ANB-BIA SUPPLEMENT

ISSUE/EDITION Nr 389 - 01/05/2000

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Afrique du Sud  - Le grand défi: la création d’emplois


ACTION SOCIALE


La création de nouveaux emplois est, pour les Sud-Africains,
le défi le plus important dans la première décennie de ce millénaire

Pour le citoyen sud-africain, la création de nouveaux emplois devrait être en ce moment la préoccupation prioritaire du gouvernement. Bien sûr, il y a d’autres problèmes: manque de services sociaux, de compétences, de moyens d’éducation, et un taux galopant de criminalité. Mais pour qui est sans travail, le chômage est le premier des problèmes. A quoi sert de dire aux millions de chômeurs d’attendre quelques années, durant lesquelles une stratégie correcte de marché sera mise en place? Depuis 1994, le fossé entre favorisés et démunis n’a fait que s’élargir. Une étude sur la distribution des revenus durant les années 1991-96, réalisée par Wharton Economic Forecasting Associates (WEFA ), un cabinet international d’experts-conseils, l’a confirmé: les riches continuent à s’enrichir, alors que les pauvres, essentiellement de la communauté noire, deviennent de plus en plus pauvres. En 1996, 40% parmi les ménages noirs les plus pauvres avaient un revenu de 20% plus bas qu’en 1991.

Tendances

Il y a pourtant eu «une redistribution notable du revenu en faveur de groupes prélablement désavantagés». L’étude, intitulée «Gagnants et perdants: l’évolution de la distribution du revenu en Afrique du Sud dans les années 1990», montre que les Noirs ont une place plus importante dans l’élite économique du pays et que les divisions des classes sont moins liées à la race qu’on ne le pensait. Ces tendances n’ont fait que s’accroître depuis que le gouvernement du Congrès national africain (ANC) a lancé, en 1996, son Programme de croissance, d’emploi et de redistribution (GEAR) – un essai prudent de gestion économique, qui doit toutefois encore stimuler une croissance solide ou une redistribution importante du revenu aux pauvres. Andrew Whiteford, coauteur de l’étude avec Dirk Ernst van Seventer, soutient que ces tendances sont plus apparentes dans la communauté des Noirs. La proportion des ménages noirs parmi les 10% les plus riches est passée de 9%, en 1991, à 22% en 1996. Le revenu total des Blancs est tombé de 59,5% à 51,89%, et la proportion des ménages blancs dans les 10% les plus riches en Afrique du Sud a dramatiquement chuté de 95% à 65%.

Cette étude a aussi constaté que plus de 90% de l’augmentation du revenu des Noirs et des autres groupes ethniques proviennent de l’accroissement de l’économie et que moins de 10% sont attribuables à la redistribution. Entre 1991 et 1996, la part du revenu des métis est montée de 6,8% à 7,9%, et celle des Indiens de 3,8% à 4,5%. Mais, en même temps, les inégalités dans le revenu entre les parties les plus riches et les plus pauvres parmi les métis et les Indiens n’ont fait que croître.

D’après Whiteford et d’autres analystes, la création à grande échelle de nouveaux emplois est indispensable si on veut réduire cette inégalité. Zwelinzima Vavi, le secrétaire général du Congrès des syndicats de l’Afrique du Sud (COSATU ), réclame des mesures immédiates et un débat national pour s’attaquer à ce qu’il appelle «la bombe à retardement» du chômage et de l’instabilité sociale. De 1991 à 1996, le nombre de Noirs dans des emplois à haute compétence avait augmenté de 80 %, mais le total des Noirs au travail diminuait de 2%. Ce sont les gens peu ou pas qualifiés qui ont été le plus touchés. A elle seule, l’industrie des mines d’or, autrefois le pivot de l’économie, a perdu 200.000 emplois. En 1987, elle employait 530.000 personnes. Dans les années à venir, des dizaines de milliers d’emplois seront supprimés dans le secteur de la fonction publique et des entreprises parastatales à cause de la privatisation et d’autres formes de restructuration. Il y aurait 54.000 fonctionnaires de trop dans le secteur public, la plupart dans la province orientale du Cap. L’Afrique du Sud n’est pas le seul pays à avoir une fonction publique pléthorique et trop peu efficace, dont les salaires compriment les dépenses dans d’autres domaines plus productifs. Certains pays sont connus pour s’être attaqués vigoureusement au problème, et s’en portent bien; d’autres ont essayé de l’ignorer, et en supportent les conséquences.

Les syndicats

Le gouvernement ANC s’est engagé à dépenser moins pour les salaires du secteur public et plus pour l’investissement des capitaux. Tout en essayant d’éviter toute confrontation avec les syndicats, il ne se laissera pas détourner de sa politique économique. Les syndicats continueront leurs manifestations contre la perte d’emplois, et suivront de près les plans du gouvernement pour changer la législation du travail et réduire le service public. Certains hauts fonctionnaires du gouvernement affirment que, plus tard dans l’année, seront présentés des amendements aux lois sur les relations sociales, les conditions de base pour l’emploi et l’insolvabilité, pour supprimer certains aspects qui empêchent la création de nouveaux emplois.

Charles Tromp, consultant social, est d’accord avec le gouvernement et les syndicats qui ont pris des mesures pour un marché du travail bien agencé, mais, dit-il, «avec un chômage qui monte en flèche et le rand sud-africain qui se bat contre des devises bien solides, comme le dollar américain ou la livre sterling britannique, cela ne servirait à rien de vouloir trop régler le marché du travail; ceci pourrait effrayer les investisseurs potentiels et forcer les petites entreprises de fermer. Nous devrions plutôt être plus fle-xibles dans nos lois sociales».

Beaucoup d’investisseurs locaux sont inquiets de la rigidité des lois sociales, du sida et d’un taux de chômage de 30%. Mais des personnes bien placées avertissent que cela ne changera pas du jour au lendemain. «Bien sûr, nous devons protéger les travailleurs sud-africains contre toute exploitation, mais en même temps nous devons être prêts à attirer les multinationales,réduisant ainsi l’armée des chô-meurs», dit Tromp.

Pour certains, si on assouplit les lois sociales, on augmentera la création de nouveaux emplois. Les compagnies qui avaient joui de la protection de l’Etat au temps de l’apartheid, sont maintenant en but à une compétition mondiale. Malgré la croissance économique, des emplois continuent à être supprimés. Selon une étude de la WEFA sur les perspectives de l’emploi en Afrique du Sud, en 1997 on avait perdu 143.000 emplois, alors que l’économie avait connu une croissance de 1,7%. En plus, la population active s’étant accrue de 320.000 personnes, le chômage connut un accroissement rapide. Chez Milani, secrétaire général de la Fédération des syndicats de l’Afrique du Sud, note que malgré une croissance positive, on continue à supprimer des emplois à un rythme alarmant. Alors que la richesse augmente, de plus en plus de travailleurs s’appauvrissent.

Une enquête menée par le Conseil de recherche des sciences humaines à Pretoria révèle que plus d’un million d’emplois ont disparu dans la dernière décennie. Le COSATU estime que, ces 10 dernières années, sur une moyenne de 350.000 chômeurs entrés chaque année dans le marché de l’emploi, 50.000 seulement ont trouvé du travail.

Cela est très inquiétant. Les dirigeants des syndicats soutiennent qu’il est vital que l’économie puisse créer de nouveaux emplois, mais qu’il est aussi vital de garder au travail ceux qui y sont déjà. Vavi souligne que le taux élevé de criminalité et l’incidence croissante du sida sont inextricablement liés: ce sont-là des signes d’une grande instabilité sociale. Pour les syndicats, les inondations catastrophiques dans le nord et l’est du pays sont l’occasion de mettre en pratique ce qu’ils ont prôné depuis longtemps. Les premières estimations des dommages causés par les pluies s’élèvent à des centaines de millions de rand, et Vavi croit que c’est là une excellente occasion, à moyen terme, de réduire les rangs des sans-emploi.