ANB-BIA SUPPLEMENT

ISSUE/EDITION Nr 392 - 15/06/2000

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 Namibie
“Une Namibie, une nation”

PERSONNALITES


Kosie Pretorius, un homme politique namibien controversé, ne croit pas dans la politique gouvernementale de “Une Namibie, une nation” — formule de soutien de l’unité et de la paix

Kosie Pretorius, chef du parti d’opposition Monitor Action Group (MAG ), a été réélu au Parlement lors des élections de décembre 1999. Se basant sur leur expérience, les Namibiens s’attendent à de nombreuses étincelles de la part de ce “cavalier seul”, qui a apporté aux débats une contribution importante, dépassant de beaucoup l’importance de son parti.

Pretorius est à la tête du plus petit des partis. En fait, beaucoup de Namibiens plaisantent à ce sujet, disant que «c’est le parti d’un seul homme avec Pretorius comme président et comme membre». Pourtant, depuis l’indépendance (21 mars 1990), Pretorius a pu représenter son parti au Parlement pendant les deux derniers termes de cinq ans, et il va reprendre un troisième mandat de cinq ans. Et cela, malgré ses déclarations controversées, pas toujours bien acceptées par les gens au pouvoir.

Il s’en est pris, par exemple, au slogan du gouvernement “Une Namibie, une nation”, disant que son slogan: “Une Namibie, de nombreuses nations” peut assurer une paix permanente au pays. Pretorius suggère en effet un système fédéral de gouvernement. Dans certains pays africains, il pourrait être accusé de semer la désunion, délit qui n’est pas loin d’être considéré comme une trahison. En Namibie, le pire qui aurait pu lui arriver c’est d’être victime d’un ostracisme politique qui pourrait conduire son parti à mourir de sa belle mort, à supposer qu’il puisse survivre aux tentatives de lui enlever son enregistrement.

On peut se demander comment ce Namibien blanc a réussi l’exploit de se faire réélire au Parlement dans un pays où le souvenir de l’apartheid et des souffrances causées par les Blancs minoritaires est encore vif, et où la majorité de la population noire ne songerait normalement pas à être de nouveau dirigée, voire représentée, par des Blancs.

Les petits partis politiques

La réponse se trouve dans l’organisation politique de la Namibie. Contrairement à certains pays où le parti au pouvoir laisse les petits partis d’opposition s’éteindre, en Namibie ceux-ci sont encouragés, voire aidés à se maintenir à flot. C’est ce qui est arrivé au parti MAG de Pretorius. Aux élections de l’année passée, le nouveau Congrès des démocrates (COD ), dirigé par Ben Ulenga, ancien Haut Commissaire de la Namibie en Grande-Bretagne, est arrivé à égalité avec l’Alliance démocratique Turnhalle (DTA ) de l’opposition — chaque parti ayant obtenu sept sièges. Mais le COD, ayant obtenu plus de voix — 53.000 contre 50.000 pour la DTA —, fut désigné comme principal parti d’opposition au Parlement.

Qu’advint-il alors? La SWAPO , Organisation du peuple du Sud-Ouest africain, au pouvoir, décida de “donner” les 3.000 votes “supplémentaires” du COD à Pretorius pour lui permettre de siéger au Parlement. Ce geste a soulevé la question de savoir quel parti deviendrait l’opposition officielle au Parlement; et le président du Parlement, Mose Tjitendero, a déclaré qu’il pourrait ne pas y avoir d’opposition officielle au Parlement actuellement.

C’est évidemment une bonne nouvelle pour Pretorius. Les autres députés l’aiment bien parce que, comme le disait un parlementaire SWAPO : «Il baigne dans la controverse, et c’est bon pour notre démocratie». Il aurait déclaré, par exemple, que la fusillade à Katima Mulilo, dans la bande de Caprivi, à la frontière avec la Zambie, entre les forces gouvernementales et les prétendus rebelles de l’Armée de libération de Caprivi (août 1999), était une «preuve évidente que, finalement, tout ne va pas si bien que ça» — malgré l’avis général que la Namibie est un des pays les plus stables d’Afrique. En cette occasion, Pretorius a fait remarquer que de tels incidents vont probablement se répéter, si on n’arrive pas à une forme de gouvernement fédéral, comme le demandent certains groupes.

On doit noter cependant que, dans la Namibie d’après l’indépendance, le gouvernement SWAPO a essayé de réaliser une politique de décentralisation, en vertu de laquelle les autorités locales des 13 régions politiques du pays devront gérer leurs propres affaires. Mais, pour Pretorius, le gouvernement SWAPO en retarde la réalisation et, ce qui est plus important, retarde la délégation de pouvoirs, ce qui aggrave l’agitation dans certaines régions.

“Intérêts des groupes”

Pretorius se fait aussi l’avocat des “intérêts des groupes”. Il affirme: «Si la ségrégation forcée (l’apartheid) était un mal, l’intégration forcée en est un aussi». Cependant, contrairement à ce qui se passait pour l’apartheid d’avant l’indépendance,  la ségrégation volontaire de Pretorius permettrait à certains groupes ethniques de se gouverner eux-mêmes. Pour lui, l’unité dans la diversité signifie, par exemple, que les Afrikaners aient des écoles où les cours seraient donnés en afrikaans. Ces écoles auraient leur propre programme et pourraient promouvoir leur propre culture. Cela est en contraste avec les écoles officielles d’aujourd’hui qui, accuse Pretorius, appliquent des programmes centralisés et laissent peu de place pour l’épanouissement de “groupes d’intérêts”. Il poursuit: «Sur ce problème, je suis beaucoup plus en accord avec la pensée internationale qu’avec celle de notre gouvernement, bien que cela soit considéré par certains comme de l’apartheid. Beaucoup de guerres dans le monde — Timor Est et Kosovo, entre autres — sont le résultat de la suppression des droits de groupes ou d’ethnies. L’assimilation est une garantie de conflits».

Pretorius n’a pas peur de frapper fort. Il cite l’exemple de ce qui est arrivé dans des pays plus proches — Angola, Congo RDC . Ces pays et d’autres ont tous connu des conflits internes; d’une façon ou l’autre, l’appartenance ethnique y jouait un rôle. «La même chose peut se produire en Namibie si on ne s’occupe pas sérieusement des intérêts des groupes». Mais pourra-t-on convaincre la SWAPO de suivre le conseil de Pretorius? Jusqu’ici il n’y a qu’un silence assourdissant

 


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