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Erythrée - Une paisible région en guerre
EGLISEETAT
LEglise
catholique en Erythrée examine la façon de
faire face aux changements profonds dans la société actuelle
En se levant très tôt à Asmara, on a une singulière sensation. La lumière qui brille par la fenêtre semble être plus pure et plus brillante quailleurs. Est-ce à cause de laltitude de 2.200 mètres ou de labsence de toute pollution? Mais il ny a pas que léclat du soleil qui est inhabituel, il y aussi une atmosphère de paix et de tranquillité. Le trafic est lent et tranquille et les gens se sentent tellement en sécurité quils ne prennent même pas la peine de fermer à clé leur voiture ou leur maison. En comparaison avec la violence quon connaît dans la plupart des autres villes africaines, lErythrée semble un paradis perdu.
Mais les apparences sont trompeuses. Le pays est de nouveau au bord de la guerre. Si vous ne voyez en ville que des enfants et des personnes âgées, cest parce que les autres ont été enrôlés dans larmée et sont aux frontières du pays à attendre le troisième round dune guerre dont on ne parvient pas à comprendre les raisons.
Il y a dix ans, le Front de libération du peuple tigréen (TPLF ) et le Front de libération du peuple érythréen (EPLF ), malgré leurs différences idéologiques, se sont unis pour renverser le régime communiste de Mengistu. Après un référendum, lErythrée obtint son indépendance et les deux pays, après trente années de guerre civile et dans un remarquable effort, coopérèrent pour reconstruire leur économie. LErythrée et le Tigré ont une langue et une culture communes. Les présidents des deux pays sont unis par des liens de famille. Alors, pourquoi se battent-ils? Officiellement, cest une question de frontières. LErythrée considère que les frontières du temps du colonialisme italien doivent être respectées; mais la région disputée a toujours été gouvernée par lEthiopie et la population locale se considère comme étant éthiopienne. Chaque pays accuse lautre davoir commencé le conflit. Cest lErythrée qui commença les actions militaires, mais elle accuse lEthiopie davoir provoqué le conflit. En juin de lannée dernière, larmée éthiopienne réussit à reprendre une partie du territoire, à un prix ahurissant de vies humaines. Pourquoi ne pas soumettre la dispute frontalière à un arbitrage international?
LErythrée prétend que ce ne sont pas uniquement les frontières qui sont en jeu: les Tigréens au pouvoir à Addis Abeba veulent créer un Grand Tigré, comprenant une grande partie de lErythrée et gagner ainsi laccès au port dAssab. Ce qui nétait au début quun simple conflit de frontières est ainsi devenu une guerre de tranchées. LErythrée ne peut pas se permettre de garder indéfiniment toute sa main-duvre aux frontières. Mais si les hostilités reprennent, toute une génération de jeunes pourrait bien ne plus revenir à la maison.
Un redressement remarquable
Ce qui rend la guerre encore plus tragique, cest que les deux pays sétaient engagés dans un programme de développement impressionnant. Contrairement à beaucoup de pays africains, lErythrée avait fortement investi dans lamélioration de son infrastructure. Les routes nont pas de nids de poule, le téléphone fonctionne et les collines arides sont reboisées. On a aussi investi beaucoup dans lagriculture, pour assurer une nourriture suffisante. Massaoua, ce port pittoresque de la mer Rouge, a été reconstruit. Tout donne limpression que le gouvernement essaye de développer sa population au lieu de se remplir les poches. Notons que les Erythréens ont voulu réaliser cela par eux-mêmes et ont refusé de se soumettre aux conditions du FMI et de la Banque mondiale qui, ailleurs, ont causé tant de dégâts.
Le revers de la médaille
Mais tout nest pas que splendeur et gloire. Malgré tout, on a la sensation que le EPLF ne sest pas encore débarrassé de son passé socialiste. Le marxisme-léninisme était à la base de lidéologie et des stratégies pendant ces longues années de lutte pour la libération. La rhétorique communiste est oubliée, mais les attitudes totalitaires persistent. Cela se remarque dans le désir de tout contrôler, même la mentalité du peuple. Il ny a quune chaîne de radio-TV: celle du gouvernement. Les éditeurs des journaux privés doivent faire très attention à ce quils publient.
La requête du gouvernement à lEglise catholique de lui céder ses 25 écoles et 35 dispensaires était de mauvais augure, même si cétait avant que la guerre se déclare. Tout aussi inquiétante fut lannonce surprise, jamais mise par écrit, de mettre fin à lenseignement de la religion dans les écoles, alors quun syllabus oecuménique venait dêtre accepté. Il semble que le gouvernement ait peur du fondamentalisme islamique, ce qui expliquerait pourquoi il veut tenir la religion en laisse. Après lindépendance, lErythrée à été infiltrée par des fondamentalistes, du genre violent, venant du Soudan et de lIran. La réaction du gouvernement ne se fit pas attendre: ils furent arrêtés et les liens diplomatiques avec Khartoum rompus. Bien que les relations diplomatiques aient été récemment rétablies, la peur reste de voir le radicalisme religieux saper les efforts pour édifier la nation, où la population est à moitié chrétienne et à moitié musulmane.
Mais certaines mesures pour séparer religion et vie publique empiètent sur les droits fondamentaux de lhomme; p.ex. les soldats ne peuvent plus aller aux services religieux et les combattants tombés au front sont privés dun enterrement selon leur croyance.
Linvasion de la culture globale
Bien plus dangereuse que tout endoctrinement politique et nationaliste de la jeunesse, est linfluence de la culture médiatique. On trouve partout des vidéos de tout genre et, cette année encore, lErythrée sera connectée à Internet. Certains fournisseurs daccès sont explicitement centrés sur la jeunesse qui est submergée des meilleures et des pires cultures médiatiques de lOccident. On en voit déjà les résultats dans la façon dont ils shabillent et leur choix de musique. Cela se reflète aussi sur leurs pratiques religieuses. Bien que la plupart restent enracinés dans leur foi, les jeunes trouvent que les rites liturgiques Gheèz traditionnels sont bien trop longs et ils demandent des messes en tigrinya où ils peuvent chanter des nouveaux chants avec accompagnement musical.
Certains sont très attirés par les formes charismatiques de prier et sont influencés par les Eglises pentecôtistes très actives. Tous ces changements demandent une discussion ouverte en vue de trouver des solutions pastorales appropriées.
Un synode sous menace de guerre
Cétait une décision très courageuse de la part de léparque dAsmara, Abune Zacharia, que de convoquer le tout premier synode dans lhistoire de léparchie, alors que de nouveaux combats semblent imminents. Après deux années de préparation dans les paroisses, au moyen de questionnaires et de mini-synodes, 85 délégués, dont un tiers de laïcs, se sont rencontrés pendant six jours pour discuter comment lEglise pourrait répondre à ces profonds changements dans la société. Les changements à apporter à la liturgie furent les plus épineux.
Dans un esprit dcuménisme, la petite Eglise catholique sen voudrait de trop sécarter de lEglise orthodoxe. Et pourtant, si elle ne veut pas perdre la jeunesse, elle doit mettre en place de nouvelles expressions liturgiques et adapter certains rites aux conditions de vie urbaines et modernes. Traditionnellement, les jeunes étaient initiés à la foi au moyen de la liturgie.
Comment transmettre une foi plus personnelle, basée sur la Bible, dans un nouveau milieu sécularisé, cest là le plus grand défi auquel lEglise se doit de faire face. Un centre de catéchèse et dautres structures diocésaines seront créés pour étudier les différents problèmes de la pastorale. Tout comme dans la plupart des Eglises dAfrique, léparchie dépend très fort de laide venant de lextérieur, un héritage du passé missionnaire. Lindépendance financière est aussi urgente que difficile, mais elle nest pas impossible. LEglise orthodoxe ne parvient-elle pas à se suffire et à construire de belles églises avec la contribution locale, même si cela leur prend 30 années pour les parachever!
Comment peut-on évangéliser avec courage et créativité une nouvelle culture sécularisée sans perdre la profondeur de sa foi et les richesses de sa tradition? Au début de ce troisième millénaire, voilà le problème, non seulement pour lErythrée, mais aussi pour toute lEglise.
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