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by Valentin Siméon Zinga, Cameroun, Janvier 2000
THEME = CORRUPTION
Dans son discours de fin d'année, le président de la République affirmait: "L'individualisme forcené qui caractérise nos sociétés modernes a donné naissance à des comportements égoïstes, voir criminels, contre lesquels il nous faut réagir sous peine de voir se détériorer notre tissu social. L'Etat n'a pas échappé à cette dérive. Abusant de leurs pouvoirs, certains de ses serviteurs ont mis leurs fonctions au service de leurs intérêts personnels. Il faut que l'on sache que ces écarts de conduite continueront d'être sanctionnés". Paul Biya est là dans l'un de ses registres favoris.
Rappelons les événements du début septembre, qui ont enrichi la terminologie camerounaise d'une nouvelle expression, le "mounchipou-gate". Le 1er septembre 1999, le chef de l'Etat signait deux décrets révoquant M. Mounchipou Seïdou, ministre des Postes et Télécommunications, et M. Pierre Désiré Engo, directeur général de la Caisse nationale de prévoyance sociale (CNPS). Bien entendu, le président ne donnait pas les raisons de ces limogeages.
Tout au plus savait-on que quelques semaines auparavant, de lourds soupçons de mauvaise gestion pesaient sur le ministre des postes. La chronique faisait état de pots-de- vin dont auraient bénéficié de hauts responsables ainsi que le chef du département ministériel. La presse, confirmant les soupçons, avait mê-me publié une liste de 400 marchés jugés litigieux. Du directeur de la CNPS déchu, on savait qu'il payait en "monnaie de singe" les pensions des retraités, qui furent même malmenés par les forces de l'ordre, en 1996, quand ces personnes du troisième âge étaient venues réclamer leur dû.
La justice s'était emparée des dossiers et MM. Engo et Mounchipou avaient été placés sous mandat de dépôt à la prison centrale de Yaoundé, sous l'accusation de "détournement de deniers publics". Quelques semaines après, une dizaine de responsables de haut rang du ministère des postes rejoignaient les deux personnalités à la maison d'arrêt, accusés de complicités. Depuis lors, plus rien.
Une constante caractérise le discours officiel du président ces derniers mois: la poursuite des actions engagées contre ceux qui ont privatisé l'Etat. Les propos du président de la République font penser que la campagne d'assainissement est loin d'être arrivée à son terme. Seulement voilà: les actes concrets font largement défaut à l'actualité de ces derniers mois.
De fait, la machine de sanctions semble grippée. Au point que les observateurs les plus mesurés se demandent si l'initiateur de la "campagne" n'avait pas trouvé un peu trop rapidement des boucs émissaires à jetter en pâture à l'opinion. Les plus exigeants parlent d'une impression d'improvisation, si ce n'est d'un feu de paille. Les diplomates qui comptent parmi les "pays amis" du Cameroun partagent les mêmes craintes et ne manquent pas en privé d'exprimer leur déception, voire leur exaspération. Il y a aussi les bailleurs de fond qui sont impatients de savoir si la "campagne" ne s'est pas achevée en eau de boudin.
Bien sûr, les dossiers en instance dans les circuits de la justice ne sont pas encore totalement bouclés. Le ministre de la Justice annonçait, il y a peu, plus de quatre cents dossiers instruits dans le cadre de ces actions. Mais beaucoup se demandent, l'air sceptique, si lesdits dossiers sont liés au point qu'aucun n'ait pu donner lieu à des mandats de dépôt.
D'autres, abondant dans le même sens, signalent l'existence, depuis quelques semaines, de la "première ébauche" du rapport d'audit commandé par le Fonds monétaire international, portant sur les dix plus gros marchés publics camerounais de l'année. Et de se demander si cette "ébauche" n'est pas suffisante pour relancer la "campagne d'assainissement". Des indiscrétions glanées auprès des bailleurs de fond font valoir que ce rapport, même dans sa forme actuelle, est "accablant". On le sait, les bailleurs de fonds du Cameroun attendent que les autorités tirent toutes les conclusions qu'autorisent les résultats de l'audit... Surtout que le Cameroun espère un précieux concours financier des bailleurs de fonds dans le cadre du programme national de gouvernance, adopté fin août 1999 par le Premier ministre Peter Mafany Musonge.
Certains observateurs ont donc émis de sérieuses réserves qui tendent à créditer l'hypothèse selon laquelle des considérations politiciennes seraient les véritables obstacles à la "campagne". Les décrets du président étaient lourds de symboles: Pierre Désiré Engo, compté parmi les amis personnels du chef de l'Etat, est originaire de la province du Sud comme lui. Bien plus, l'ancien directeur de la CNPS est membre du très prisé et fermé Bureau politique du RDPC, ce qui lui conférait encore plus de prestige et d'importance. Quant à M. Mounchipou, sans être une personnalité influente du parti au pouvoir, il en est un membre. Tout cela avait fini par installer la panique au sein du parti de Paul Biya, les militants étant convaincus que le chef de l'Etat avait décidé de n'épargner personne.
Ainsi, au lendemain des mandats de dépôt, le Rassemblement démocratique du peuple camerounais (parti de Paul Biya), avait organisé des "séminaires provinciaux" à l'intention de ses militants. Officiellement, le RDPC voulait donner sa réaction face aux "affaires" qui avient éclaté, réaffirmant quelques principes régulateurs de la vie démocratique. Fait notable: les "barons" du régime, et notamment des ministres, avaient exprimé leurs vives réticences pour la poursuite des actions engagées par le président Biya, alimentant ainsi des commentaires sur leur implication supposée dans les "affaires".
A quoi il faut ajouter que la session de l'Assemblée nationale du mois de novembre 1999 ne s'était pas accompagnée de la levée de l'immunité parlementaire de certains députés, considérés comme mouillés dans des scandales portant sur l'argent public et que de nombreux analystes s'accordaient à étiqueter comme militants du RDPC . Vue sous cet angle, la situation de blocage autorisait une explication claire: le président ne pouvait prendre le risque de continuer à sanctionner ceux qui avaient pris leurs libertés avec le denier public, parce qu'il se serait attaqué à sa propre base politique.
De fait, une affaire très compliquée d'argent et de sectes mettait en cause le chef de l'Etat. Le quotidien français "Le Monde", dans son édition du 24 décembre 1999, rapportait que le locataire du Palais d'Etoudi avait fait don, en l'espace de quatre ans seulement, de quelque 7 milliards Fcfa (tirés des caisses de la Société nationale des hydrocarbures) à des cercles ésotériques en France. Une affaire dans le genre avait déjà défrayé la chronique. Le "Canard Enchaîné" avait alors pataugé dans une mare nauséeuse éclaboussant au passage le président de la République. Des affaires qui, parce qu'elles touchent à l'éthique et aux moeurs républicaines, sont au moins embarrassantes pour le président Biya.
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