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by Justin Mendy, Sénégal, janvier 2000
THEME = POLITIQUE
"La chute de Bédié (ndlr. ex-président de la Côte d'Ivoire) est un avertissement sans équivoque à tous les présidents autocrates, tripoteurs de Constitutions, manipulateurs d'institutions, démocrates de façade, anti-démocrates jusqu'à l'os. Fini le temps de la "grande muette", morte l'époque du peuple forcé au fatalisme et à la docilité, révolue l'ère de l'interventionisme militaire néocolonial de Paris ou de Londres. L'Afrique veut assumer son destin contre tous les Bédié qui lui obstruent l'horizon de la liberté, du progrès, de la démocratie et du développement". Tel est le diagnostic de M. Madièye Mbodj, directeur de l'école de formation d'un des principaux partis d'opposition du Sénégal, le Parti africain pour la démocratie et le socialisme. Il tranche avec l'opinion plus nuancée du chef de l'Etat gabonais, le président Omar Bongo, qui commentait ainsi la multitude de renversements de pouvoirs par la force qui surviennent sur le continent: "Il y a des torts de la part des auteurs des coups d'Etat; il y a aussi des torts de la part des chefs d'Etat".
Les torts imputés aux auteurs de coups d'Etat s'articulent autour d'ambitions personnelles et de vision étriquée de la notion de responsabilité nationale et d'exercice du pouvoir politique. Une telle notion demande une attitude de service au bénéfice de la nation tout entière, dans la justice et l'équité. Pour avoir servi aux côtés de chefs d'Etat, ou pour avoir "traîné" dans les couloirs du pouvoir et acquis ne serait-ce que quelques rudiments de pouvoir de direction, des militaires de rangs divers - du général au caporal - se croient investis du devoir de "faire justice au nom des intérêts supérieurs de la nation". Cette prétention, souvent déçue, a engendré bien souvent des successions de coups d'Etat, selon l'adage "ôte-toi que je m'y mette". Dans ces coups d'Etat, ayant pour seule cause le désir d'assouvir des ambitions personnelles ou des intérêts particuliers, le statut des populations ne peut connaître d'évolution positive, s'il n'empire pas. Alors, on va jusqu'à regretter le régime d'antan, tellement conspué.
Pour ce qui est des torts imputables aux chefs d'Etat, ils ont été favorisés, naguère, par le système du parti unique, avec son corollaire de structures politiques, sociales, économiques, culturelles, voire spirituelles. Ce qui a conduit à l'étouffement de l'expression des différentes couches de la société et, à la limite, à des explosions de violence þ seule voie de recours possible à un changement des systèmes oppressifs. Et l'armée, seule force organisée "indépendante", en fut l'auteur désigné.
L'avènement du système démocratique dans les années '90 þ imposé en quelque sorte par les pays occidentaux þ eut pour objectif l'instauration ou la restauration du respect des droits de l'homme, par la liberté d'expression, le multipartisme et des élections régulières et transparentes. Par endroits, cette démarche fut respectée, après une multitude de tergiversations, avec la floraison de médias privés et d'élections plus ou moins libres et plus ou moins transparentes.
Mais en bien d'autres endroits, le système du multipartisme fut contourné par des manipulations diverses, caractérisées surtout par des fraudes électorales à plus ou moins grande échelle. D'autres moyens furent utilisés, tels que la corruption, la menace, le marchandage de postes ministériels ou autres, le chantage, etc. Autrement dit, malgré la restauration de la démocratie et du multipartisme, "bien des gérontocrates, patriarches et dictateurs de bon aloi ont réussi à se maintenir au pouvoir par des élections truquées et autres subterfuges", écrit Steve Mbekhi dans le bimensuel gabonais 'Misamu', du 27 décembre 1999. Dans ce même numéro, Patrice Bayeba N'gogo estime que "le multipartisme a vu le jour dans la plupart des pays africains sans apporter la démocratie. Certains chefs d'Etat, dans ce vent de renouveau, ont quitté le pouvoir, mais leurs remplaçants n'ont pas toujours été les démocrates "modèles" attendus". Et il en déduit: "Espoirs déçus, démocraties dévoyées, voilà le constat de dix ans de retour à la démocratie et au multipartisme".
C'est pour ces raisons que les coups d'Etat n'ont pas disparu de la scène politique africaine, et qu'ils ont même connu une certaine recrudescence, après une période d'accalmie née de l'espoir placé dans les intentions affirmées par les leaders de respecter les droits de l'homme sous toutes leurs formes. Mais dans la plupart des cas, les modes de gouvernement n'ont connu que des mutations de façade. Et, outre les élections frauduleuses, il faut signaler l'appauvrissement de plus en plus accentué des masses, qui croupissent dans la misère par opposition à l'opulence de plus en plus scandaleuse des élites politiques au pouvoir, ainsi que les actes tout aussi scandaleux de favoritisme notoire, liés au parti politique, l'intérêt personnel, la parenté, l'ethnie, voire la religion.
"C'est pénible, écrit encore Patrice Bayeba N'gogo, que les espoirs, nés de l'abolition des partis uniques et du coup de balai des régimes dictatoriaux, se soient évanouis en l'espace de dix ans. L'engouement qu'a suscité le bulletin de vote a fondu comme neige au soleil. Et cela ne va nullement dans le sens de la libération d'un certain obscurantisme. C'est ainsi que nous ne cessons d'appeler à l'émergence d'une nouvelle classe politique, réellement affranchie non seulement des Etats occidentaux, mais aussi de la servilité de la vieille génération. Plus que jamais, l'Afrique a besoin à la fois d'une alternative et d'une alternance. Voilà le défi à relever au 21e siècle".
"L'avenir de l'Afrique se scrute en termes de survie. C'est une affaire de vie ou de mort pour les 750 millions d'êtres qui peuplent ce continent devenu une poudrière. Aux Africains, et à eux seuls, revient la tâche d'assumer le destin du continent noir", conclut Bayeba N'gogo.
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