le comme vous voulez, une démocratie, ou autre chose, mais certainement pas islamique. Il y a une Constitution, qui ne reconnaît pas la sharia comme loi suprême et qui, de plus, a mis des limites à l'application de la loi islamique". Pour que la sharia puisse fonctionner sans difficultés, il faut donc qu'une société soit islamique; et pour avoir une société islamique, il faut que le président, les gouverneurs et l'Assemblée nationale soient tous assujettis à la sharia.
Pour beaucoup de Nigérians, la communauté islamique ne devrait pas donner trop d'importance à la sharia. L'Association des chrétiens du Nigeria (CAN) a fortement critiqué l'introduction de la sharia dans certains Etats. Le président Olusegun Obasanjo lui-même a critiqué les conséquences de cette décision. Le gouvernement fédéral a porté l'affaire devant la Cour suprême, demandant d'interdire au gouvernement de ces Etats de faire de la sharia la loi de leur Etat.
Pour le moment, le calme règne encore, mais qu'adviendra-t- il si la controverse s'envenime?
END