ANB-BIA SUPPLEMENT

ISSUE/EDITION Nr 389 - 01/05/2000

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Afrique - La triste leçon du Kosovo


GUERRE


De la crise du Kosovo, l’Afrique tirera la leçon que les grandes puissances
ne s’engagent efficacement que là où leurs propres intérêts sont en jeu.

Les grandes puissances ont longtemps réfuté la critique faite par les pays pauvres, selon laquelle elles n’ont d’yeux et d’oreilles que pour les régions où leurs propres intérêts sont en jeu. Cependant, l’hypermédiatisation de la crise du Kosovo et les importants moyens que l’OTAN y a déployés, tout comme la coalition internationale menée par les Américains contre l’Irak, semblent bien convaincantes. Et ce qui se passe dans d’autres zones actuellement embrasées le confirme.

Le conflit angolais est un des plus longs et des plus meurtriers au monde. L’embrasement que connaît ce pays depuis près d’un quart de siècle, lèguera à la postérité un ignoble héritage: mines antipersonnel, maladies diverses, eaux polluées, famine, un réseau routier détruit à plus de 80% et de vastes étendues de terres et habitations calcinées. Le diamant et le pétrole sont les deux principales ressources qui permettent aux deux antagonistes, Dos Santos et Savimbi, d’acheter des armes en quantité. Mais ces produits profitent aussi à des puissances qui souhaiteraient bien que cette guerre continue. Des grandes compagnies se disputent les gisements pétroliers en territoire angolais: l’américaine Chevron, principale partenaire de l’Angola, et la française Elf sont en première ligne dans cette concurrence. Le gouvernement angolais vient d’hypothéquer sa production jusqu’en 2001. A qui profite ce bradage des ressources nationales?

Evidemment, il ne suffit pas d’une intervention internationale, à l’image du Kosovo, pour qu’une solution à la crise soit trouvée. Mais qui, au règne de l’apartheid, envisageait les changements socio-politiques intervenus aujourd’hui en Afrique du Sud? N’est-ce pas cette même communauté internationale qui en a été l’un des principaux artisans? Pourquoi ne pas faire de même aujourd’hui pour le Congo-RDC, l’Angola, la Sierra Leone, le Soudan, l’Ethiopie, l’Erythrée...?

Crises impitoyables et silencieuses

Au Soudan, 20 ans de guerre entre le gouvernement islamiste du nord et les populations du sud ont fait 4 millions de déplacés et 2 millions de morts. Plusieurs dizaines de personnes ont été tuées et environ 700.000 déplacées par le conflit qui oppose l’Ethiopie à l’Erythrée. En Somalie, où la sécheresse et les rivalités entre clans opposés font encore peser le spectre de la famine au sud, les combats ont fait 300.000 victimes, mortes de faim en 1992, malgré l’opération américaine Restore Hope. Au Congo-Brazzaville, la guerre entre miliciens et forces loyalistes a provoqué, en 1998-99, le déplacement de 200.000 personnes, pourchassées par la violence et traquées par la faim, tandis que l’aide humanitaire, détournée par des combattants, se vendait à des prix dérisoires dans les rues et marchés de Brazza. Au Congo-Kinshasa, la guerre affecte sérieusement toute l’économie du pays: près de 45% des revenus de l’Etat sont consacrés à l’effort de guerre, alors que les provinces occupées sont pillées par des forces d’agression. Le Burundi et le Rwanda sont ravagés par une guerre ethnique.

Autant de crises qui passent presque inaperçues, bien moins médiatisées en tous cas que celles du Kosovo ou du Timor. Certes, Washington a adopté une nouvelle politique, mettant l’accent sur l’Initiative de réaction aux crises africaines (ACRI ). Lancée il y a trois ans, cette initiative tend à renforcer, en coopération avec des partenaires comme la France et la Grande-Bretagne, les capacités africaines de maintien de la paix, plutôt que d’attendre des interventions massives extérieures.

Mais une réalité saute aux yeux: le degré d’estime ou de motivation de la communauté internationale varie d’une zone à l’autre, et d’un continent à l’autre. C’est une réalité qui demeure.

L’Afrique en est consciente

«Il faut que les chefs d’Etat africains s’entendent sur les enjeux de l’an 2000... L’Afrique doit avoir une vision et l’imposer aux autres», lançait déjà en 1996, comme présage, l’ancien président congolais Pascal Lissouba. Ses propos trouvent aujourd’hui un large écho à travers le continent. Les dirigeants africains ont pris, ces derniers temps, des initiatives encourageantes, qui attestent de leur prise de conscience des enjeux actuels des problèmes humanitaires et des règlements de conflits. Ils cherchent eux-mêmes des solutions à certaines des crises évoquées plus haut. Au récent sommet d’Alger, ils ont décidé de s’attaquer aux problèmes politiques et économiques qui entravent l’essor du continent. Le Haut Commissaire pour les réfugiés, Mme Sadako Ogata, exprimait ainsi sa satisfaction: «Cette nouvelle attitude est porteuse d’espoir pour l’avenir de l’Afrique».

L’Organisation de l’unité africaine (OUA), à l’occasion du 30e anniversaire de sa convention sur les problèmes des réfugiés en Afrique, a annoncé la création d’un prix récompensant les pays qui accueillent depuis longtemps d’importants contingents de réfugiés, qui ne “produisent” pas de réfugiés et qui sont engagés dans l’action en faveur des réfugiés. Les premiers lauréats sont la Tanzanie et la Côte d’Ivoire.

Mais le bilan de ces efforts s’avère trop maigre, au regard de l’ampleur de la situation qui prévaut sur le continent. Des accords de cessez-le-feu, signés çà et là, ne sont pas respectés; la détérioration incessante des économies de plusieurs pays échelonne leur dette extérieure; les zones troublées continuent à s’embraser, le nombre de réfugiés augmente ainsi que le taux de chômage, tandis que la malnutrition, le choléra, le sida, le paludisme et la tuberculose font ravage. L’OUA , dépourvue de ressources, épuise le peu de ses réserves pour des règlements de conflits internes ou sous-régionaux, alors que la démocratie, seule issue pour l’Afrique, est vouée à l’échec.