CONTENTS | ANB-BIA HOMEPAGE | WEEKLY NEWS
by Médard Libani, Congo-Brazzaville, janvier 2000
THEME = REFUGIES
Une opération courageuse est en cours, mais il faut encore attendre un bilan
7.417 Rwandais et Burundais sont désormais intégrés au Congo-Brazza, à Loukoléla et Impfondo (800 km au nord de Brazzaville) et à Kintélé (à 25 km au nord de la capitale). Provenant de la région de Mbandaka (Congo RDC), qu'ils avaient fuit suite à la guerre qui opposait, en mai 1997, les forces de l'ex-président Mobutu Sésé Séko à celles de Laurent-Désiré Kabila, ils vivent depuis lors dans le pays.
Pour trouver une solution stable à leur situation, le gouvernement congolais et le Haut commissariat pour les réfugiés (HCR) ont jugé opportun de les intégrer en territoire congolais, après les avoir recensés et enregistrés: 5.300 recevront une assistance complète à l'intégration, tandis que les 2.117 autres, dont le profil n'a pu être clairement identifié, seront transportés dans des villages de la région des Plateaux et de la cuvette centrale (au nord du Congo).
Les Rwandais et Burundais à intégrer représentent 25% de la population des villages où ils seront intégrés. De concert avec le gouvernement congolais et d'autres organisations, le HCR se charge du transport des différents camps vers les villages d'accueil. Un kit d'intégration: trois mois de ration alimentaire, bâches, outils, semences agricoles, etc., et du matériel de construction: paumelles, ciment, tôles, lattes..., leur permettra de faire face aux premiers besoins, avant d'être autosuffisants. "Des documents d'identité provisoire seront remis aux nouveaux intégrés dans les villages d'accueil, en attendant que la commission d'éligibilité statue sur chaque cas", explique un membre du HCR. Ces documents seront non seulement une preuve de leur participation à l'opération d'intégration, mais aussi et surtout une affirmation de la légitimité de leur présence sur le territoire congolais.
L'installation progressive de ces Rwandais et Burundais dans les villages sera suivie d'une phase de contrôle de l'intégration, pour constater et évaluer les difficultés rencontrées et d'y apporter, si possible, une solution viable.
Loukoléla a déjà abrité le début de l'opération. Une campagne de sensibilisation menée auprès de la population du district et des réfugiés a expliqué l'objectif principal de l'opération et les résultats attendus. Les deux populations ont accepté de participer à l'opération, et 2.723 réfugiés devraient être intégrés dans onze villages. A partir de Loukoléla, leur transport vers les villages d'accueil se fait par barge, car ces villages sont situés aux abords des cours d'eau. 906 réfugiés sont déjà intégrés dans six localités: Bokouango II, Boleko, Ngombe, Loboko-Sangha, Mbondo et Mokouango.
Après l'intégration effectuée les 2 et 10 décembre 1999, raconte un cadre du ministère congolais de la Santé, une mission HCR-gouvernement s'est rendue à Loukoléla, le 10 janvier 2000, pour analyser l'impact de l'intégration dans trois villages. Les résultats sont optimistes. Les deux populations sont satisfaites: "Nous souhaitons que 50 Rwandais et Burundais de plus soient intégrés dans notre localité", a même dit un habitant de Bokouango II. On a cependant enregistré quelques problèmes liés à la mauvaise qualité de l'eau (suite aux inondations dans les régions septentrionales), à la mauvaise qualité des semences de maïs distribuées, et à l'insuffisance des médicaments... Une solution est à l'étude. A Loukoléla, il y a quelques mois, on a même commencé à enregistrer des mariages coutumiers entre Congolais et Rwandais. Là-bas, les transferts connaîtront un terme à la fin du mois de février, date de fermeture du camp de réfugiés.
Dans les régions des Plateaux et de la cuvette, au nord du Congo, seront intégrés 4.166 Rwandais et Burundais du camp de Kintélé. Le transport se fera par la route. Ils passeront une nuit à Gamboma (à plus de 300 km au nord de Brazzaville), où a été construit un centre de transit. Le gouvernement a communiqué une liste de villages pouvant accueillir les intégrés.
Mais ici, nombre d'habitants de certains villages du district de Gamboma - en dehors de la localité de Ntsokia qui entend accueillir 60 réfugiés - sont encore réticents. Une campagne de désinformation, menée dans le camp de Kintélé et au centre de transit de Gamboma par certains détracteurs, en est la raison principale. Conséquence: une attente est observée dans ces deux régions par le gouvernement. Du coup, les Rwandais et Burundais de ces deux régions se sont aussi montrés réticents. Mais une note d'espoir se dessine: les rapports positifs fournis par leurs concitoyens, déjà intégrés à partir de Loukoléla, ont suscité un revirement et ils seraient à nouveau prêts à collaborer aux préparatifs dans l'attente des transferts.
Par contre, les résultats sont encourageants dans certains villages de la région des Plateaux, notamment du district d'Ollombo (410 km au nord de Brazzaville), où les habitants se disent prêts à recevoir chez eux des Rwandais et Burundais.
Ngassaki, cultivateur de la localité d'Ossio, à 5 km de Gamboma, s'interroge: "N'y a-t-il pas un risque de "ghéttoïsation" de ces populations aux mentalités et cultures différentes? Pourquoi ne pas amorcer un débat national pour éviter des risques d'explosion et de marginalisation?". Loin d'être xénophobe, Mpaka, paysan à Nkiélé (141 km au nord de Brazzaville), pense que les affrontements meurtriers du Kivu, à l'est du Congo-Kinshasa, devraient interpeller les organisateurs de cette opération.
Comme quoi, cette opération fait froncer les sourcils d'un nombre d'observateurs. "Il serait inopiné sinon maladroit de parler déjà du bilan de cette opération. Il faut encore prendre son temps", estime Mouélé, agent de santé. Espérons que l'audace du gouvernement congolais et du HCR sera justifiée.
END
SOMMAIRE FRANCAIS | ANB-BIA HOMEPAGE | WEEKLY NEWS
PeaceLink 2000 - Reproduction authorised, with usual acknowledgement