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Afrique - La triste leçon du Kosovo
GUERRE
De la crise du Kosovo,
lAfrique tirera la leçon que les grandes puissances
ne sengagent efficacement que là où leurs propres intérêts sont en jeu.
Les grandes puissances ont longtemps réfuté la critique faite par les pays pauvres, selon laquelle elles nont dyeux et doreilles que pour les régions où leurs propres intérêts sont en jeu. Cependant, lhypermédiatisation de la crise du Kosovo et les importants moyens que lOTAN y a déployés, tout comme la coalition internationale menée par les Américains contre lIrak, semblent bien convaincantes. Et ce qui se passe dans dautres zones actuellement embrasées le confirme.
Le conflit angolais est un des plus longs et des plus meurtriers au monde. Lembrasement que connaît ce pays depuis près dun quart de siècle, lèguera à la postérité un ignoble héritage: mines antipersonnel, maladies diverses, eaux polluées, famine, un réseau routier détruit à plus de 80% et de vastes étendues de terres et habitations calcinées. Le diamant et le pétrole sont les deux principales ressources qui permettent aux deux antagonistes, Dos Santos et Savimbi, dacheter des armes en quantité. Mais ces produits profitent aussi à des puissances qui souhaiteraient bien que cette guerre continue. Des grandes compagnies se disputent les gisements pétroliers en territoire angolais: laméricaine Chevron, principale partenaire de lAngola, et la française Elf sont en première ligne dans cette concurrence. Le gouvernement angolais vient dhypothéquer sa production jusquen 2001. A qui profite ce bradage des ressources nationales?
Evidemment, il ne suffit pas dune intervention internationale, à limage du Kosovo, pour quune solution à la crise soit trouvée. Mais qui, au règne de lapartheid, envisageait les changements socio-politiques intervenus aujourdhui en Afrique du Sud? Nest-ce pas cette même communauté internationale qui en a été lun des principaux artisans? Pourquoi ne pas faire de même aujourdhui pour le Congo-RDC, lAngola, la Sierra Leone, le Soudan, lEthiopie, lErythrée...?
Crises impitoyables et silencieuses
Au Soudan, 20 ans de guerre entre le gouvernement islamiste du nord et les populations du sud ont fait 4 millions de déplacés et 2 millions de morts. Plusieurs dizaines de personnes ont été tuées et environ 700.000 déplacées par le conflit qui oppose lEthiopie à lErythrée. En Somalie, où la sécheresse et les rivalités entre clans opposés font encore peser le spectre de la famine au sud, les combats ont fait 300.000 victimes, mortes de faim en 1992, malgré lopération américaine Restore Hope. Au Congo-Brazzaville, la guerre entre miliciens et forces loyalistes a provoqué, en 1998-99, le déplacement de 200.000 personnes, pourchassées par la violence et traquées par la faim, tandis que laide humanitaire, détournée par des combattants, se vendait à des prix dérisoires dans les rues et marchés de Brazza. Au Congo-Kinshasa, la guerre affecte sérieusement toute léconomie du pays: près de 45% des revenus de lEtat sont consacrés à leffort de guerre, alors que les provinces occupées sont pillées par des forces dagression. Le Burundi et le Rwanda sont ravagés par une guerre ethnique.
Autant de crises qui passent presque inaperçues, bien moins médiatisées en tous cas que celles du Kosovo ou du Timor. Certes, Washington a adopté une nouvelle politique, mettant laccent sur lInitiative de réaction aux crises africaines (ACRI ). Lancée il y a trois ans, cette initiative tend à renforcer, en coopération avec des partenaires comme la France et la Grande-Bretagne, les capacités africaines de maintien de la paix, plutôt que dattendre des interventions massives extérieures.
Mais une réalité saute aux yeux: le degré destime ou de motivation de la communauté internationale varie dune zone à lautre, et dun continent à lautre. Cest une réalité qui demeure.
LAfrique en est consciente
«Il faut que les chefs dEtat africains sentendent sur les enjeux de lan 2000... LAfrique doit avoir une vision et limposer aux autres», lançait déjà en 1996, comme présage, lancien président congolais Pascal Lissouba. Ses propos trouvent aujourdhui un large écho à travers le continent. Les dirigeants africains ont pris, ces derniers temps, des initiatives encourageantes, qui attestent de leur prise de conscience des enjeux actuels des problèmes humanitaires et des règlements de conflits. Ils cherchent eux-mêmes des solutions à certaines des crises évoquées plus haut. Au récent sommet dAlger, ils ont décidé de sattaquer aux problèmes politiques et économiques qui entravent lessor du continent. Le Haut Commissaire pour les réfugiés, Mme Sadako Ogata, exprimait ainsi sa satisfaction: «Cette nouvelle attitude est porteuse despoir pour lavenir de lAfrique».
LOrganisation de lunité africaine (OUA), à loccasion du 30e anniversaire de sa convention sur les problèmes des réfugiés en Afrique, a annoncé la création dun prix récompensant les pays qui accueillent depuis longtemps dimportants contingents de réfugiés, qui ne produisent pas de réfugiés et qui sont engagés dans laction en faveur des réfugiés. Les premiers lauréats sont la Tanzanie et la Côte dIvoire.
Mais le bilan de ces efforts savère trop maigre, au regard de lampleur de la situation qui prévaut sur le continent. Des accords de cessez-le-feu, signés çà et là, ne sont pas respectés; la détérioration incessante des économies de plusieurs pays échelonne leur dette extérieure; les zones troublées continuent à sembraser, le nombre de réfugiés augmente ainsi que le taux de chômage, tandis que la malnutrition, le choléra, le sida, le paludisme et la tuberculose font ravage. LOUA , dépourvue de ressources, épuise le peu de ses réserves pour des règlements de conflits internes ou sous-régionaux, alors que la démocratie, seule issue pour lAfrique, est vouée à léchec.
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