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by Crespo Sebunya, Ouganda, janvier 2000
THEME = ECONOMIE
Un coup d'oeil à la carte statistique du Service de la faune en Ouganda (UWA) montre que les éléphants sont menacés d'extinction. Dans les années '60, il y avait 45.000 éléphants, aujourd'hui il n'en reste plus que 5.000. Que s'est-il passé?
On peut attribuer cette situation en partie au massacre incontrôlable enclenché par la rébellion à l'ouest de l'Ouganda, et à la faiblesse des lois en matière de répression de ceux qui s'installent illégalement dans les réserves. Si cela continue, il sera temps de dire "au revoir" aux 100.000 touristes qui viennent annuellement dans le pays, la plupart pour voir le gibier, et qui dépensent quelque $60 millions...
En 1986, lorsque Yoweri Museveni a pris le pouvoir, il s'est promit de réhabiliter l'économie et de l'établir sur des bases saines. Dans les années 1970, le tourisme était une entrée importante: il représentait 6% du produit économique. Le gouvernement Museveni est impatient de remettre cette industrie en marche. "Nous avons du soleil et du beau temps. Je ne vois pas pourquoi nous n'attirerions pas les touristes", disait-il récemment.
La revitalisation du tourisme est la tâche de Moses Ali, l'exubérant ministre du Tourisme et de la Nature, qui est aussi vice-premier ministre. En 1992, son ministère annonçait que bientôt l'Ouganda compterait ses bénéfices car on attendait 800.000 touristes par an, rapportant quelque $500.000 dans les caisses du pays. Actuellement, Moses Ali se montre plus inquiet, car il y a eu moins de 100.000 touristes par an avec un apport de $60 millions.
Le ministre accuse les journalistes d'offrir à l'étranger une piètre image de l'Ouganda. Il les rencontre régulièrement pour qu'ils "apportent leur aide et cessent d'écrire des articles à sensation sur les troubles en Ouganda". "Soutenez le tourisme, car c'est une industrie fragile mais lucrative", leur dit-il. Le gouvernement dépense $16 millions par an pour améliorer les conditions de séjour des touristes.
Le ministre a peut-être raison. Le massacre de dix touristes dans le parc national de Bwindi, au sud de l'Ouganda, en 1998, a dissuadé de nombreux visiteurs, y compris la populaire animatrice américaine de talk-shows Oprah Winfrey, qui a renoncé à visiter l'Ouganda. Elle a décrit l'Ouganda comme l'une des dix plus mauvaises destinations du monde. Selon l'UWA, l'image de l'Ouganda dans le monde est encore toujours dominée par son passé. Un de ses responsables s'exprime ainsi: "L'image de l'Ouganda continue à être assombrie par l'héritage d'Idi Amin, et le pays a toujours la réputation de connaître des problèmes de sécurité".
Les milliers d'occupants illégaux et les rebelles en maraude qui massacrent les animaux affectent sérieusement l'industrie touristique. En 1986, on notait la disparition d'une seule espèce; maintenant plus de cinq ont disparu. Une des solutions envisagées pour mettre fin à ce phénomène est de déménager les espèces en danger. On déplace les éléphants du district de Mubende au centre de l'Ouganda vers le Parc national Reine Elizabeth (QENP), à l'ouest, grâce à un don de $250.000 de l'UE. Mais le projet est en panne parce que le gouvernement n'a pas les fonds nécessaires pour compléter ce don.
Les populations vivant dans les réserves constituent un énorme problème. Au début, le gouvernement voulait payer ces occupants pour qu'ils quittent les réserves. Le projet Bwindi/Mgahinga, soutenu par la Banque mondiale, a coûté d$5 millions: des milliers de résidents y ont reçu $1.000 pour s'en aller ailleurs. Mais le projet s'est révélé extrêmement coûteux et on ne peut pas le refaire ailleurs. Ainsi, le gouvernement a été forcé de bloquer plusieurs autres projets, comme Ajai, Bagungu, Kigezi, Tororo/Semliki. On projette de créer de nouvelles réserves dans les régions moins peuplées du nord-ouest. "Le braconnage, l'envahissement et la conversion d'habitats d'animaux en projets agricoles, ainsi que les feux de brousse et la pollution sont responsables de la diminution des grands animaux", avertit le dernier document de l'UWA.
Peut-être la vraie solution se trouve-t-elle ailleurs et le gouvernement l'a entrevu. L'Association Kibale pour le développement rural et environnemental (KAFRED), un projet éco-touristique à l'ouest de l'Ouganda, prévoit que le bénéfice provenant du tourisme soit investi dans des projets communautaires tels que écoles ou bibliothèques. Cette région marécageuse, riche en biodiversité et en végétation, a reçu en 1995 un millier de "touristes du marais". Les plus de $6.000 rapporté, ont été injectés dans les fonds de la communauté environnante. Avec le soutien de l'ambassade américaine à Kampala, KAFRED a achevé une promenade, un pavillon d'observation des oiseaux et un centre pour les visiteurs. "La participation des communautés locales au travail de conservation est utilisée maintenant comme un moyen de remédier à la réduction des espèces", notait un rapport sur l'état de l'environnement en 1998, publié par l'Autorité de gestion de l'environnement naturel (NEMA), l'institution ougandaise pour les problèmes d'environnement.
Mais avant tout, c'est la situation politique de l'Ouganda qui doit être améliorée, surtout en ce qui concerne la sécurité. Un nombre croissant de groupes rebelles ont rendu certaines régions peu sûres. Déjà les rebelles du Front démocratique allié (ADF) ont contraint le gouvernement à fermer le parc national de Semliki et celui du mont Ruwenzori à l'ouest de l'Ouganda. Bwindi a été fermé pendant plusieurs mois en 1998; mais il a été rouvert bien que les affaires n'aient pas encore repris. Le QENP a vu le nombre de touristes fondre de 40.000 en 1996 à 2000 en 1998. Le parc national des chutes Murchison est aussi vilainement touché.
Le gouvernement utilise l'armée pour freiner le nombre croissant de groupes rebelles. Les gardes des réserves reçoivent une instruction militaire, mais le gouvernement pense que la meilleure "vaccination" contre la rébellion serait moderniser et professionnaliser l'armée.
De nouveaux hôtels ont été construits, d'autres sont en projet. La ville de Kampala devient de plus en plus cosmopolite avec plusieurs grands restaurants. Les investisseurs ont promis $344 millions pour des projets liés au tourisme. Déjà 90% des activités touristiques sont passées au secteur privé et la libéralisation du marché des devises donne aussi aux touristes un change avantageux.
L'Ouganda fait toujours face à des défis, surtout pour l'amélioration du niveau professionnel des investisseurs privés du tourisme. Mais avant tout, c'est la coopération avec les Etats voisins qui préparera le retour d'un maximum de touristes. L'Ouganda, le Kenya, la Tanzanie ont déjà entamé des démarches pour développer l'Afrique orientale comme destination de voyage et de vacances. En effet, la plupart des touristes préfèrent actuellement une destination couvrant plusieurs pays. Cette stratégie fera aussi rempart contre l'Afrique du Sud qui entre rapidement en compétition avec les pays est-africains. Mais cela ne sera possible que si l'Ouganda revoit sa politique interventionniste dans la région. Ses relations avec le Kenya et la Tanzanie restent normales, mais les rapports avec le Rwanda sont plus malaisés depuis que les deux armées se sont battues pour le contrôle de Kisangani. Et que dire du Soudan et du Congo RDC qui considèrent Museveni comme leur ennemi commun...
La présence des rebelles de l'Armée de libération du peuple soudanais (SPLA) au nord-est de l'Ouganda est un cauchemar pour les défenseurs de l'environnement. Le SPLA, qui a installé un camp à Nakapiripit, est en partie responsable du massacre massif de gibier au début des années 1990. Expulsé de cette région surtout grâce à la pression des donateurs, il revient aujourd'hui. Ce qui n'est de bon augure ni pour le gibier ni pour le tourisme.
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