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by Peter Bahemuka, Ouganda, janvier 2000
THEME = MEDIAS
La presse écrite de l'Ouganda est connue pour son dynamisme
L'Ouganda a eu des journaux depuis 1911; mais, malgré tout, le pays a mauvaise réputation: le taux de "naissances et mortalités" de ses journaux et nouveaux magazines y est très élevé.
Presque tous les journaux ayant vu le jour depuis le début de la presse écrite, ont disparu. Des moyens financiers insuffisants, une sévère concurrence, une pauvre administration et un lectorat réduit en ont eu raison. Ainsi, depuis 1986, pas moins de cinquante publications sont apparues dans les kiosques, mais à peine vingt-trois survivent encore aujourd'hui.
Même si on tient compte des vicissitudes et des cataclysmes de notre époque, ce n'est pas très brillant. Des journaux et magazines publiés dans la période coloniale, un seul a atteint les années 1990: le Munno écrit en langue luganda. Il avait été lancé en 1911, onze années après l'établissement du régime colonial anglais. Il était la propriété de l'Eglise catholique, arrivée dans le pays dans la dernière moitié du 19e siècle, et qui possédait une imprimerie. Il était donc le plus ancien des journaux publiés régulièrement en Ouganda. Malgré cela, il cessa de paraître au milieu des années 1990.
Des journaux lancés dans les années 1960, un seul a survécu: The People, le porte-parole du parti "Uganda peoples Congress" (UPC). Il est donc, à ce jour, le plus ancien journal survivant en Ouganda, sans compter le journal publié et contrôlé par le gouvernement, mais qui a changé de nom et de caractère à chaque changement de régime. Il faut encore mentionner le Weekly Topic, commencé dans les années 1970, mais qui a également cessé de paraître vers le milieu des années 1990.
Dans l'histoire de la presse en Ouganda, il faut tenir compte de deux points importants. Le premier, c'est que pratiquement tous les journaux ont leur siège à Kampala, la capitale, et sont lus surtout dans ses environs. Les principaux quotidiens et hebdomadaires y ont leur centre d'opération et sont distribués dans les autres villes du pays. Seuls trois hebdomadaires régionaux sont publiés en dehors de la capitale. La ville de Kampala est donc inondée de toutes sortes de journaux et de revues, en quête de lecteurs dont le nombre est limité.
Le second, c'est que le gouvernement publie lui aussi son journal. Celui-ci a souvent changé de nom. Au début il s'appelait Uganda Argus (1962-71), puis Voice of Uganda (1971-79) et Uganda Times (1980-86) et enfin, depuis 1987, avec un peu plus de succès, New Vision. Celui-ci publie aussi quatre éditions dans différentes langues régionales. Son succès est le résultat d'un ensemble de facteurs, surtout de sa liberté de rédaction (ce qui est surprenant pour un journal publié et contrôlé par le gouvernement) et de son refus de se plier à la ligne officielle du gouvernement. C'est aussi lui qui en reçoit toutes les publicités lucratives.
Les années 1990 ont vu une révolution technologique dans les médias imprimés. Les ordinateurs ont fait leur apparition ainsi que les fac- similés, et les presses d'imprimerie sont devenues plus performantes. L'étape suivante a été de donner aux journaux une base financière plus solide et d'employer des moyens qui attirent les lecteurs, d'utiliser les nouvelles facilités de communication et d'assurer des rédactions solides. Pour respecter les dates limites et permettre de gros tirages, les journaux ont dû investir dans des presses plus grandes et plus rapides. Pour attirer plus de lecteurs, ils ont mis plus de variété dans leur présentation, ont introduit les couleurs et se sont lancés dans un marché agressif.
Trois événements importants ont influencé l'histoire contemporaine des médias écrits, au début des années 1990.
Uganda Confidential - Le premier a été l'apparition au début des années 1990 du Uganda Confidential, un bulletin périodique engagé dans la croisade contre la corruption répandue dans tout le pays. Au début, Uganda Confidential et son éditeur, Teddy Seezi Cheeye, inspiraient la peur aux personnalités officielles. Mais, au cours des années, ils ont perdu leur dynamisme, après de nombreux procès pour diffamation intentés par des politiciens, des hommes d'affaires, des responsables parastataux et des technocrates du gouvernement. Le bulletin subit de lourdes pertes et fut placé en règlement judiciaire, à deux doigts de la faillite. Voulant survivre, il a dû mettre de l'eau dans son vin.
The Monitor - Le second événement est la naissance du Monitor, le premier journal appartenant à un journaliste ougandais indépendant. Contrairement à ses contemporains, il réussit à survivre. The Monitor fut fondé en 1992 par un groupe de journalistes qui travaillaient auparavant au Weekly Topic, un journal critique mais sérieux, très apprécié par ses lecteurs, appartenant à trois politiciens, Jaberi Budandi Ssali, Kintu Musoke et Ali Kirunda Kivejinja. Ceux-ci avaient été ministres et, depuis 1986, étaient devenus des hauts fonctionnaires du gouvernement. Il va sans dire qu'il était très difficile pour ce journal de rester indépendant et de critiquer le gouvernement.
Sous la conduite du journaliste Wafula Oguttu, un groupe de journalistes a quitté le Weekly Topic pour commencer The Monitor, d'abord avec une péridicité hebdomadaire. Entre-temps, le Weekly Topic était devenu un quotidien sous le titre de Daily Topic, mais pour disparaître quelques années plus tard. On peut dire que ce fut The Monitor qui l'obligea à se retirer de l'affiche. Mais The Monitor s'attira des ennuis à la suite d'un reportage très critique sur le gouvernement, qui décida de lui retirer la publicité gouvernementale. Le journal frôla alors la mort, mais il s'accrocha tant bien que mal et, quatre ans après, il reprit le dessus. L'interdiction sur la publicité fut levée en 1997.
The East African - Le troisième événement a été l'apparition sur le marché ougandais du The East African, édité par le Nation Group dont l'Agha Khan est le propriétaire et le siège à Nairobi, au Kenya. Hebdomadaire régional de qualité, The East African s'adressent aux lecteurs du Kenya, de Tanzanie et d'Ouganda. En Ouganda, il est le seul hebdomadaire de qualité en anglais. Mais le Nation Group voudrait s'implanter encore plus solidement dans le pays; il paraît intéressé dans l'achat du New Vision, dont la privatisation est encore pendante, et il semblerait qu'il soit aussi en pourparlers avec The Monitor en vue de le reprendre.
Depuis l'apparition du Monitor, la presse écrite n'a fait que se développer. Sont surtout en expansion parmi les quotidiens: The Monitor et New Vision en anglais, et Bukedde en langue vernaculaire. En décembre 1995, on vit l'apparition du The Crusader, lancé par dix journalistes professionnels venant du Monitor. D'abord hebdomadaire indépendant, puis paraissant trois fois par semaine, il était en voie de devenir un quatrième quotidien, quand il dut fermer ses portes en avril 1999. Avec lui s'évanouit l'espoir d'avoir en Ouganda, dans un proche avenir, une deuxième voix alternative.
Pour être complet, il faut encore mentionner le Sunday Monitor et le Sunday Vision, tous deux édités par les quotidiens relatifs.
La presse vernaculaire s'est aussi bien développée, sous le patronage de New Vision. Ce groupe distribue au total 370.000 copies chaque semaine. Les quatre journaux appartenant au groupe sont: Bukedde, un quotidien en luganda destiné à la région centrale; Orumari, un hebdomadaire pour la région occidentale; Rupiny, un hebdomadaire pour les Luo; et Etop, un hebdomadaire pour les Ateso.
Les deux quotidiens renommés Munno et Ngabo ne sont plus en circulation. Ngabo était un quotidien indépendant, publié depuis 1980, qui cessa de paraître au début des années 1990, laissant le champ libre à Bukedde. Njuba Time, lancé avec pompe pour remplacer Ngabo, avait suscité au début l'espoir d'avoir une voie alternative, mais a vu son succès diminuer drastiquement.
L'énorme développement des principaux journaux a inauguré une nouvelle époque de journalisme d'affaires, où les éditeurs, en même temps propriétaires et gestionnaires, sont à la tête d'une entreprise complexe. Ils sont imbus des valeurs traditionnelles du journalisme et poussés par les valeurs d'une libre entreprise et de compétitivité. Ces journaux associent les affaires à l'imprimerie et à la publication.
La ruée vers la publicité et la lutte pour la suprématie de la distribution, d'importants investissements en technologie et en capitaux, un personnel plus nombreux, des relations plus difficiles avec le personnel, les soucis croissants concernant les prix d'impression qui ne font qu'augmenter, les taxes à payer et autres problèmes, tout cela a nécessité la création d'un "corps gestionnaire" dans la publication des journaux. Depuis décembre 1993, les journaux ont aussi durement ressenti la part que les radios FM privées ont prise dans les budgets de publicité des compagnies commerciales.
Le journalisme est devenu une profession décente et attractive; l'embauche, la stabilité dans l'emploi et la promotion montrent bien que l'accent est mis sur le recrutement de journalistes qualifiés. De nos jours, la spécialisation est de plus en plus recherchée en Ouganda. Les commentaires d'écrivains indépendants deviennent courants et sont très appréciés dans les journaux. Ceux-ci admettent plus de femmes dans leur équipe, et il y a maintenant des pages pour les femmes et d'autres pour les enfants. Mais ce qui manque encore, ce sont des reportages d'opinion, des analyses correctes des nouvelles, des articles spécialisés sur des thèmes cruciaux, ainsi que des commentaires sur les problèmes nationaux.
Les années 1990 ont aussi été l'âge d'or pour le journalisme photographique. Des photographes de renom ont réussi à prendre de bonnes photos au bon moment pour montrer l'événement à des milliers de lecteurs. Les caricaturistes politiques aussi ont eu beaucoup de succès avec leurs caricatures satiriques d'événements importants.
Il y a d'autres dimensions à souligner dans ce développement. D'abord, dans ce système politique du "mouvement sans partis", il n'y a pratiquement pas une "opposition". Mais, par ses critiques et ses tentatives de former l'opinion publique et de promouvoir une bonne gouvernance, petit à petit, la presse est devenue une opposition non officielle. D'ailleurs, le gouvernement accuse de plus en plus la presse, lui reprochant d'éroder les valeurs culturelles et sociales, de ne présenter au public que des mauvaises nouvelles, de rechercher le sensationel, d'être irresponsable et non professionnelle.
Ensuite, la crédibilité des médias et l'éthique journalistique, sont souvent des sujets très discutés, non seulement parmi les intellectuels, les forces sociales et au gouvernement, mais aussi parmi les journalistes eux-mêmes, qui font leur autocritique. Les professionnels veulent tenir compte des défis et des critiques, et s'efforcent de perfectionner les médias. Ils veulent en particulier améliorer les conditions de travail, rédiger un code volontaire de conduite (qui a été malheureusement détourné et reçu force de loi dans les Statuts de la presse et du journalisme de 1995), créer une organisation professionnelle avec le but de maintenir les objectifs élevés du journalisme, encourager et soutenir l'éducation journalistique et son enseignement, créer des revues de journalisme et défendre la presse contre les pressions venant du gouvernement ou d'ailleurs.
Bien que la presse jouisse d'une certaine liberté, la grande préoccupation des journalistes reste la lutte pour la liberté d'expression et le droit à la critique, et à l'accès à toute information en possession du gouvernement, conformément à la Constitution. Le pouvoir qu'a le gouvernement de contrôler la manière dont les opinions sont exprimées, rappelle ce qui peut arriver à ceux qui veulent aller trop loin. A plusieurs occasions, le gouvernement a emprisonné et poursuivi des journalistes avec l'accusation d'agitation et de publication de fausses nouvelles. Toutefois, les relations entre le président Museveni et la presse sont généralement cordiales. Il est le premier président à organiser tous les trois mois des réunions avec les éditeurs de journaux et aussi des conférences de presse à chaque retour de voyage à l'étranger. Mais récemment, ces contacts se sont un peu relâchés.
En résumé, il est certain que certains journaux ne font que croître et qu'ils sont devenus des entreprises profitables et bien administrées. Mais en y regardant de près, The Monitor, New Vision et Bukedde ensemble distribuent chaque jour quelque 80.000 copies. Quand on considère le total de la population, c'est plutôt lamentable: une copie pour onze lecteurs! L'Ouganda est donc le pays ayant la plus faible circulation de journaux par tête.
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