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Kenya
Situations de plus en plus alarmantes
VIE SOCIALE
Lauteur attire notre attention sur deux
situations désastreuses:
la misère de tant de citoyens, et le sida contre lequel bien peu a été fait
La pauvreté
Le Kenya, qui occupe aujourdhui la 22ième place parmi les pays les plus pauvres du monde, avec un PNB de $280 par habitant, doit faire face à la pire des crises économiques quil ait jamais connues.
Bien avant laube, des milliers de travailleurs sortant des bas-quartiers en pleine expansion à Nairobi, se traînent vers les usines du quartier industriel. Dautres les rejoignent sortant de leurs taudis et des rues boueuses. Ceux qui travaillent dans les usines sont probablement les plus chanceux, même si les salaires sont lamentablement bas et le travail pas assuré.
Plus de la moitié des Kényans survivent avec moins de 1$ par jour, y compris les résidents des bas-quartiers qui bourgeonnent un peu partout. A Kibera, un bas-quartier de Nairobi, une famille moyenne vit dans une cabane dune seule place, sans eau courante, sans électricité, ni même de toilettes. Le bus pour se rendre au travail est un luxe trop cher: il coûterait plus de ce que la famille gagne. Ils survivent habituellement avec un seul repas par jour, de lugali, en général, une pâte à base de maïs avec des épinards cuits.
Un signe qui montre bien que la pauvreté ne fait quempirer, cest quà Nairobi plus dun tiers des enfants en âge scolaire ne vont plus à lécole, parce que les parents ne peuvent plus payer les frais scolaires.
Une économie en déclin Le gouvernement est en faillite. La cité de Nairobi montre tous les signes dune économie au bord de labîme. Depuis longtemps, dans la plupart des agglomérations, la municipalité ne ramasse plus les ordures ménagères qui sempilent en des tas malodorants, à des endroits repères. Des garçons et des hommes les fouillent pour récupérer des choses encore utiles. Les magasins des quartiers commerçants, comme ceux de la rue Kirinyaga, ne sont plus accessibles, car les rues sont parsemées de nids-de-poule. Les petites voitures louvoient entre ces cratères béants à leurs risques et périls.
Le tourisme, autrefois la source la plus importante de devises étrangères, est à son niveau le plus bas. Beaucoup dhôtels de la côte ont dû fermer leurs portes et ceux qui sont encore ouverts ont dû remercier une bonne partie de leur personnel. Le Kenya, victime dune vague de violence politique avant les élections de 1997, sefforce pourtant de récupérer son image de lieu de prédilection pour les vacances, mais les infrastructures pauvres, les prix trop élevés, un service qui laisse à désirer et une criminalité galopante ont éloigné les touristes.
Le Kenya dépend en grande partie du thé, du café et des produits horticoles, dont les prix suivent les fluctuations mondiales et dépendent des conditions climatiques peu fiables. Mais il ne faut pas trop attendre de ces ressources. Les petits producteurs sont descendus dans les rues pour protester contre le détournement de leurs profits par lorganisme dEtat pour le développement du thé. La mauvaise gestion et la corruption ont érodé la rentabilité de la plupart des secteurs agricoles. Même la libéralisation na pas réussi à affranchir les fermiers du contrôle pointilleux imposé par les organismes gouvernementaux.
Mais il y a encore moyen de faire de largent et un petit nombre en fait encore, honnêtement ou en fraude. Le Kenya est classé comme le troisième pays au monde ayant le plus grand écart entre les riches et les pauvres. Des luxueux centres commerciaux voient le jour presque chaque mois et le nombre des voitures de luxe ne fait quaugmenter.
Pour le président de lAssociation des industriels du Kenya, Chris Kirubi, la dépression de 1999 a été encore plus importante que celle de lannée précédente. Elle a été causée par le faible pouvoir dachat du consommateur, le mauvais état des infrastructures, des routes, de lélectricité et de leau, les taxes et les prix des matériaux trop élevés, et une corruption institutionnalisée.
Que se passe-t-il? Les pauvres deviennent de plus en plus pauvres. Pourquoi? Le gouvernement et son manque de volonté politique en est responsable. Les Kényans lisent constamment dans les journaux que les fonds publics disparaissent à une allure vertigineuse et cela les irrite. Le dernier rapport du commissaire général aux comptes montre que le bureau du président Moi a dépensé 46,2 millions de dollars pour lannée 1997-1998, prélevés sur les comptes du gouvernement sans aucun document explicatif. Les ministères de la Défense et du Transport sont accusés davoir mal employé plus de $50 millions pour des projets vieux de dix ans jamais achevés.
Au début de 1999, Moi a lancé son Plan national pour léradication de la pauvreté, soi-disant pour prendre des mesures contre le fléau de la pauvreté. Mais si on se base sur les rapports, le gouvernement sest montré peu enclin à y faire participer les premiers intéressés: les pauvres eux-mêmes et leurs représentants.
Lesprit de travail A Kamkunji, un quartier sordide de Nairobi, dans les ateliers jua kali (littéralement soleil cruel), le bruit des marteaux est assourdissant. Des ferronniers et des charpentiers travaillent en plein air le long des rues, contribuant énormément au secteur informel de léconomie. Pourtant, ces travailleurs jua kali qui, avec les marchants ambulants et les vendeurs de kiosques représentent lesprit de travail et dentreprise, sont souvent molestés par la police et les édiles municipaux, qui détruisent leurs étals en bois ainsi que leurs produits. Au lieu de construire léconomie, le gouvernement punit lourdement ceux qui y contribuent beaucoup, et il leur impose la pauvreté.
Le sida
Depuis les premiers cas de sida connus, il y a déjà 15 ans, la maladie sest propagée à une allure alarmante. Selon les autorités médicales, la mortalité se chiffre à 420 cas par jour. Daprès le rapport de lUnicef de septembre 1997, 1,3 million de Kényans seraient infectés. Il y aurait à présent plus de 2 millions de cas, dont 100.000 enfants.
Le sida a réduit lespérance de vie et a augmenté lincidence de la maladie et des décès chez les enfants. Plusieurs rapports donnent un tableau fort alarmant denfants qui abandonnent lécole parce que leurs parents sont morts du sida, ou queux-mêmes en sont contaminés. Dans lenseignement secondaire et supérieur, 20% des élèves seraient séropositifs, les plus menacés étant ceux entre 15 et 19 ans.
Ces chiffres montrent que ces enfants connaissent la sexualité, et quils sont devenus sexuellement actifs à un très jeune âge. On attend toujours une campagne de conscientisation sur le sida. Depuis quon a rendu public le premier décès dû à cette maladie, au début des années 1990, presque rien na changé dans la façon dont sont traitées les victimes du sida et la honte qui y reste attachée.
Lorsque le ministre de la Santé, le général Jackson Mulinge, présenta au Parlement, en 1997, un document sur le sida au Kenya, des déclarations politiques laissaient entendre que le gouvernement irait même plus loin que le document de séance. Parmi ces importantes recommandations on pouvait noter: un suivi continuel de la prévalence de lépidémie; la consolidation des systèmes de surveillance; la rédaction de plans stratégiques dans les régions critiques; des institutions spécialisées mandatées pour rassembler toute information sur le sida et les facteurs qui pourraient influencer sa propagation; laccessibilité aux résultats de la recherche pour toutes les parties intéressées et à tout niveau.
Il faut faire quelque chose Des fonds ont été alloués pour conscientiser la population et pour combattre la maladie. Mais, malheureusement, trop souvent ces fonds ont été détournés. Le gouvernement et certaines ONG en partagent la responsabilité.
Il faut prévoir léducation gratuite et le support social des orphelins des victimes du sida. Le gouvernement devrait aussi coordonner la recherche sur le sida et dautres MST, et assurer une politique sociale influant sur les facteurs socio-culturels qui favorisent ou endiguent la transmission du VIH. La liste des promesses est sans fin, mais on na pas fait grand-chose.
Si le gouvernement a lintention de combattre sérieusement ce fléau, il est plus que temps quil commence à se servir de ce document déjà présenté au Parlement en 1997. Nous ne sommes pas encore dans une situation désespérée et dagonie, mais nous nen sommes plus loin.
James Pod, Kenya, 14 février 2000 © Reproduction autorisée en citant la source
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