ANB-BIA SUPPLEMENT

ISSUE/EDITION Nr 389 - 01/05/2000

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Islam  -  Islam en Europe


ISLAM


La présence de l’islam en Europe est un fait important
tant pour la société civile que pour l’Eglise

Dix millions de musulmans en Europe occidentale! Entre vingt et vingt-deux millions de musulmans en Europe de l’Ouest et de l’Est. Ne discutons pas sur Ies chiffres. C’est un ordre de grandeur. On sait que la présence des musulmans en Europe pose des problèmes de statistiques et soulève des difficultés pour caractériser ces populations. Les recensements, sauf en Suisse, ne donnent aucun repère quant à l’appartenance religieuse.

L’Europe, après la chute du mur de Berlin, comprend donc désormais une population musulmane qui n’est pas sans importance. Si en Europe de l’Est elle est implantée depuis quelques siècles, il n’en est pas de même à l’Ouest où de nombreux immigrés sont arrivés surtout depuis une quarantaine d’années. Selon les dernières statistiques, il y aurait en France environ 4 millions de musulmans, dont la moitié seraient citoyens français. Ceux qui demeurent étrangers sont principalement des Algériens, Marocains et Tunisiens. En Allemagne, il y a 3 millions de musulmans, dont 2 millions de Turcs. La Belgique en compte quelque 300.000 et les Pays-Bas environ le même nombre. La Grande-Bretagne estimait avoir 2 millions de musulmans, presque tous de nationalité britannique, provenant du Pakistan, de l’Inde et du Proche Orient. L’Espagne, en 1987, comptait 126.000 Marocains et de nombreux autres étrangers. En 1999, on estime le chiffre de musulmans vivant dans le pays à 250.000, dont la plupart sont des clandestins. Quant à l’Italie, selon les dernières statistiques de 1997, elle compterait 422.000 immigrés, dont 130.000 Marocains, 59.000 Albanais, 48.000 Tunisiens, 33.000 Sénégalais et 25.000 Egyptiens. Ces chiffres prennent difficilement en compte les nationaux musulmans, étrangers naturalisés ou nationaux convertis à l’islam. Des pays comme la Bulgarie, la Hongrie et l’ex-Yougoslavie connaissent la présence de l’islam depuis leur occupation par le royaume ottoman.

La présence musulmane

La présence de l’islam est liée soit au colonialisme, soit au parcours migratoire après la deuxième guerre mondiale qui a amené des millions de musulmans vers les pays européens. Dans la foulée des brassages de populations, mobilisées par le développement économique et industriel, l’islam s’est implanté dans l’ensemble du continent européen. Aujourd’hui, il faut encore ajouter l’arrivée des demandeurs d’asile politique qui fuient leurs pays, parce que les droits de l’homme n’y sont pas respectés ou que la situation économique incite les habitants à partir pour chercher à construire une nouvelle existence en Europe. Sans ce flux migratoire, l’islam serait resté un fait marginal. Mais maintenant, c’est un fait populaire et social en cours d’implantation profonde dans l’espace européen. La société en Europe est véritablement devenue une société multi-religieuse, ce qui n’a été ni prévu ni voulu.

Les clés de compréhension du devenir de l’islam se trouvent dans l’analyse des processus migratoires. On ne peut pas enfermer l’islam dans la catégorie d’une religion immigrée ou transplantée d’ailleurs. Mais il convient de prendre en compte le fait que le processus de mise en forme de l’islam est sous-tendu par le processus de co-inclusion progressive et réciproque entre la population musulmane et celle de souche chrétienne.

Les mouvements migratoires suivent, aujourd’hui en Europe, la croissance ou la décroissance de l’économie. Depuis 1945, il y a eu plusieurs vagues migratoires: celle de la reconstruction immédiatement après la guerre; celle du boom économique dans les années soixante; celle des années soixante-dix; celle après la crise économique provoquée par l’augmentation du prix du pétrole en 1973; et enfin, celle depuis la moitié des années 80, qui prend plutôt la forme de l’asile politique et de la clandestinité.

Les études ne manquent pas pour analyser de près l’importance relative de la présence des musulmans, leurs provenances toujours diversifiées, leur intégration plus ou moins réussie, leurs organisations nationales, régionales ou internationales, et leurs demandes culturelles et religieuses. Peu à peu, cependant, on passe d’une immigration de travail à un regroupement des familles et, de là, à une reconstitution d’éléments des sociétés d’origine avec le risque de créer des ghettos. Dans la plupart des pays européens, on en est actuellement à la troisième ou à la quatrième génération, d’où le phénomène des “beurs” en France ou de mouvements semblables en Belgique, aux Pays-Bas et en Allemagne. Ce changement de générations entraîne une assimilation plus ou moins réussie.

Depuis quelques années, on parle d’un “islam européen”, qui est défini par les intellectuels de la jeune génération et qui n’aurait plus des liens étroits avec les pays d’origine, ceci surtout avec la Turquie. D’autre part, les ministères pour les Affaires religieuses sont présents dans de nombreux pays européens, à travers les consulats, et contrôlent ainsi de nombreuses salles de prière ou des mosquées. Ce phénomène est plus ou moins bien vécu et généralisé selon les pays européens et leur volonté d’intégration.

L’organisation religieuse

Tout ceci se reflète donc plus particulièrement au plan de l’organisation religieuse de ces communautés musulmanes, dont le lien avec le pays d’origine demeure malgré tout très étroit. Des centres islamiques ont été créés dans toutes les capitales européennes; des associations ou des fédérations d’associations se sont constituées un peu partout. Parfois ils ont plutôt un caractère culturel, parfois une orientation plus spécifiquement religieuse.

ll s’ensuit une grande visibilité de l’islam dans la cité, comme le remarque le sociologue Felice Dassetto, professeur à l’université catholique de Louvain, dans son livre “La construction de l’islam européen”. Constructions de mosquées ou de centres islamiques, rassemblements pour la prière et les fêtes, installations de carrés islamiques dans les cimetières, publications de livres et de revues qui sont vendus dans les librairies islamiques ou dans les mosquées. Pour prêcher durant le mois de ramadan, sont invités des imams de Turquie, d’Egypte ou du Maghreb, parce qu’il manque des imams formés en Europe.

Comme déjà mentionné plus haut, les ambassades et les consulats des pays d’origine tentent partout de contrôler “leurs émigrés”, y compris quant à la manière de vivre et d’exprimer “leur islam”. ll existe aussi des institutions ou organisations islamiques internationales qui s’efforcent d’offrir leurs services à ces centres et à ces associations tout en leur proposant une certaine idéologie religieuse. Par exemple, la “Ligue du monde islamique”, dont le siège est à La Mecque, est très active en ce sens et contrôle pratiquement les centres islamiques de Rome, de Madrid, de Londres et de Bruxelles, sans parler d’autres présences efficientes.

Qu’ils soient devenus “nationaux” ou qu’ils demeurent étrangers, les musulmans d’Europe occidentale sont loin de se retrouver ensemble sous la direction d’organisations unifiées et donc représentatives qui seraient indépendantes tant des gouvernements des pays d’accueil que des pays d’origine. Ce pluralisme islamique rend difficiles les rapports des musulmans avec les autorités civiles quand il s’agit de régler des problèmes administratifs et d’élaborer un statut juridique commun qui leur soit propre.

Quelques principes de base

Dans cette perspective, il semble nécessaire d’établir quelques principes de base pour la politique à mener dans ce domaine. Ceux-ci devront être concrétisés par les Etats européens. Par ailleurs, un meilleur échange d’informations et d’expériences entre les Etats est souhaitable.