ANB-BIA SUPPLEMENT

ISSUE/EDITION Nr 391 - 01/06/2000

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Congo RDC
Echos de Kisangani


VIE SOCIALE


Comme une épée de Damoclès, le danger permanent de confrontation entre Rwandais et Ougandais reste suspendu sur la tête des habitants. - Impressions et questions d’un correspondant. Ndlr - L’auteur écrivait depuis Kisangani fin avril-début mai. La description de l’atmosphère, juste avant les derniers affrontements entre Rwandais et Ougandais, rend le témoignage intéressant.

Depuis de longs mois, la ville de Kisangani est occupée par des rebelles congolaisn, opposés au pouvoir de Kinshasa. Mais la population se pose bien des questions. D’abord, pourquoi et pour qui ces rebelles cherchent-ils à prendre le pouvoir, alors qu’ils n’arrivent même pas à s’occuper du bien-être de la population? Ensuite, cette guerre qu’ils mènent, est-elle véritablement la leur ou plutôt celle de ceux qu’ils appellent leurs «alliés»?

On se souviendra que les rebelles, accompagnés de Rwandais, ont envahi Kisangani le 23 août 1999, mettant en déroute les forces gouvernementales. C’était à la grande surprise et à la déception de toute la population car, d’une part, les forces gouvernementales paraissaient suréquipées, et d’autre part on ne comprenait pas le bien-fondé de cette deuxième guerre, une année et demie après la première, dite aussi de libération. En moins de quinze jours, les rebelles, visiblement commandés par les forces rwandaises, ont procédé au changement de tous les responsables politico-administratifs de la province et de la ville, et les services générateurs de recettes devaient leur obéir au doigt et à l’oeil.

Quelque temps après, les “alliés” ougandais apparaissaient aussi, on ne sait trop pour quoi faire. Avec leurs propres engins de guerre et un équipement sophistiqué, ils s’installent à l’écart des Rwandais.

Ce qui frappe tout de suite, c’est que les rebelles, visiblement sur ordre des Rwandais, vident de son contenu toute la Banque centrale du Congo pour l’emporter à Goma et, pire encore, à Kigali. Toutes les recettes de l’Etat doivent maintenant être orientées vers l’effort de guerre, disaient-ils; il faut d’abord atteindre Mbuji-Mayi et même Kinshasa. Le bien-être de la population, on s’en préoccupera après.

Les Ougandais, eux, pas du tout pressés de faire avancer la guerre, semblent surtout s’intéresser au “business”: exploitation de l’or, du diamant et du bois, exportation du café et de l’huile de palme, bien entendu sans payer aucune taxe à l’Etat. Les Rwandais en font d’ailleurs autant, surtout avec de nombreuses compagnies d’aviation créées pour la circonstance.

Dissensions

Lorsque Wamba dia Wamba perd son fauteuil de président du RCD -Goma et crée une nouvelle aile de ce mouvement rebelle à Kisangani, où il élit domicile à l’usine textile, les Ougandais portent leur choix sur lui. Wamba a bonne presse auprès de la population naïve, qui croit à son discours de paix sans conditions. Tout cela au mécontentement des forces rwandaises, qui craignent de perdre leur leadership à Kisangani. Dès ce moment, la ville est assise sur une poudrière, prête à exploser. En fait, il y a eu déjà deux explosions. Et la troisième est en vue.

La première explosion se produit en mai 1999. Il a fallu juste une petite provocation des soldats ougandais par des soldats congolais pro-RCD-Goma, pour que tout éclate. Les soldats congolais, pris en sandwich devant l’hôtel Congo-Palace, furent l’objet d’un tir croisé durant plus de cinq heures. Bilan: dégâts matériels à l’hôtel et aux maisons environnantes, mais surtout une trentaine de morts. Quelques heures après, Wamba apparut en ville entouré de chars de combat. Il fut ovationné par une foule nombreuse au cours d’un grand meeting devant l’hôtel Wagenia, à la grande satisfaction de ses partisans.

La seconde explosion eut lieu du 17 au 19 août, en pleine période de la campagne anti-polio décrétée par l’ONU. Depuis plusieurs jours déjà, on sentait une certaine nervosité dans l’air. Alors que les Ougandais prenaient position dans différents coins de la ville, creusant des trous de fusiliers et faisant circuler des chars de combat, les Rwandais renforçaient leurs troupes en faisant venir des soldats burundais. Les soldats congolais, eux, se rangeaient derrière l’un ou l’autre camp, sans trop comprendre l’enjeu.

Déjà au soir du 16 août, des détonations d’armes lourdes se firent entendre du côté de l’aéroport. Puis, le dimanche 17, peu après midi, comme si un coup de sifflet avait été donné, on entend des coups de feu dans tous les coins de la ville. Tous les habitants sont restés où ils se trouvaient, sans bouger, car les balles sifflaient partout. Cela a continué toute la nuit et même la journée du lundi. Il a fallu que les autorités politiques et militaires des deux pays “alliés” (!), réunis d’urgence à Kigali, décident de mettre fin aux hostilités, dès 15h. le mardi 19 août. Bilan: plus de 500 morts, semble-t-il, de part et d’autre, militaires et civils, et des dégâts matériels importants. Conséquence: Wamba a dû quitter Kisangani, accompagné de son entourage.

Les craintes

Aujourd’hui, la crainte d’une troisième explosion plane dans l’air. Le prétexte semble toujours le même: le contrôle de la ville de Kisangani et le leadership politique. Selon certaines sources, les “alliés” auraient signé, àKabale en Ouganda, un accord selon lequel les Rwandais occuperaient les trois Kivu (Nord, Sud et Maniema) et les Ougandais la province orientale. Mais les Rwandais ne l’entendraient pas de cette oreille, estimant que ce sont eux qui ont «libéré» (!) Kisangani.

Par ailleurs, la commission militaire rwando-ougandaise, instituée immédiatement après la deuxième bataille de Kisangani, avait décidé que la ville resterait neutre sous le contrôle de la police militaire mixte rwando-ougandaise et des policiers congolais, tandis que les deux armées d’occupation camperaient hors de la ville: les Rwandais sur la route de Lubutu, les Ougandais sur celles de l’Ituri et de Buta. Ces décisions sont intervenues après avoir partagé le contrôle de deux aéroports: Simi-Simi pour les Rwandais, Bangboka pour les Ougandais.

Mais à peine ces décisions exécutées, on a vu réapparaître dans la ville des troupes rwandaises, vers la paroisse St. Gabriel. Aujourd’hui, ce sont les Ougandais qui semblent s’approcher, comme pour prendre la ville en étau. Un bataillon a quitté son campement de Bafwasende, un autre celui sur la route de Banalia pour envahir le camp de formation des policiers sur la même route. Quant aux soldats rwandais, ils auraient à nouveau renforcé leurs dispositifs par des soldats burundais.

Les Ougandais ont constitué une barrière au pont Tshopo. Récemment, une équipe de policiersa dû rebrousser chemin à la hauteur du pont sur ordre des Ougandais. Quelques jours plus tard, il s’en est fallu de peu qu’un incident se produise entre Ougandais et Rwandais, quand ces derniers voulaient traverser le pont. Le pire a été évité de justesse, les Rwandais étant peu nombreux.

Dernièrement, on a vu des officiers ougandais sillonnant la ville à pied et inspectant les lieux. Cela a fait penser aux préparatifs d’une autre guerre. En tous cas, il y a beaucoup de signes avant-coureurs d’une troisième explosion à Kisangani.

Une situation insupportable

Tous les Congolais épris de bon sens sont bouleversés par ce qui leur arrive depuis bientôt deux ans. D’abord, deux pays voisins, membres de l’ONU et de l’OUA au même titre que le Congo, se permettent de pénétrer sur le territoire congolais jusqu’à près de 2.000 km, sous le nez de ces organisations internationales, sous prétexte de leur droit de poursuite des FAR et des Interahamwe. Des ennemis fictifs, qu’ils continueraient à poursuivre depuis 6 ans, mais que les Congolais ne voient nulle part sur leur territoire.

Ensuite, des Congolais, tant civils que militaires, acceptent de faire cuisine commune avec des étrangers agresseurs, destructeurs et pillards. De véritables “collabos”! Voilà où l’insouciance et l’inconscience ont mené les Congolais. Les soldats étrangers s’en rendent bien compte. Combien de fois ne les entend-on pas déclarer: «Vous Congolais, vous êtes des idiots, vous avez vendu votre pays». D’ailleurs, on voit clairement que ce sont les étrangers qui commandent les Congolais, aussi bien sur le plan politique que militaire. Au point de faire croire que ce sont les Congolais qui sont “alliés” aux Rwandais et Ougandais, et non le contraire.

Les Congolais seraient-ils devenus brusquement des sous-fifres, des vauriens, en si peu de temps, alors qu’ils étaient si fiers de leur pays? Si le Congolais n’arrive pas à se ressaisir après la honte nationale dont il est couvert en ce moment, par sa propre faute d’ailleurs, s’il ne parvient pas à distinguer le bien du mal, la justice de l’injustice, le vrai du faux, dans l’intérêt de son pays, il sera recolonisé dans un bref délai et pour de bon.

Nous venons d’apprendre qu’un nouvel accord de cessez-le-feu a été signé et que les “alliés” ont décidé de retirer leurs troupes de la RDC d’ici trois mois. Qu’il en soit ainsi. Et que jamais plus le Congolais ne laisse occuper et exploiter son territoire national par des étrangers avec sa propre complicité. Et surtout, que cette épine dans les pieds de la population de Kisangani, qu’est la présence des forces militaires rwandaises et ougandaises, soit extirpée le plus tôt possible!


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