CONTENTS | ANB-BIA HOMEPAGE | WEEKLY NEWS
by Antoine Lawson, Gabon, janvier 2000
THEME = ECONOMIE
Les gouvernants gabonais, habitués à vivre dans l'opulence,
se débattent pour réduire les dettes intérieure et extérieure du pays,
évaluées respectivement à 600 et 3.000 milliards de francs cfa,
tout en renforçant la discipline budgétaire.
La crise économique et financière sans précédent que connaît le Gabon traduit les profonds déséquilibres qui ont été en partie engendrés par la mauvaise gestion et l'exode rural. Celui-ci a porté préjudice à l'agriculture, laquelle ne parvient à satisfaire que 10 à 15% des besoins alimentaires du pays. Au début des années 1970, avant que le pétrole ne prenne le relais, l'économie avait été dominée par les activités forestières, l'extraction du manganèse et de l'uranium.
Après des années particulièrement fastes, les clignotants sont aujourd'hui passés au rouge, signe d'une crise particulièrement délicate qui touche tous les secteurs de l'économie gabonaise. Le montant de la dette libellé en devises a doublé, passant de 900 milliards de francs cfa en 1993 à 1.900 milliards en 1997, puis à environ 3.000 milliards en 1999. La baisse des réserves pétrolières dont dépend l'économie, l'absence de découvertes de nouveaux puits, et la fin de l'exploitation du manganèse, annoncent des lendemains pénibles pour ce pays d'à peine 1,2 million d'habitants, habitué à dépendre des revenus du secteur pétrolier.
Seul pays à revenu intermédiaire de la tranche supérieure d'Afrique subsaharienne, les défis du Gabon sont nombreux. Ils comprennent en priorité la relance de l'activité du secteur hors pétrole, en poursuivant la libéralisation et la diversification de l'économie. La maîtrise générale des dépenses publiques, et surtout le renforcement des mécanismes de gestion et de contrôle budgétaire, figurent parmi les priorités.
Au Gabon, l'administration est une machine extrêmement lourde, qui pénalise le développement d'un pays essentiellement minier et forestier. Son économie est une économie de rente tournée vers l'exploitation des matières premières (pétrole, manganèse, bois, caoutchouc etc.). Des études récentes soulignent que les dysfonctionnements de l'administration publique sont d'ordre directorial et structurel. Selon le rapport national sur le développement humain présenté récemment par le Programme des Nations unies pour le développement (PNUD), les déficiences de l'administration publique et les faiblesses des capacités des services publics se situent dans quatre domaines: la structuration des services publics, la gestion des ressources humaines, la gestion des finances publiques, l'administration régionale et locale.
Les Gabonais sont habitués, il est vrai, à se trouver des emplois "taillés sur mesure" dans l'administration, ce qui explique aussi la forte proportion d'Africains non gabonais dans le secteur privé, où ils sont d'ailleurs les plus appréciés. Le gouvernement essaye, en vain, de promouvoir des politiques budgétaires, sociales et structurelles pour créer une croissance non inflationniste et des emplois, qui sont essentiels pour la cohésion sociale.
C'est sur un fond de contestation sociale que le président gabonais Omar Bongo avait demandé, fin décembre, à l'Assemblée nationale - qui s'apprêtait à valider le projet de budget 2000 - de ne pas toucher aux salaires des fonctionnaires. L'annonce d'une réduction de 20% de leurs salaires avait provoqué des remous, alors que selon le ministère de l'Economie et des Finances, elle eut permis d'économiser environ 37 milliards de fcfa. "Compte tenu des conditions de vie difficiles de la population et de la réaction de l'opinion publique suite aux dispositions prévues par le projet de loi des Finances 2000, j'ai décidé, après concertation avec le gouvernement, de revenir sur les mesures de réduction des salaires", soulignait un communiqué signé du président Omar Bongo, qui ajoutait: "J'ai demandé en conséquence au gouvernement de réaliser les mêmes économies sur d'autres chapitres du projet en respectant autant que possible les contraintes liées aux négociations avec nos bailleurs de fonds".
En levant la réduction des salaires à laquelle les fonctionnaires, les syndicats et les hommes politiques étaient hostiles, le gouvernement a voulu préserver la paix sociale. Les syndicats attendaient plutôt l'augmentation des salaires promise par le gouvernement depuis plusieurs mois.
Au cours de ces dernières années, l'économie gabonaise est devenue toujours plus dépendante du pétrole. Mais suite à la baisse des réserves et des investissements destinés àl'exploration pétrolière, le gouvernement s'attelle à développer d'autres secteurs de l'économie, dont la transformation locale du bois. Longtemps marginalisée au Gabon, l'activité agricole connaît depuis peu un essor palpable, grâce à la volonté du gouvernement d'inciter les jeunes à opter pour cette filière. Sur toute l'étendue du pays, les nationaux se sont lancés dans les travaux agricoles et les petites exploitations rurales, bien que sans engouement particulier.
Un important défi que doit relever le pays est d'assurer son autonomie alimentaire. Depuis longtemps, celle-ci constitue une question préoccupante qui n'a pas encore trouvé de solution. La cherté des produits alimentaires et les difficultés de la vie ont modifié les comportements.
Pays où tout pousse naturellement, le Gabon, qui a une superficie de 267.667 kmý et qui est couvert à 80% par la forêt équatoriale, n'a pas pu développer son agriculture. 25% de la population qui vit en zone rurale ont entrepris de manière progressive leur exode vers la ville. L'agriculture et l'agro-alimentaire ont longtemps été négligés par les autorités au profit du pétrole, du bois et de quelques minerais, au point qu'aujourd'hui le pays dépend pratiquement de ses voisins pour son approvisionnement alimentaire.
"L'agriculture ne participe qu'à hauteur de 3,6% au Produit intérieur brut (PIB) et ne couvre que 10 à 15% des besoins alimentaires du pays", rappelle un technicien du ministère de l'Agriculture. L'obsession de la majorité des Gabonais à vouloir travailler dans les bureaux administratifs est frappante et a favorisé le contrôle des grandes sociétés et des PME par les étrangers, a-t-on fait observer. Entravé par l'exode rural, le secteur agricole gabonais s'est détérioré à cause de l'état déplorable des routes, impraticables en saisons de pluies pendant six mois, mais aussi par des choix privilégiant certaines filières comme la culture du palmier à huile, le poulet de chair et la viande bovine.
Pour preuve, la contribution de l'agriculture au PIB est passée de 11,6% en 1964 à 10% en 1975, puis à 6,7% en 1992, avant de chuter vertigineusement à 3,6% en 1998, selon des chiffres officiels. Les importations, en provenance principalement d'Europe, et d'Afrique du Sud, ne sont pas toujours à la portée des ménages gabonais, dont le pouvoir d'achat, amputé depuis 1994, ne peut plus supporter la flambée des prix. Paradoxalement, le secteur de la pêche artisanale est contrôlé à 80% par les Ouest-Africains.
Pour baisser le prix des produits de première nécessité, le président du Conseil économique et social, M. Louis-Gaston Mayila, a proposé de réduire le train de vie de l'Etat, en révisant à la baisse les charges communes qui ont augmenté de 53%. Sans toucher aux salaires, des solutions peuvent être trouvées en réduisant les transferts, les fonds communs, les fonds de souveraineté, car le Fonds monétaire les exige...
Pour matérialiser sa volonté de faire des économies et de respecter les contraintes liées aux négociations avec les bailleurs de fonds, le président Bongo a récemment commencé, à la grande surprise de tous, à rompre avec les gouvernements pléthoriques. Le nouveau gouvernement gabonais est passé de 42 à 32 membres. On peut faire mieux, soulignent les syndicats. Qualifiés de "budgétivores", les précédents gouvernements étaient de véritables gouffres financiers qui engloutissaient environ 10% de la masse salariale du pays. "Depuis 1990, les gouvernements successifs pèchent par leur inefficacité et par leur mauvaise gestion des affaires publiques au détriment de la population composée en majorité de familles à revenus modestes", a réagi M. Pierre Mamboundou, président de l'Union du peuple gabonais (UPG) et leader de l'opposition.
Dans ces gouvernements pléthoriques, sont généralement représentées toutes les tendances politiques et les ethnies qui soutiennent la majorité présidentielle. Pour certains analystes, la réduction de l'équipe gouvernementale constitue un signal fort adressé aux bailleurs de fonds. Les autorités attendent également la publication des résultats des mesures d'assainissement et la conclusion des pourparlers avec les institutions financières internationales. "L'Etat peut économiser 2 milliards de fcfa par an sur les salaires des ministres", a révélé un haut fonctionnaire.
L'ajustement financier nécessaire s'effectue difficilement en raison de l'inertie due à certaines grosses dépenses engagées par le gouvernement. Avec l'aide de la communauté internationale, le pays tente de restaurer l'équilibre de ses finances publiques en mettant en þuvre un Programme d'ajustement structurel (PAS) qui comprime les dépenses, mais qui ne devrait pas aboutir de sitôt, selon le représentant de la Banque mondiale au Gabon, M. Ousmane Sissoko.
Le Gabon est confronté à un contexte de grande austérité à laquelle il n'était pas habitué: le projet de loi de Finances 2000 prévoit un fort déficit de 1.359,5 milliards de fcfa, malgré une hausse de 18,6% des ressources propres par rapport à l'exercice précédent. Les recettes ont été fixées à 710,4 milliards de fcfa pour des dépenses prévues de 2.069,9 milliards. Le déséquilibre s'explique par la prise en compte des arriérés de la dette du pays pour un montant de 1.027,4 milliards de fcfa auxquels s'ajoutent le service prévisionnel de la dette au titre de l'an 2000 pour 470,5 milliards.
Le manque de motivation des fonctionnaires qui réclament une augmentation des salaires et les disparités individuelles issues des détournements des fonds publics, la mauvaise gestion et la non-application des mesures souhaitées par les bailleurs de fonds, sont les pierres d'achoppement auxquelles le gouvernement du Premier ministre Jean-François Ntoutoume Emane doit faire face en l'an 2000.
Le ministre de l'Economie, des Finances, du Budget et de la Privatisation, Emile Doumba, avait obtenu récemment le soutien du président Bongo pour initier des audits afin d'assainir les finances publiques. "L'action du ministre des Finances ne pouvait qu'être limitée aux petits fonctionnaires. Le recouvrement de l'argent dû aux banques par les grands débiteurs est rendu difficile car ils sont 'intouchables', même si certains d'entre eux, connus, ont été responsables de la fermeture de la succursale gabonaise de la Banque méridien (BMBG) ou de la Banque du Gabon et du Luxembourg", a révélé un haut fonctionnaire.
Pour rétablir la confiance des bailleurs de fonds internationaux, le Gabon, fortement endetté, a fait appel dans le nouveau gouvernement à des privés, plus rigoureux dans la gestion et plus aptes à appliquer les mesures souhaitées par le FMI qui est au courant des disparités financières individuelles. L'hypothèse de rapatrier les capitaux pour relancer l'économie a souvent été évoquée et le président du conseil économique et social, M. Louis Gaston Mayila, considère que, "la solidarité, c'est aussi de savoir que le pays est dans une situation difficile et que nous devons faire des efforts pour que cette situation s'améliore".
Plusieurs organismes internationaux dont l'Agence française de développement et la Banque africaine de développement, ont suspendu leurs décaissements. Mais l'an 2000 risque d'être encore plus difficile pour le pays, car l'effet de régularisation sera très faible pour soutenir les recettes nettes de l'Etat. La dette du Gabon "devrait être supportable" même si le poids des arriérés accumulés au cours des années précédentes change tout... et que le Gabon reste toujours exclu des annulations de dette qu'il escomptait.
END
SOMMAIRE FRANCAIS | ANB-BIA HOMEPAGE | WEEKLY NEWS
PeaceLink 2000 - Reproduction
authorised, with usual acknowledgement