ANB-BIA SUPPLEMENT

ISSUE/EDITION Nr 388 - 15/04/2000

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Congo-Brazzaville

Vers une véritable réconciliation?


PAIX

Deux ans après la fin de la guerre civile de 1997,
les Congolais commencent à prendre conscience de leur destin et de l’avenir de leur nation

Après la signature des accords de cessation des hostilités par les Forces armée congolaises (FAC) et les rebelles des Forces d’autodéfense et de la résistance (FADR) le 16 novembre 1999 à Pointe-Noire et le 29 décembre à Brazzaville, en présence du médiateur de la crise, le président gabonais Omar Bongo, quelques initiatives encourageantes sont mises en branle pour ramener la paix dans le pays.

Dynamique de pacification

La dynamique de pacification convainc aujourd’hui, tant bien que mal, nombre de personnes qui étaient d’abord pessimistes. La convergence de diverses intiatives en faveur de la paix rend peu à peu cette dynamique irréversible. Les ex-miliciens sortent progressivement de leurs maquis dans les régions sud du pays et promettent solennellement de ne plus faire la guerre. Depuis le 16 novembre dernier, près de 1.100 armes légères et des munitions ont déjà été remises symboliquement au commissariat central de Brazzaville par les anciennes milices de Bernard Kolélas et de Pascal Lissouba. D’autres armes sont directement apportées par des ex-miliciens aux membres du comité de suivi des accords de cessation des hostilités.

Toutefois, comme il fallait s’y attendre, cette opération ne va pas sans poser quelques problèmes. L’équipe chargée d’assurer le ramassage des armes dans le Pool a souvent maille à partir avec certaines nouvelles recrues des FAC (en majorité des ex-Cobras, miliciens de Denis Sassou Nguesso), positionnées dans des zones stratégiques de cette région. «A Madzia (à une cinquantaine de km au sud de Brazzaville) nous avons eu des problèmes avec des militaires de l’armée régulière qui étaient en train de piller des maisons», raconte un membre de la commission.

Mais les accords de paix donnent déjà des résultats satisfaisants. Des milliers de rebelles continuent à se rendre officiellement aux FAC.

Dialogue: chemin de salut

L’Espace républicain pour la défense de la démocratie et de l’unité nationale (Erddun), cartel d’une cinquantaine de partis politiques de l’ancien régime, s’est enfin prononcé pour le dialogue, comme étant la seule voie pour sortir le Congo de la crise meurtrière qu’il traverse. Le 26 décembre à Paris, son porte-parole, Mayima Bemba, a déclaré que l’Erddun réaffirme sa volonté de parvenir, sans délai et sans condition, à la paix et la réconciliation nationale, et soutient la démarche en cours.

Le 25 janvier, Bernard Kolélas a également plaidé, depuis son exil, pour une véritable réconciliation nationale. Par la même occasion, il a reconnu Denis Sassou Nguesso comme le chef du nouveau régime de Brazzaville et approuvé les derniers accords de cessation des hostilités signés entre le gouvernement et les ex-miliciens de l’opposition. «Nous sommes pour une négociation politique et pour un règlement global de cette crise... J’approuve les accords de Pointe-Noire et de Brazzaville», a-t-il affirmé.

L’Eglise et la réconciliation

La coordination des confessions religieuses du Congo a organisé, du 17 au 19 décembre, des journées nationales de recueillement, pour montrer à la face du pays que la paix doit être irréversible. Pour la première fois dans l’histoire du Congo, en présence du chef de l’Etat, un culte oecuménique élargi à toutes les confessions religieuses, chrétiennes et non chrétiennes, a eu lieu à Brazzaville sous le thème “Va d’abord te réconcilier avec ton frère; viens ensuite présenter ton offrande”. Ces journées de repentance, de supplication et de réconciliation traduisent, sans nul doute, la volonté des Congolais de se ressaisir et de chercher à retrouver le chemin de la paix véritable et de l’amour fraternel.

«L’amour fraternel devra permettre aux Congolais de refaire leur unité et de bannir la haine ethnique. Plus jamais, la lutte pour le pouvoir ne peut revêtir un caractère violent et barbare. Les croyants se doivent de maintenir cette flamme qu’ils viennent d’allumer», affirme Ngatali, un évangéliste. Et le président Nguesso lui-même déclara: «Si au cours de ces trois journées nous avons prié en vérité, sans duplicité, nous pouvons alors parler de paix et de réconciliation, et espérer pour notre pays bénédictions, prospérité et salut».

Et les partis politiques?

Pour Michel Mampouya, du Mouvement congolais pour la démocratie et le développement intégral, des progrès remarquables ont été accomplis dans la quête de la paix. Cependant, il n’est pas facile de restaurer la sécurité dans un pays qui a connu une guerre d’une rare violence. La guerre, c’est aussi une forme de maladie au plan mental.

Selon Jean Ngouabi, ancien sous-préfet du district d’Owando sous le régime déchu, pour retrouver la paix il faut que les Congolais s’asseyent pour se parler avec le coeur: «Ne faisons pas, comme à la conférence nationale, le faux semblant de se laver les mains... C’est le dialogue qui résout les problèmes. J’ai honte de ce que nous avons fait. Ensemble, nous devons reconstruire notre pays».

Le Rassemblement pour la démocratie et le progrès social de Jean-Pierre Tchicaya propose, quant à lui, un dialogue sans exclusive, mais aussi sans confondre dialogue et impunité. Il faut un dialogue sincère pour substituer au langage des armes celui de la palabre, au sens noble du terme. Ce parti s’inscrit en faux devant l’approche de partage du pouvoir ou de postes, alors que le peuple  souffre. «Quand nous disons dialogue, ce n’est pas pour que Kolélas ou Yhombi revienne occuper tel ou tel poste. Ce n’est pas ce qui nous préoccupe. La tragédie vécue par le peuple congolais est tellement profonde qu’il serait indécent d’aborder ce dialogue en termes de partage de pouvoir», a dit Tchicaya.

Justin Koumba, président du Conseil national de transition, insiste sur la patience et la persévérance. La réconciliation et la restauration de la paix sont des processus de longue haleine. L’Union nationale des patriotes croyants, de François Lumwamu, affirme également qu’il faut coûte que coûte dialoguer afin d’arrêter l’hécatombe et le naufrage.

Quant aux Congolais encore en marge du processus de réconcilitaion en cours, Sassou Nguesso les invite à reprendre leur place dans la société qui doit maintenant, plus que jamais, retrouver sa vocation de paix, de concorde et de tranquillité. «Face aux innombrables familles éprouvées, je voudrais une fois de plus solliciter, au nom de tous les belligérants d’hier, le pardon sincère de la nation pour toutes les violations commises et toutes les violences subies», a-t-il déclaré dans son message à la nation de décembre 1999.

La société civile

Les Congolais multiplient les initiatives pour promouvoir et consolider la paix. Récemment à Pointe-Noire, une chaîne de solidarité pour dire non à la guerre a été organisée par les autorités administratives, des associations et organisations non gouvernementales, ainsi que des expatriés. Ce jour-là, les habitants ont cessé le travail, les écoles et les commerces se sont fermés. Des sirènes ont retenti, appelant la population à se tenir la main pour former une immense chaîne de solidarité et de paix.

Dans une déclaration, le Comité régional pour l’unité et la paix a souligné: «Chacun voit qu’il est de l’intérêt de tous que nous cessions de nous battre les uns contre les autres. Le Congo est notre bien commun que nous devons léguer à nos enfants et nos petits-enfants. Il est temps que nous prenions conscience que la guerre ne peut qu’aggraver les problèmes que connaît notre pays... Nous demandons avec force que la situation reste calme à Pointe-Noire et au Kouilou. Personne ne doit perturber le climat de paix. Chacun doit veiller à ne pas poser des actes qui entraîneraient des désordres. Nous avons tous besoin de la paix au Kouilou pour essayer de reconstruire notre pays».

Le retour des déplacés

La paix n’est plus une illusion au Congo-Brazza. Elle devient une réalité. En témoignent les paysans déplacés qui, malgré la rude épreuve de trouver leurs maisons saccagées et leurs biens emportés, commencent à regagner leurs villages.

Ce mouvement de retour a commencé vers la mi-janvier. Le maire-délégué de Makélékélé, Maurice Maurel Kihounzou, en a donné le top officiel au centre sportif, où plus de 3.000  personnes candidates au retour s’étaient rassemblées très tôt le matin. Elles ont pu monter dans des véhicules mis à leur disposition et repartir dans leurs localités, surtout dans l’axe de Linzolo (20 km au sud de Brazzaville) et Kinkala. Actuellement, chaque lundi et vendredi, un train assure le transport des populations de Brazzaville à Mindouli (130 km au sud de la capitale). «Nous sommes très contents de retrouver nos villages et surtout nos plantations, bien qu’elles soient endommagées par la guerre», dit Malonga, paysan visiblement heureux. Rappelons que les populations des régions du Pool, du Niara, de la Bouenza et de la Lékoumou ont vécu pendant plus d’un an dans des sites de fortune.

A mesure qu’évoluent actuellement les choses, l’espoir d’une réconciliation véritable est permis. Une certaine décrispation politique, voire sociale, permet de dire que le dialogue au sens large du terme est possible, tout au moins avec les Congolais qui soutiennent la dynamique de pacification et le retour à la normalisation. Mais, comme on peut l’immaginer, beaucoup de choses restent à faire. Comme toute guerre, celle du Congo-Brazza a causé des traumatismes et ruiné le développement économique. Mission difficile donc, mais pas impossible!


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