ANB-BIA SUPPLEMENT

ISSUE/EDITION Nr 388 - 15/04/2000

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Kenya

Situations de plus en plus alarmantes


VIE SOCIALE

L’auteur attire notre attention sur deux situations désastreuses:
la misère de tant de citoyens, et le sida contre lequel bien peu a été fait

La pauvreté

Le Kenya, qui occupe aujourd’hui la 22ième place parmi les pays les plus pauvres du monde, avec un PNB de $280 par habitant, doit faire face à la pire des crises économiques qu’il ait jamais connues.

Bien avant l’aube, des milliers de travailleurs sortant des bas-quartiers en pleine expansion à Nairobi, se traînent vers les usines du quartier industriel. D’autres les rejoignent sortant de leurs taudis et des rues boueuses. Ceux qui travaillent dans les usines sont probablement les plus chanceux, même si les salaires sont lamentablement bas et le travail pas assuré.

Plus de la moitié des Kényans survivent avec moins de 1$ par jour, y compris les résidents des bas-quartiers qui bourgeonnent un peu partout. A Kibera, un bas-quartier de Nairobi, une famille moyenne vit dans une cabane d’une seule place, sans eau courante, sans électricité, ni même de toilettes. Le bus pour se rendre au travail est un luxe trop  cher: il coûterait plus de ce que la famille gagne. Ils survivent habituellement avec un seul repas par jour, de l’ugali, en général, une pâte à base de maïs avec des épinards cuits.

Un signe qui montre bien que la pauvreté ne fait qu’empirer, c’est qu’à Nairobi plus d’un tiers des enfants en âge scolaire ne vont plus à l’école, parce que les parents ne peuvent plus payer les frais scolaires.

Une économie en déclin — Le gouvernement est en faillite. La cité de Nairobi montre tous les signes d’une économie au bord de l’abîme. Depuis longtemps, dans la plupart des agglomérations, la municipalité ne ramasse plus les ordures ménagères qui s’empilent en des tas malodorants, à des endroits repères. Des garçons et des hommes les fouillent pour récupérer des choses encore utiles. Les magasins des quartiers commerçants, comme ceux de la rue Kirinyaga, ne sont plus accessibles, car les rues sont parsemées de nids-de-poule. Les petites voitures louvoient entre ces cratères béants à leurs risques et périls.

Le tourisme, autrefois la source la plus importante de devises étrangères, est à son niveau le plus bas. Beaucoup d’hôtels de la côte ont dû fermer leurs portes et ceux qui sont encore ouverts ont dû remercier une bonne partie de leur personnel. Le Kenya, victime d’une vague de violence politique avant les élections de 1997, s’efforce pourtant de récupérer son image de lieu de prédilection pour les vacances, mais les infrastructures pauvres, les prix trop élevés, un service qui laisse à désirer et une criminalité galopante ont éloigné les touristes.

Le Kenya dépend en grande partie du thé, du café et des produits horticoles, dont les prix suivent les fluctuations mondiales et dépendent des conditions climatiques peu fiables. Mais il ne faut pas trop attendre de ces ressources. Les petits producteurs sont descendus dans les rues pour protester contre le détournement de leurs profits par l’organisme d’Etat pour le développement du thé. La mauvaise gestion et la corruption ont érodé la rentabilité de la plupart des secteurs agricoles. Même la libéralisation n’a pas réussi à affranchir les fermiers du contrôle pointilleux imposé par les organismes gouvernementaux.

Mais il y a encore moyen de faire de l’argent et un petit nombre en fait encore, honnêtement ou en fraude. Le Kenya est classé comme le troisième pays au monde ayant le plus grand écart entre les riches et les pauvres. Des luxueux centres commerciaux voient le jour presque chaque mois et le nombre des voitures de luxe ne fait qu’augmenter.

Pour le président de l’Association des industriels du Kenya, Chris Kirubi, la dépression de 1999 a été encore plus importante que celle de l’année précédente. Elle a été causée par le faible pouvoir d’achat du consommateur, le mauvais état des infrastructures, des routes, de l’électricité et de l’eau, les taxes et les prix des matériaux trop élevés, et une corruption  institutionnalisée.

Que se passe-t-il? — Les pauvres deviennent de plus en plus pauvres. Pourquoi? Le gouvernement et son manque de volonté politique en est responsable. Les Kényans lisent constamment dans les journaux que les fonds publics disparaissent à une allure vertigineuse et cela les irrite. Le dernier rapport du commissaire général aux comptes montre que le bureau du président Moi a dépensé 46,2 millions de dollars pour l’année 1997-1998, prélevés sur les comptes du gouvernement sans aucun document explicatif. Les ministères de la Défense et du Transport sont accusés d’avoir mal employé plus de $50 millions pour des projets vieux de dix ans jamais achevés.

Au début de 1999, Moi a lancé son Plan national pour l’éradication de la pauvreté, soi-disant pour prendre des mesures contre le fléau de la pauvreté. Mais si on se base sur les rapports, le gouvernement s’est montré peu enclin à y faire participer les premiers intéressés: les pauvres eux-mêmes et leurs représentants.

L’esprit de travail — A Kamkunji, un quartier sordide de Nairobi, dans les ateliers ‘jua kali’ (littéralement “soleil cruel”), le bruit des marteaux est assourdissant. Des ferronniers et des charpentiers travaillent en plein air le long des rues, contribuant énormément au secteur informel de l’économie. Pourtant, ces travailleurs jua kali qui, avec les marchants ambulants et les vendeurs de kiosques représentent l’esprit de travail et d’entreprise, sont souvent molestés par la police et les édiles municipaux, qui détruisent leurs étals en bois ainsi que leurs produits. Au lieu de construire l’économie, le gouvernement punit lourdement ceux qui y contribuent beaucoup, et il leur impose la pauvreté.

Le sida

Depuis les premiers cas de sida connus, il y a déjà 15 ans, la maladie s’est propagée à une allure alarmante. Selon les autorités médicales, la mortalité se chiffre à 420 cas par jour. D’après le rapport de l’Unicef de septembre 1997, 1,3 million de Kényans seraient infectés. Il y aurait à présent plus de 2 millions de cas, dont 100.000 enfants.

Le sida a réduit l’espérance de vie et a augmenté l’incidence de la maladie et des décès chez les enfants. Plusieurs rapports donnent un tableau fort alarmant d’enfants qui abandonnent l’école parce que leurs parents sont morts du sida, ou qu’eux-mêmes en sont contaminés. Dans l’enseignement secondaire et supérieur, 20% des élèves seraient séropositifs, les plus menacés étant ceux entre 15 et 19 ans.

Ces chiffres montrent que ces enfants connaissent la sexualité, et qu’ils sont devenus sexuellement actifs à un très jeune âge. On attend toujours une campagne de conscientisation sur le sida. Depuis qu’on a rendu public le premier décès dû à cette maladie, au début des années 1990, presque rien n’a changé dans la façon dont sont traitées les victimes du sida et la honte qui y reste attachée.

Lorsque le ministre de la Santé, le général Jackson Mulinge, présenta au Parlement, en 1997, un document sur le sida au Kenya, des déclarations politiques laissaient entendre que le gouvernement irait même plus loin que le document de séance. Parmi ces importantes recommandations on pouvait noter: un suivi continuel de la prévalence de l’épidémie; la consolidation des systèmes de surveillance; la rédaction de plans stratégiques dans les régions critiques; des institutions spécialisées mandatées pour rassembler toute information sur le sida et les facteurs qui pourraient influencer sa propagation; l’accessibilité aux résultats de la recherche pour toutes les parties intéressées et à tout niveau.

Il faut faire quelque chose — Des fonds ont été alloués pour conscientiser la population et pour combattre la maladie. Mais, malheureusement, trop souvent ces fonds ont été détournés. Le gouvernement et certaines ONG en partagent la responsabilité.

Il faut prévoir l’éducation gratuite et le support social des orphelins des victimes du sida. Le gouvernement devrait aussi coordonner la recherche sur le sida et d’autres MST, et assurer une politique sociale influant sur les facteurs socio-culturels qui favorisent ou endiguent la transmission du VIH. La liste des promesses est sans fin, mais on n’a pas fait grand-chose.

Si le gouvernement a l’intention de combattre sérieusement ce fléau, il est plus que temps qu’il commence à se servir de ce document déjà présenté au Parlement en 1997. Nous ne sommes pas encore dans une situation désespérée et d’agonie, mais nous n’en sommes plus loin.


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