ANB-BIA SUPPLEMENT

ISSUE/EDITION Nr 391 - 01/06/2000

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Malawi
Le gâchis du système éducatif


EDUCATION


Chaotique! Désastreux! Corrompu! Décevant! C’est triste!
Voilà une liste d’exclamations pour dépeindre le système d’éducation de nos jours au Malawi

C’est un fait, au Malawi, le système éducatif actuel est un gâchis. Quelle direction va-t-il prendre? Personne ne le sait. Mavuto Matuta, un jeune de 19 ans de Lilongwe, nous disait: «L’enseignement est devenu pauvre. Il n’y a plus d’espoir d’être bien formé dans notre pays». L’enseignement est divisé en trois parties: le primaire (8 années), le secondaire (4 années) et le supérieur. Après le secondaire, on peut aller à l’université ou à d’autres instituts pour des cours spécialisés (l’enseignement supérieur). Ca, c’est la théorie. Mais qu’en est-il réellement?

Changements

L’enseignement a subi d’énormes changements, au gré des personnes au gouvernement. Sous la colonisation, il y a eu le système anglais. Après l’indépendance, en juillet 1964, le pays a développé son propre système d’éducation, visant surtout la formation de fonctionnaires et d’autres employés du gouvernement. Il voulait surtout développer les emplois de “cols blancs”, pour qu’ils puissent prendre la relève des anciens maîtres coloniaux. L’anglais reste la langue officielle pour les affaires et le chichewa devient la langue nationale officielle.

En 1994, le gouvernement de l’Union du front démocratique (UDF) introduit l’enseignement primaire gratuit. Bien que gratuit, il n’en est pas pour autant obligatoire, aucun mécanisme n’obligeant les parents à envoyer leurs enfants à l’école.

Mavuto ajoute: «Comment pouvez-vous attendre une bonne formation si l’enseignement de base est faible?». Il fait ainsi allusion aux critères d’enseignement dans les écoles primaires et secondaires. Actuellement, de la première à la quatrième des primaires, la plupart des cours sont donnés en chichewa, et, à partir de la cinquième, en anglais. Cela cause de gros problèmes aux enfants, qui doivent étudier dans une langue qui n’est pas la leur.

L’enseignement secondaire a subi lui aussi pas mal de changements. Pour cocher les bonnes réponses, les étudiants comptent aujourd’hui plus sur les esprits de leurs ancêtres que sur leur intelligence. Voilà où en est le système éducatif qui doit préparer les nouveaux candidats pour l’université du Malawi!

Et que dire de l’enseignement supérieur? Le niveau de formation étant trop bas au primaire et au secondaire, l’université a dû imposer des examens d’admission. Le Certificat d’études du Malawi (MSCE ) ne garantit plus ipso facto l’admission à l’université comme autrefois. De nos jours, vous pouvez avoir le certificat d’études, mais rater l’examen d’admission.

Une litanie de problèmes

Des enseignants non qualifiés, peu de motivation pour l’éducation, l’indiscipline dans les écoles, des classes surpeuplées, des conditions d’études peu appropriées, le manque d’enseignants, un financement insuffisant du secteur éducatif, le manque de contrôle, les délais dans la publication du calendrier scolaire... La liste n’en finit pas.

Le 30 décembre 1999, le ministre de l’Enseignement, le Dr Ken Lipenga, cité par le journal Nation, disait: «Dans la plupart des écoles, le cadre éducatif est inapproprié. Nous n’avons pas assez de locaux convenables, pas de laboratoires ni de bibliothèques, pas de logements pour les enseignants... tout cela explique les mauvais résultats». Dans une lettre adressée au Malawi News et publiée dans son numéro du 18 décembre 1999, des étudiants de polytechnique se plaignaient de la bibliothèque du collège. «Les collections deviennent de plus en plus pauvres et n’ont plus leur place dans un collège, Elles sont dépassées depuis longtemps. Les seuls livres encore utiles sont rangés sur un rayon nommé “rayon des prêts à court terme”, où 300 étudiants se disputent le même livre. Il n’y a pas de professeurs pour certains cours. Quant aux repas, n’en parlons pas, ils sont insuffisants en quantité et en qualité».

Parlant de l’enseignement primaire gratuit, Rodgers Newa, directeur exécutif du Centre pour la jeunesse et l’enfance, disait: «Le statut actuel de l’éducation est bien accueilli, surtout l’enseignement primaire gratuit (EPG ), mais le programme ne prépare pas les enfants aux aspects techniques». L’introduction de l’EPG a nécessité des programmes urgents pour la formation d’instituteurs; on en a recruté qui n’avaient même pas le certificat d’études. Ils sont devenus instituteurs après trois semaines de cours, alors qu’un programme d’école normale dure deux ans. Ce programme d’urgence n’a donné que des enseignants médiocres. D’où la chute du niveau de l’enseignement.

Qui faut-il blâmer?

Comme le disait un enseignant, chacun doit prendre sa part des fautes: les enseignants, les étudiants, les parents, le ministère de l’Enseignement et le Conseil national des examens. Rodgers Newa constatait: «On a l’impression que le gouvernement ne veut améliorer le système éducatif qu’en paroles. Prenez l’université du Malawi. A maintes reprises elle a dû fermer ses portes par manque de ressources». Avoir été admis à l’université ne signifie pas qu’on y entre immédiatement: y trouver une place peut prendre une année. Des cours qui normalement durent trois ans, peuvent prendre plus de temps, non pas parce que l’étudiant a échoué, mais parce qu’entre-temps l’université a dû fermer ses portes.

Le gouvernement a formulé une politique de l’enseignement àla hâte, sans consultations préalables. Lors de sa campagne électorale, l’UDF avait promis 250 nouvelles écoles secondaires; mais tout ce qu’il a fait jusqu’ici est de convertir 250 internats en écoles secondaires d’externat. Rien n’a changé, sinon le nom. Cette infrastructure englobe aussi l’enseignement primaire. Ainsi le même bâtiment sert le matin à l’enseignement primaire et l’après-midi à l’enseignement secondaire.

D’autres rejettent la responsabilité sur les écoles privées qui jaillissent comme des champignons. L’enseignement est un produit qui se vend bien, et non plus un lieu de formation. Même celui qui n’a jamais été à l’école peut devenir propriétaire d’une école privée. Ces écoles, qu’on retrouve même dans des bars désaffectés, n’ont plus rien de commun avec l’éducation. Tout ce qu’on cherche, c’est d’en retirer le plus de profits possibles. Beaucoup font payer jusqu’à $150 par trimestre et par élève. Le ministère de l’Enseignement n’a pas assez de moyens juridiques pour contrôler ces écoles. «Il nous faut des lois appropriées, de sorte que le gouvernement puisse contrôler ce qui se passe dans ces écoles privées», dit le Dr Ken Lipenga. Pour l’instant, le ministre peut seulement délivrer des licences à ces écoles, mais il n’existe pas de critères pour le faire.

Changements proposés

Au début de cette année, le président Muluzi a promis une commission d’enquête sur le désastre aux examens du certificat d’études MSCE en 1999, où 87% des candidats avaient échoué. Selon le Nation, cette commission devra déterminer où se situent les vrais problèmes. «D’où viennent-ils: des parents, des élèves, des enseignants, des examens ou du programme d’enseignement?», a demandé Muluzi. Notre ami Mavuto Matuta n’est pas convaincu. Pour lui, «la commission présidentielle d’enquête n’aboutira à rien. Ses membres sont corrompus. Il faut prévenir la corruption. Il y a tellement de tricheries!». Mais pour Rodgers Newa, la commission présidentielle est la bienvenue: «C’est une mesure positive. L’éducation au Malawi est un désastre, il y a trop d’échecs à tous les niveaux». Il propose que la commission ne se limite pas seulement aux examens du MSCE, mais se penche aussi sur tout le système de l’enseignement.

Des suggestions ont été faites pour l’avenir de l’enseignement au Malawi. Des donateurs ont fait plusieurs remarques, entre autres, que le ministère de l’Enseignement devrait assurer une bonne information à la jeunesse sur tout ce qui concerne le SIDA ; qu’il devrait aussi évaluer les besoins de travail dans le pays et adapter l’enseignement pour y répondre. De plus, le niveau de l’enseignement supérieur doit être amélioré.

D’autres secteurs doivent être abordés: une stratégie d’éducation globale; la formation des enseignants et les équipements des écoles techniques; une plus grande responsabilité; la publication aussi rapide que possible des résultats d’examen.... En 1999, la correction des examens du MSCE a été faite en septembre; mais les résultats, aussitôt envoyés au ministère de l’Enseignement, n’ont été publiés qu’en décembre....

Il est temps que le Malawi se sorte du fouillis dans lequel il s’est fourré. Nous avons besoin de dirigeants sérieux qui prennent à coeur l’éducation dans le pays. Le président Muluzi avait conseillé à la population de se lancer dans les affaires, mais sans éducation de qualité les affaires ne peuvent marcher. Ce que les Malawites demandent, c’est une meilleure éducation qui leur permette d’affronter leurs besoins actuels.

© Patrick Mawaya, Malawi, avril 2000 — © Reproduction autorisée en citant la source

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