by Tendai Madinah, Zimbabwe, novembre 1999
THEME = ENFANTS
Durant des années, le Zimbabwe a
été accusé
par les syndicats et les
organisations des droits de l'homme
de ne pas vouloir abolir le
travail des enfants.
Il s'est enfin décidé à
y faire quelque chose.
Le 20 septembre 1999, les départements gouvernementaux, le bureau central des statistiques, le ministère du travail en union avec le Conseil national pour l'emploi au Zimbabwe, l'Organisation internationale du travail (OIT) et le Syndicat des travailleurs agricoles et des plantations au Zimbabwe (GAPWUZ) ont lancé le projet national d'enquête sur le travail des enfants, pour en déterminer l'étendue dans le pays.
Selon John Mugari, du Conseil national pour l'emploi au Zimbabwe, l'enquête a été menée dans 395 centres dans tout le pays, et visait surtout les enfants entre 5 et 17 ans. Certains de ces centres étaient situés dans des régions de repeuplement, des régions communales, des grandes et des petites fermes commerciales, des régions urbaines et des plantations de thé. Le projet voulait savoir où et pour qui ces enfants travaillaient. Les résultats ne seront publiés qu'en janvier 2000.
Le ministre des services publics, du travail et de l'aide sociale a déclaré que le gouvernement pourrait demander l'assistance de l'OIT pour abolir le travail des enfants. Tout dépendra des résultats de l'enquête. Le projet envisage une réhabilitation des victimes et leur protéction contre toute exploitation possible. Le ministre de l'agriculture, Kumbirai Kangai, a déjà reçu beaucoup de rapports sur le travail que des enfants doivent fournir dans des fermes, ne recevant qu'un maigre salaire ou rien du tout: "C'est navrant de voir que, dans des régions communales ou dans des fermes commerciales, des adultes sans coeur exploitent des enfants innocents, alors qu'ils devraient être à l'école", dit-il.
Le Zimbabwe est un des pays signataires de la Convention des Nations unies sur les droits des enfants. La loi zimbabwéenne sur le travail fixe à 16 ans l'âge minimum pour être embauché, et pourtant on trouve des enfants d'à peine 8 ans cueillant le thé, le café ou le coton dans les plantations. Ces entreprises détournent l'esprit du programme du gouvernement "éducation avec production".
Vers le milieu des années 80, le gouvernement avait décidé qu'à partir du deuxième cycle (13 à 14 ans), les élèves devaient faire au moins un travail manuel. On avait appelé ce programme "éducation avec production". Les fermes devaient subvenir aux besoins des enfants, et fournir le transport vers une autre école pour des activités sportives. En fait, beaucoup d'enfants travaillent dans ces fermes commerciales dans des conditions de travail dangereuses, sans habits de protection, sans soins de santé et sans temps libres, les heures de travail n'ayant pas été spécifiées.
Le GAPWUZ estime que ce qui se passe dans ces fermes c'est de l'exploitation pure et simple des enfants. Même si ces écoles reçoivent des subsides insuffisants et que les enfants sont pauvres, cela ne leur donne pas le droit d'abuser des enfants en les obligeant à travailler.
Ce système, selon le GAPWUZ, ne fait que perpétuer le cycle de pauvreté des travailleurs agricoles. Il y aurait au Zimbabwe 300.000 enfants de moins de 16 ans au travail dans les différents secteurs de la société, en tant que main-d'oeuvre à bon marché. Environ 100.000 travaillent dans les grandes fermes, dans les petites exploitations minières et dans des secteurs informels. Plus de 40.000 travaillent pour leur famille sans aucun salaire, en vendant des bonbons, des cigarettes ou de la quincaillerie.
Les enfants des travailleurs immigrés, venant surtout des pays voisins, le Malawi, la Zambie et le Mozambique, qui travaillent dans les fermes ou les mines, y sont pratiquement prisonniers. Des centaines d'autres font un travail de domestique; ils souffrent en silence sous le joug de leur maître ou maîtresse, surtout les filles, qui sont parfois violées. Ils ne reçoivent qu'un maigre salaire, soi-disant parce qu'ils sont logés et nourris, et souvent même ce salaire est payé en retard.
Le gouvernement a été très lent et peu disposé à abolir le travail des enfants, si bien qu'un important acheteur de tabac a même menacé de ne plus acheter la récolte, précisément à cause de ce travail des enfants. Tout le monde sait que les élèves des écoles primaires aux alentours des plantations de coton, de thé et de café, ou des grandes fermes gouvernementales, sont réquisitionnés pour la cueillette, leurs directeurs étant liés par la loi du silence. Ceux qui en parlaient étaient suspendus et même renvoyés sur-le-champ.
Espérons que cette enquête sur le travail des enfants puisse mettre enfin un terme à cette pratique dans notre pays.
END