ANB-BIA SUPPLEMENT

ISSUE/EDITION Nr 391 - 01/06/2000

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 Cameroun
Enfin la libéralisation de l’audiovisuel!


MEDIAS


Les chaînes de radio et de télévision privées
pourront désormais émettre au Cameroun, 10 ans après le vote de la loi
portant sur la liberté de la communication sociale.

 Le 3 avril 2000, le Premier ministre Peter Mafany Musunge a surpris plus d’un observateur en signant le déScret 2000/158 fixant les conditions et les modalités de création et d’exploitation des entreprises privées de communication audiovisuelle. Le nouveau ministre de la communication, le professeur Jacques Fame Ndongo, n’était probablement pas au courant de ce texte, car, quatre jours auparavant, il avait mis sur pied un comité technique chargé de peaufiner ledit décret, fixant un délai de six mois pour rendre sa copie. Aux oubliettes donc le comité technique, et le ministre s’est dit satisfait de l’évolution “positive et rapide” des choses.

En fait, certains se sont étonnés de la lenteur des pouvoirs publics dans la publication du décret d’application d’une loi votée il y a dix ans par l’Assemblée nationale. Ce décret levant le monopole de la Cameroon Radio and Television (CRTV ), chaîne d’Etat, était attendu depuis la promulgation de la loi du 19 décembre 1990 portant sur la liberté de la communication sociale. Entre-temps, le gouvernement a usé de bien des détours pour éviter de s’engager sur un terrain qu’il redoutait, mais fortement revendiqué par la population qui, tournant le dos à la CRTV , courait après les opérateurs de télévision câblée, pourvoyeurs d’images des chaînes occidentales.

Réactions

Au nom de l’Union des journalistes du Cameroun (UJC ), le secrétaire général André Parfait Bell se réjouit «du fait que le gouvernement ait finalement voté le décret d’application de la loi de 1990 pour la libéralisation effective de l’audiovisuel». L’UJC , qui avait encore réclamé ces textes dans un mémorandum du 3 mai 1999, à l’occasion de la journée internationale de la liberté de la presse, voit en cette décision, tout comme dans l’arrivée d’un journaliste doublé d’un communicateur, le Pr Jacques Fame Ndongo, à la tête du ministère de la Communication, «des éléments qui peuvent contribuer à l’amélioration notable de l’environnement des médias au Cameroun».

Par contre, les promoteurs des radios jadis classées “pirates” réservent un accueil plutôt mitigé au décret du Premier ministre. «Ce texte n’est pas une surprise pour moi; j’en ai suivi de bout en bout l’évolution et l’élaboration», déclare Joseph Ndi Samba, fondateur de Radio Télévision Lumière (RTL ), l’une des toutes premières à émettre à Yaoundé et ses environs. Cette chaîne (radio pour l’instant) émet en fait depuis 14 mois, au cours desquels elle a dépensé 11 millions de fcfa contre 3 millions de recettes. Mais «c’est une somme dérisoire comparée à ce que l’Etat nous demande de lui verser: 10 millions de fcfa pour la radio et 50 millions pour la télévision», explique le responsable de la RTL, qui met en garde ses compatriotes: «Que ceux qui pensent qu’en ouvrant une radio ils feront de bonnes affaires, changent très vite d’idée. (...) Ceux qui le feront dans les conditions édictées par le décret du Premier ministre ne rentreront pas dans leur frais».

Au sujet des tarifs imposés aux différentes catégories de radios et de télévisions, l’ensemble de ces promoteurs crient au scandale «Nous sommes une radio éducative qui aide l’Etat à former les populations. En revanche, nous ne pouvons lui verser des sommes que nous ne percevons pas», affirme l’abbé Jean-Marie Bodo, fondateur de la station catholique Radio Reine. Selon lui, à la lecture du texte, «on sent tout de suite que c’est l’Etat gendarme, l’Etat policier qui parle en brandissant la chicote. Ce texte est très partial, il a été écrit avec préjugé».

Les promoteurs des quatre radios qui émettent déjà à Yaoundé et dans d’autres villes du pays ont un délai de trois mois pour se mettre en règle avec le nouveau décret. Les deux premières, Radio Télévision Lumière et Radio Reine, ont pour ambition d’émettre sur toute l’étendue du territoire.

Interrogations

D’aucuns s’interrogent également sur le rôle d’arbitre impartial du ministre chargé de la communication, par ailleurs président du conseil d’administration de la CRTV, seul habilité à délivrer des licences après avis motivé du conseil national de l’audiovisuel. Le journal La Nouvelle Expression, dans sa parution du 5 avril, note qu’après dix ans d’esquives inutiles, le gouvernement réussit l’exploit de produire un décret rendant le ministre de la Communication juge et partie: il pourrait suspendre ou même retirer définitivement la licence à son titulaire.

D’autres dispositions du décret sont également battues en brèche, notamment l’article 9 qui limite la durée de vie d’une licence à cinq ans pour la radio diffusion et à dix ans pour la télévision. Les promoteurs estiment que la licence devrait être délivrée une fois pour toutes. D’après eux, les pouvoirs publics voudraient sanctionner les organes de presse qui seraient taxés de «politiquement incorrects».

En ce qui concerne les conditions d’exploitation de la licence, il est précisé qu’«aucune personne physique ou morale ne peut être actionnaire dans plus d’une entreprise privée de communication audiovisuelle». Ce qui rappelle l’interdiction de mettre sur pied un groupe de presse écrite. Selon des explications concordantes, le gouvernement redouterait l’achat ou la création d’organes de presse par des lobbies qui pourraient se révéler “dangereux” pour la vie politique du Cameroun.

Par ailleurs le décret reste muet sur la redevance audiovisuelle. Celle-ci est prélevée à hauteur de 7,5% du salaire mensuel des 16.000 fonctionnaires que compte le Cameroun. Pour l’instant, ces retenues sont reversées à la Cameroon Radio and Television. Selon son directeur général Gervais Mendo Ze, celle-ci est déjà prête pour la concurrence, car sa chaîne emploie les meilleurs journalistes et techniciens.


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