ANB-BIA SUPPLEMENT

ISSUE/EDITION Nr 385 - 01/03/2000

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Congo RDC

L'archevêque Kataliko bani de son diocèse


by ANB-BIA, Bruxelles, 21 février 2000

THEME = EGLISE<+><+>

INTRODUCTION

Le 12 février, l'archevêque de Bukavu, Mgr Emmanuel Kataliko,
a été empêché de retourner dans son diocèse par les rebelles
du Rassemblement congolais pour la démocratie (RCD) qui contrôlent Bukavu.
En raison de la gravité de la situation, ANB-BIA a repris les principaux faits,
tels que rapportés par les médias ou venant de rapports du Congo reçus directement dans nos bureaux.
Nous les présentons sous forme de journal. Certaines divergences dans les dates sont cependant possibles,
en raison de quelques détails contradictoires dans les rapports

12 février - L'archevêque Emmanuel Kataliko est arrivé à l'aéroport de Goma, venant de Kinshasa (par Nairobi et Kampala) où il avait participé à une réunion de la conférence épiscopale. Les rebelles du RCD (soutenus par le Rwanda) lui ont interdit de débarquer et ont ordonné au pilote de repartir et de l'amener à Butembo. L'avion est parti avec l'archevêque, un prêtre et une religieuse. L'archevêque a dû quitter l'avion à Butembo, sa ville d'origine.

Dans une réaction immédiate, le Conseil diocésain de Bukavu a informé les fidèles qu'il n'y aurait aucune activité liturgique dans les paroisses jusqu'à ce que leur pasteur leur ait été rendu. Les mêmes instructions valaient pour tous les services sociaux et professionnels du diocèse. Les fidèles étaient invités à rester chez eux et à prier pour le prompt retour de leur évêque. Le Conseil diocésain a publié une lettre en swahili, mashi et français, intitulée: "Rendez-nous notre pasteur". Les Eglises protestantes ont également offert leur appui.

13 février - La grève de protestation de l'Eglise a été un succès. Il n'y a eu aucune célébration le dimanche dans les églises; les gens sont restés à la maison pour prier et Bukavu était désert. Les protestants et les musulmans se sont joints à la protestation des catholiques. A Rome, la réaction à l'exil de l'archevêque a été également immédiate. Le directeur du service de presse du Vatican a fait une déclaration où il était dit: "Je puis confirmer que Son Excellence Mgr Emmanuel Kataliko, archevêque de Bukavu, n'a pas été autorisé par les autorités locales de retourner dans son diocèse. Il est actuellement à Butembo, en attendant la permission de retourner à Bukavu. (...) Le Saint-Siège, qui demande le retour sans conditions de l'évêque parmi ses ouailles, utilisera les canaux diplomatiques pour remédier à cet incident malheureux, qui viole les droits de l'Eglise". Le vicaire général de Bukavu, Mgr. Joseph Gwamuhanya, a dit: "J'espère une solution rapide à la situation de notre archevêque". Il a exprimé sa gratitude envers tous ceux qui montrent leur amitié et leur solidarité avec l'Eglise de Bukavu et son pasteur.

Quelle était la raison de cette action contre Mgr Kataliko? Dans une interview à la TV de Bukavu, le commandant Jean- Pierre Ondekane, un haut représentant du RCD, a accusé l'archevêque de porter une grande responsabilité dans les récents troubles socio- politiques au Sud-Kivu. "Un évêque, a-til dit, qui lance un appel à la violence, n'est pas un évêque. Le RCD n'attaque pas l'Eglise, mais la personne de Mgr Kataliko. (...) L'archevêque appuie Padiri (chef des Maï-Maï de Bunyakiri), un rebelle qui tue les enfants du Sud-Kivu. (...) L'archevêque Kataliko prépare un génocide (...) que nous voulons épargner à la population".

Il est certain que les autorités du RCD réagissent à la lettre pastorale de Noël 1999, où l'archevêque déplorait que des puissances étrangères, ainsi que certains Congolais, sèment la guerre, utilisant les ressources du pays. Il y disait: "Ces ressources, qui devraient être employées pour le développement, l'éducation de nos enfants, les soins des malades, et pour rendre nos vies plus humaines, sont employées pour tuer".

Les mesures contre l'archevêque semblent bien faire partie d'une attaque contre l'Eglise catholique dans la région des Grands Lacs. (Les autorités rwandaises ont, en avril 1999, arrêté et intenté un procès à Mgr Augustin Misago, évêque de Gikongoro, au Rwanda). Mgr Kataliko n'a pas caché ses critiques à l'égard des rebelles et de leurs alliés rwandais, les accusant souvent de violations des droits de l'homme. Plus tôt dans la semaine, les rebelles avaient déjà annoncé leur intention de l'expulser et, le 11 février à Kinshasa, les autorités ecclésiastiques avaient souligné que les rebelles n'avaient pas le droit de faire cela.

L'archidiocèse de Bukavu se trouve dans l'est du Congo, une région occupée par les rebelles du RCD dirigé par Emile Ilunga. La faction du RCD d'Ilunga, basée à Goma, est la plus pro-rwandaise des groupes rebelles combattant le président Laurent Kabila. L'archidiocèse de Bukavu a connu d'autres événements tragiques. Le 29 octobre 1996, l'archevêque Christophe Munzihirwa a été assassiné parce qu'il a eu le courage de parler sans détours.

14 février - Les villes d'Uvira et de Goma ont lancé une grève générale, la population voulant montrer sa solidarité avec l'archevêque. A Goma, la grève était perçue également comme une protestation contre le régime qui occupe la région depuis plus d'une année. A Bukavu, les écoles catholiques et protestantes sont restées fermées. Même l'école secondaire publique d'Ibanda a dû fermer ses portes par manque de professeurs qui ont adhéré à la protestation.

15 février - Des représentants de l'Eglise ont été invités à se rendre aux bureaux du RCD pour une entrevue. Ils ont été harangués par des fonctionnaires de RCD qui les accusaient de "violence verbale". A leur tour, les représentants ont exigé que leur pasteur, l'archevêque, leur soit rendu.

Le leader d'un mouvement de résistance congolais à Paris, Hamuli Rety, a appelé les rebelles à respecter la libre circulation des personnes. Rety, qui dirige le Comité de résistance, de l'intégrité territoriale et de l'Etat de droit, s'est étonné que les rebelles se soient sentis obligés de réduire au silence des chefs d'Eglise et de dénaturer, par intérêt égoïste, leurs paroles qui ne voulaient qu'encourager une population dans la peine. "J'invite les Congolais du Sud-Kivu à se montrer solidaires avec l'archevêque pour qu'il puisse rentrer de nouveau dans son diocèse", a dit Rety dans une interview.

Le même jour, l'Eglise du Christ au Congo, lors d'une réunion extraordinaire de son Conseil exécutif provincial au Sud-Kivu, a réagi contre des allégations de certains membres de la communauté des Banyamulenge qui accusaient un certain nombre de chefs d'Eglise d'incitation à la haine ethnique et d'appel à la grève à Bukavu du 31 janvier au 5 février. L'Eglise du Christ estime extrêmement grave l'action entreprise contre l'archevêque Kataliko et la considère comme une réponse directe du RCD à la demande des Banyamulenge de punir l'accusé.

16 février - A l'issue de l'audience générale, le pape Jean Paul II a lancé un appel concernant la situation au Congo-RDC. Il a défini l'action contre l'archevêque Kataliko "une violation grave de la liberté personnelle du prélat qui peine tous les catholiques. Je prie pour que l'évêque puisse retourner sans tarder auprès de ses ouailles. En même temps, je lance un appel pour l'application rapide des accords de paix de Lusaka, demandant au Seigneur l'unité et la réconciliation de cette nation bien-aimée".

A Goma, diverses personnalités ont été arrêtées, accusées d'avoir organisé la grève du 14 février. La plupart de ces personnes appartiennent au même groupe ethnique que l'archevêque, les Banande. A Uvira, l'opération "ville morte" continuait avec l'arrêt de toutes les activités socio-économiques.

Selon des témoignages, l'archevêque Kataliko est en bonne santé et réside à l'évêché de Butembo.

17 février - La radio de Goma a annoncé que l'archevêque reviendrait à Bukavu vers la fin de la semaine, mais cette nouvelle n'a été confirmée par aucune autre source. Le même jour, Emile Ilunga, leader du RCD, a indiqué qu'il déplaçait temporairement son quartier général de Goma à Bukavu, où le malaise civil a paralysé les activités commerciales. Il a affirmé qu'il étudierait le mécontentement de la population. Dans un message à la radio il a dit: "Le fait que, contrairement à ce qui se produit du côté de Kabila, de telles protestations aient pu avoir lieu sans être réprimées violemment, est au moins une preuve que la liberté et la démocratie sont des réalités dans les territoires contrôlés par le RCD . Il nous reste maintenant à découvrir, dans un esprit de responsabilité, la signification de ces protestations".

Toujours le même jour, le Conseil diocésain de Bukavu, dans une lettre adressée aux prêtres de paroisse et qui sera lue dans toutes les communautés chrétiennes de l'archidiocèse, demande aux fidèles "de continuer à prier au sein de leurs familles et des communautés de base; de prier pour l'archevêque et aussi pour la communauté chrétienne d'Uvira, où l'abbé Remi Pepe et deux gardiens ont été assassinés à la paroisse de Kiliba le 15 février".

18 février - Le RCD a démenti sa responsabilité dans la mort de l'abbé Pepe. Selon Bizima Karaha, un des responsables du mouvement, le prêtre a été assassiné par des guerriers Maï- Maï sur ordre de Kinshasa, dans une tentative de "discréditer" le RCD.

20 février - Pour la deuxième fois consécutive, la grève liturgique s'est poursuivie dans l'archidiocèse de Bukavu. Les églises sont restées fermées en signe de solidarité envers l'évêque, et les fidèles se sont réunis pour prier dans les communautés de quartier.

END

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