ANB-BIA SUPPLEMENT

ISSUE/EDITION Nr 389 - 01/05/2000

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Congo RDC  - La consultation nationale


POLITIQUE


Maigres résultats de la consultation nationale
qui a réuni à Kinshasa 1.700 délégués de différentes régions du pays

Ouverts officiellement le mardi 29 février 2000 à Kinshasa, au Temple protestant du centenaire, les travaux de la Consultation nationale initiée par les chefs des confessions religieuses (protestante, catholique, kimbanguiste, musulmane et orthodoxe) ont pris fin le samedi 11 mars. Les cérémonies d’ouverture et de clôture ont été présidées par le révérend Marini Bodho, président national de l’Eglise protestante du Congo.

La rencontre a réuni près de 1.700 délégués venus de différentes régions du pays et de plusieurs composantes de la vie nationale (partis politiques, société civile, représentants des Congolais de l’étranger, etc). Mais les rebelles et les partis politiques les plus actifs, tels que l’UDPS (Union pour la démocratie et le progrès social), le PALU (Parti lubumbiste unifié, de Gizenga Antoine), le PDSC (Parti démocratique social chrétien), le MPR (Mouvement populaire pour le renouveau) et le FONUS (Forces novatrices pour l’union et la solidarité, de J. Olenghankoy) n’ont pas répondu à ce rendez-vous. De même, aucun des treize chefs d’Etat africains invités à la cérémonie d’ouverture n’est arrivé à Kinshasa. Par ailleurs, la participation de quelques représentants de l’opposition armée à ce forum est demeurée un mystère jusqu’au dernier jour des assises: pour des raisons de sécurité, on n’a pas révélé l’identité des délégués qui seraient arrivés; ils n’ont pas voulu présenter en public leurs interventions; et personne dans le bureau de l’organisation n’a osé lire les messages à leur place. Et pourtant, les travaux ont été reportés à deux reprises pour attendre les représentants des rebelles.

Des objectifs nobles mais contestés.

M. Ngoy Mulunda, modérateur de la consultation et secrétaire général de la CETA (Conférence des Eglises de toute l’Afrique), a présenté les objectifs du forum, dont le principal était de baliser le chemin de la réconciliation nationale, en vue du dialogue intercongolais prévu par les accords de Lusaka. Pour ce faire, la rencontre visait à identifier les obstacles à la cohésion nationale, à la paix et au dialogue intercongolais, de rechercher les causes réelles de la guerre, et de proposer des solutions adéquates. Enfin, selon le révérend Ngoy Mulunda, les chefs des confessions religieuses ont voulu amener les Congolais à se parler et à se réconcilier entre eux avant de le faire avec les autres.

Malgré cela, le forum a été très contesté. Ceux qui n’ont pas voulu y participer, restent convaincus que le pouvoir en place a récupéré l’initiative. Même le Comité permanent des évêques du Congo, réuni du 31 janvier au 6 février à Kinshasa, avait décidé de surseoir à la participation de l’Eglise catholique à cette rencontre. Les évêques s’étaient posé des questions sans réponses sur la finalité réelle de la conférence, sur son initiateur et sur le financement des travaux.

A son tour, le public s’interrogeait sur la nature politico-juridique de cette rencontre, vu les fonds importants engagés. On parle de plus de deux millions de dollars pour l’achat des voitures qui devaient transporter les délégations étrangères. Mais, surtout, dans le contexte actuel du pays, l’organisation d’une telle consultation paraissait aux yeux de certains comme un obstacle à la mise en oeuvre du processus de paix de Lusaka. C’est pourquoi les chefs des confessions religieuses ont souvent répété que cette consultation n’empêchait pas le dialogue intercongolais et qu’elle demeurait une nécessité incontournable.

Des maigres résultats

Les participants ont d’abord travaillé en groupes distincts pour répondre à quatre questions sur le mal qui ronge la société congolaise. Cinq commissions étaient chargées respectivement des causes de la guerre, du dialogue intercongolais et des accords de Lusaka, de l’éthique et la réconciliation, de la mise en forme des résolutions, et des problèmes politico-administratifs.

Après quelques jours de travail en commissions, les participants se sont retrouvés pour faire la synthèse des conclusions et des recommandations. Ils ont notamment préconisé la protection et la légitimation du pouvoir de Kabila. Plusieurs d’entre eux ont émis le voeu de voir le gouvernement de Kabila dissoudre les CPP (comités de pouvoir populaire, institués par Kabila). Ils ont demandé aussi la révision des décrets-lois 194 et 195 sur la constitution des partis politiques, et la suppression immédiate des juridictions d’exception comme la Cour de sûreté de l’Etat et la Cour d’ordre militaire. La consultation nationale a recommandé également l’amendement des accords de Lusaka. Enfin, parmi les recommandations, notons encore la formation d’un gouvernement ouvert à d’autres tendances politiques et qui devrait être dirigé par un Premier ministre compétent et expérimenté.

Les recommandations issues de ces assises ont été remises au président Kabila qui, dans un discours prononcé le soir même, a bien fait comprendre qu’il peut les mettre au tiroir ou non. De plus, le sit-in des membres des CPP devant le Temple du centenaire pendant les travaux de la consultation, et le discours du ministre Kakudji montrent que les recommandations de la consultation sont loin d’être prises en considération par le pouvoir.

Emouvante cérémonie de réconciliation

Deux faits importants ont marqué la clôture de la conférence: d’une part, la cérémonie liturgique, dominée par des méditations et le lavement des mains, signe de renoncement définitif au mal; et d’autre part, la lecture des résolutions et recommandations des assises. Le moment de la réconciliation et de la demande de pardon a suscité une vive émotion dans la salle. C’est dans ce contexte que l’ancien gouverneur du Katanga, M. Kyungu wa Kumwanza, actuellement ambassadeur au Kenya, a demandé pardon pour les atrocités de l’épuration ethnique de 1992 au Katanga, dont les Kasaïens ont été victimes. Le public, cependant, n’a pas été accepté ce pardon de Kyungu tant qu’il n’y aurait pas de promesse de réparation.

A son tour, M. Bemba Saolona, ministre de l’Economie du gouvernement Kabila et père du “rebelle” Jean-Pierre Bemba qui contrôle le nord de la province de l’Equateur, a demandé pardon à tous les Congolais pour les actes destructeurs de son fils. Il a invité ce dernier à s’amender en renonçant à sa lutte qui freine l’avenir de tout un pays. Il a confié aux chefs religieux la mission de conscientiser son fils pour qu’il abandonne cette voie.

Les lecons de cette consultation

Certains ont crié à l’échec de la consultation nationale, tout simplement parce que tous les rapports de synthèse n’ont pu être apprêtés avant la cérémonie de clôture. Ce qui a risqué de donner à ces assises un cachet d’inachevé. Cependant, avec cette rencontre, les chefs religieux ont pu réaliser quelque chose que la CNS (Conférence nationale souveraine de l992-93) n’avait pas accompli, à savoir la réconciliation. Les participants ont aussi été marqués par la liberté d’expression, et ont saisi l’occasion pour dénoncer avec force les divers aspects du mal qui ronge la société congolaise.

Après la cérémonie de clôture, les participants ont été reçus à dîner à la Cité de l’OUA par le président Kabila. Malheureusement, le discours improvisé du président et, une semaine plus tard, le message du ministre Kakudji à une réunion politique organisée pour le soutien du régime en place, jettent des doutes sur la concrétisation des résultats de la consultation.

Et pourtant, comme l’a souligné M. Pierre Marini Bodho dans son discours de clôture, les confessions religieuses ont voulu tout simplement que le peuple congolais puisse vivre mieux et en abondance, à la mesure des potentialités économiques dont regorge le pays.


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