ANB-BIA SUPPLEMENT

ISSUE/EDITION Nr 391 - 01/06/2000

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République centrafricaine
Plaque tournante de la mafia


CORRUPTION


La mafia, dit-on, est un groupe secret servant des intérêts privés par des moyens illicites.
Depuis 1993, la République centrafricaine est dirigée par des personnalités
qui utilisent tous les moyens illicites pour satisfaire des intérêts égoïstes.

Avant d’accéder à la magistrature suprême, le président Patassé avait acquis chez William Sofin, le 23 novembre 1984, au nom de la République centrafricaine, la somme de 23.062.400 dollars US et il s’était engagé à rembourser cette valeur à son créancier avec des intérêts de 2%. Une année après son élection à la présidence, soit dix ans après la signature de cette clause, les avocats de M. William Sofin l’ont sommé d’honorer cet engagement financier.

De même, les enquêtes menées par Interpol, la police judiciaire de Bordeaux et l’office central de répression de la grande délinquance financière, dans l’affaire Didier Seguin, le comptable du Crédit Mutuel du Sud-Ouest, ont établi que Ange Félix Patassé a reçu une somme de 1,7 million de FF sur des comptes en Suisse intitulés “Acte de candidature” et “Collecte des Centrafricains”.

Le président Patassé ne s’est pas arrêté là. Entre 1995 et 1996, M. Michel Bangué-Tandé, ancien trésorier payeur général, et M. Elie Chouaib, le cadet du propriétaire d’une clinique médicale, ont réussi à faire venir sur sa demande des faussaires italiens. A leur arrivée à Bangui, les autorités ont décidé de mettre ces malfrats à l’abri des indiscrétions dans le parc d’Avakaba, au nord du pays. Là-bas, ceux-ci devaient battre monnaie pour les enrichir et leur permettre d’éponger les arriérés de salaires, pensions et bourses, gagnant ainsi la confiance du peuple. L’avion de six places affrété pour cette mission a connu une défaillance technique en cours de route. Il n’y eut pas de survivants. Depuis cette date, un mystère opaque entoure la disparition de ces Italiens et de M. Chouaib.

L’affaire Zongo-oil

Le premier trimestre de l’an 2000 est marqué par les affaires Zongo-oil et Centrafrican Air Lines.

En RCA, l’importation et la distribution des hydrocarbures sont confiées à la Centrafricaine du pétrole (PETROCA ) qui en a l’exclusivité. Cette société est en cours de privatisation. A la surprise de certains compatriotes, une autre entreprise, dénommée Zongo-oil, a été créée par Sany Yalo avec la bénédiction du directeur général de la PETROCA ,M. Dogonendji Bhé, député du MLPC (Mouvement de libération du peuple centrafricain), et l’ancien directeur du cabinet du chef de l’Etat, Beti Marace, pour commercialiser le pétrole, le gasoil et l’essence en République centrafricaine et en République démocratique du Congo. Ceci se passa lors de la prise de la ville de Zongo, sur l’autre rive du fleuve Oubangui, par les rebelles du Mouvement de libération du Congo de Jean-Pierre Bemba. Cette transaction frauduleuse a commencé en juin 1999 et ce n’est qu’à partir d’octobre 1999 que certains acteurs politiques s’en sont rendus compte.

La société Zongo-oil a bénéficié d’une autorisation signée par le directeur général de la PETROCA et par l’ancien directeur des douanes, Paul Zaca. Elle utilise la logistique et les stations services de la PETROCA  pour distribuer ses produits. Bien qu’étant dans l’illégalité, cette société s’est présentée aux autorités militaires et douanières comme sous-traitant de la PETROCA . Cette escroquerie a coûté entre 4 à 6 milliards de FCFA de manque à gagner pour l’Etat.

L’enquête judiciaire ouverte sur cette affaire n’est axée que sur les cadres de la PETROCA qui n’ont fait qu’exécuter les ordres du directeur général et de M. Sany Yalo. Les hommes du pouvoir qui y sont impliqués n’ont pas encore été entendus.

Centrafrican Air Lines

L’affaire Centrafrican Air Lines concerne une compagnie privée de transport aérien qui a bénéficié des autorisations pour 3 avions: un Tupolev 154, et deux Antonov 32. La compagnie est gérée par des Ukrainiens et a son siège social à Dubai (Emirats arabes unis). Curieusement, lorsque le président Patassé s’est rendu à Libreville pour le sommet des chefs d’Etat sur la pauvreté, il a appris de son homologue El Hadj Omar Bongo que la délégation gambienne était arrivée par un avion portant les armoiries de son pays. De retour à Bangui, M. Patassé a demandé des éclaircissements à son conseiller M. Michel Bangué-Tandé, qui lui a précisé par écrit que cet avion avait été préparé pour son voyage mais, puisqu’il avait décliné l’offre, les responsables de Centrafrican Air Lines l’avaient ramené au siège sans enlever les couleurs centrafricaines. Cette affaire a poussé le président Patassé à inviter la justice à ouvrir une enquête.

Au cours de la première audience de la cour criminelle de Bangui, le 21 février, l’ancien ministre des Transports et de l’Aviation civile, M. André Gombako, a affirmé que le dossier de cette société était passé à la présidence de la République qui l’a introduit au ministère des Transports pour la demande d’autorisation d’exploitation. En remettant les autorisations des trois avions sur les dix-huit déclarés, il a demandé aux représentants de Centrafrican Air Lines de produire les factures de l’ensemble des avions afin que les redevances correspondent à 10% de la valeur des aéronefs. Jusqu’à son limogeage, ses redevances n’étaient pas payées.

M. Michel Bangué-Tandé a reconnu avoir négocié cette affaire avec la direction générale de la société, excluant le ministère des Transports et de l’Aviation civile. En clair, le conseiller du président, le ministre entrant M. Timothée Anguéné, le directeur de l’Aviation civile M. Fulbert Armand Doungovo, et l’inspecteur central de l’Aviation civile M. Maxime Zounimbiat, tous connaissent les dessous de l’affaire.

A l’issue de la seconde audience, la cour criminelle a rendu un jugement par défaut à l’égard de M. Victor But, relaxé le prévenu Samba Mayovodé pour défaut de preuve, déclaré Fulbert Armand Doungovo et Maxime Zounimbiat coupables de faux et usages de faux, Vadime Broukine et Victor But coupables du délit d’usage de faux, et condamné ces personnes à des peines de prison allant de 6 mois à 2 ans et des amendes allant de 1 à 5 millions. Elle lance aussi un mandat d’arrêt international contre Victor But, président directeur général de Centrafrican Air Lines, ordonne l’annulation de tous les certificats d’immatriculation de navigabilité détenus par les prévenus et condamne la compagnie à verser au ministère des Transports et de l’Aviation civile cent millions de FCFA à titre de dommages et intérêts. Le procureur qui a estimé que les sanctions infligées ne sont pas proportionnelles aux graves fautes commises, a interjeté appel.

D’autre part, selon des sources proches de la présidence, M. Timothée Anguéné, disciple du président Patassé, a empoché 4,5 millions de FCFA, représentant une partie des redevances versées par la société. De même, le gouvernement doit 130 millions de FCFA au titre des frais de voyages du chef de l’Etat. Selon les mêmes sources, un chèque d’une valeur de 130 millions a effectivement été tiré pour le paiement de cette facture, mais il aurait pris une autre destination.

Un étrange transfert

Récemment, la direction nationale de la Banque des Etats de l’Afrique centrale (BEAC ) dont le directeur est un proche du président Patassé, a ordonné nuitamment le transfert de 325 milliards de FCFA de l’extérieur en RCA. La maladresse des agents réquisitionnés et le montant du transfert ont poussé le siège de la BEAC à Yaoundé à tout bloquer pour des éclaircissements. Une mission de cette institution financière sous-régionale est arrivée à Bangui pour une enquête.

Le directeur national de la BEAC , M. Jonas Yologaza, a seulement précisé que c’est une affaire politique. Le ministre des Finances et du Budget, M. Théodore Dabanga, interpellé à ce sujet par les députés, a soutenu que c’est un problème grave qui souille la crédibilité de notre pays. Selon des sources proches de la direction nationale de la BEAC , les 325 milliards de FCFA devaient transiter par leur institution, puis par une banque primaire, pour être blanchis. Le gouvernement centrafricain devait bénéficier d’une commission qui s’élève à 75 milliards de FCFA.

Déjà au cours des discours-programme du Premier ministre en décembre 1999, en réponse aux préoccupations des députés concernant l’apurement des arriérés de salaires, pensions et bourses, le ministre de l’Economie et du Plan avait fait savoir que le gouvernement épongerait tous ces arriérés au premier trimestre de l’an 2000. Les Centrafricains n’avaient pas été convaincus par ces propos, car le niveau des recettes de l’Etat ne permet pas de réunir en trois mois plus de 40 milliards de FCFA. Avec le transfert de cet important magot, l’opinion nationale a compris que le pouvoir a misé sur l’argent sale pour honorer ses engagements.

Sous le président Patassé, la RCA est devenue une plaque tournante de la mafia. Le café, le bois et le diamant sont les filières par excellence du blanchiment d’argent sale. M. Patassé a créé plusieurs entreprises en violation de la Constitution du 14 janvier 1995. Il est aussi actionnaire dans plusieurs entreprises créées par des Russes, des Canadiens, des Italiens, des Libanais, des Yéménites et d’autres. Les relations du pouvoir avec des milieux peu recommandables ne sont pas de nature à inciter les institutions financières internationales à assister la RCA dans ses projets de développement.

 © Franky Sarawa, Centrafrique, avril 2000 — © Reproduction autorisée en citant la source


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