ANB-BIA SUPPLEMENT

ISSUE/EDITION Nr 392 - 15/06/2000

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Swaziland
le calme avant la tempête

DEMOCRATIE


L’ADS a prévenu que le calme apparent de ces trois dernières années
n’est que le calme proverbial avant la tempête

S’adressant à une foule nombreuse à la veille du 1er mai, à Mhlume, les dirigeants de l’Alliance démocratique du Swaziland (ADS ) ont clairement dit qu’ils allaient redoubler leurs efforts pour rendre la vie insupportable au régime Tinkhundla (1), jusqu’à ce que le pouvoir accepte enfin de revenir à une démocratie multipartite.

L’ADS regroupe les critiques les plus bruyants du Tinkhundla, que le roi Sobhuza II a institué en octobre 1978 pour établir un semblant de système parlementaire, plus de sept ans après avoir abrogé la Constitution initiale de style Westminster. Quelques-uns des membres les plus éminents de l’ADS sont: le SFTU (Fédération des syndicats du Swaziland), la PUDEMO (Union populaire du mouvement démocratique), le Congrès de la jeunesse du Swaziland, l’Institut pour la démocratie, le NNLC  (Congrès national pour la liberté ngwane) et l’Association des droits de l’homme du Swaziland. Certains d’entre eux, si pas tous, ont soutenu la cause de la démocratie multipartite, défiant ouvertement l’état d’urgence qui interdit toute activité politique depuis le 12 avril 1973, quand le roi Sobhuza abrogea la Constitution et s’arrogea tous les pouvoirs législatifs et judiciaires.

Bien que soi-disant libres de traiter de problèmes politiques sur des plates-formes définies par la monarchie, les membres de l’ADS se plaignent de ne pas avoir accès aux médias, y compris le journal privé Times of Swaziland. A l’exemple des mouvements de libération sous le régime d’apartheid en Afrique du Sud, ils se servent d’enterrements pour faire passer leurs messages à la population. Ainsi, lors de l’enterrement d’un des fils du vice-président du NNLC, Barnabas Mhlongo, les activistes politiques ont transformé l’enterrement en rallye politique. La même chose se fit à l’enterrement du fils du président du PUDEMO, Mario Masuku.

Frustrations

Sur cette toile de fond, l’ADS s’est servi des célébrations du 1er mai pour exprimer ses frustrations à l’égard du régime Tinkhundla. A Mhulume, dans la région sucrière au nord-est, ces célébrations ont été marquées par des propos violents concernant la politique de libération. Les orateurs ont dénoncé encore une fois la proscription actuelle de toute activité politique, ainsi que la brutalité et le harcèlement de la police. «Ne pouvant pas tenir librement des réunions politiques, sans être harcelés et brutalisés impunément par la police, ces réunions des ouvriers nous fournissent une alternative. Ce sont nos seules plates-formes libres pour expliquer notre message à la population. Nous sommes très reconnaissants aux ouvriers de nous offrir cette occasion d’expliquer aux gens ce que nos organisations politiques ont en vue», explique Patrick Shongwe du NNLC .

La police était bien présente, mais les orateurs se sont suivis l’un après l’autre pour déverser une avalanche de critiques au système impopulaire du Tinkhundla. Et, comme dans tout rallye politique, les discours fougueux ont été ponctués par des slogans chantés par les chefs progressistes, le service d’ordre et les ouvriers.

Traditionnellement, les rassemblements du 1er mai se concentrent sur les multiples problèmes que rencontrent les ouvriers. Le secrétaire général du SFTU , Jan Sithole a excité la foule en disant que les malheurs des ouvriers (pertes d’emploi, effets de la privatisation) sont inséparables de la politique. Il a porté l’exemple du décret de loi des relations industrielles de 1998, et l’impuissance du Conseil national traditionnel qui assiste le roi Mswati III. «Camarades, vous savez que le décret de loi des relations industrielles a été passé aux deux chambres du Parlement, mais le Conseil national traditionnel a émasculé cette loi en introduisant des nouvelles modalités qui avaient été refusées par les ouvriers et les patrons. Parmi celles-ci, il y en avait une qui prévoit la création de conseils d’ouvriers. Nous n’en voulons pas de ces conseils de marionnettes!». Sithole mit en garde les ouvriers contre la privatisation et les sous-traitances, qui les appauvriront. «Avant que ne commence la privatisation par le gouvernement et la sous-traitance par les patrons, nous voulons qu’ils nous ouvrent tous leurs livres, pour que nous sachions si le projet est viable ou non».

Sithole a aussi dit aux ouvriers qu’ils avaient un grand besoin du support inflexible d’autres groupes progressistes pour se libérer de l’oppression du gouvernement, qui a apparemment accepté l’esclavage des ouvriers. La SFTU, la NNLC et la PUDEMO , unis sous les auspices de l’ADS, intensifieront la lutte pour la démocratie à partir de l’étranger. «Puisqu’on nous interdit l’accès au ‘The Times of Swaziland’, à la télévision et à la radio, nous transporterons notre lutte de libération dans l’arène internationale. Nous demanderons à l’Organisation internationale du travail et à d’autres organisations mondiales d’imposer des sanctions au Swaziland».

Déraciner les maux

Patrick Shongwe, président de la branche Mhlume du NNLC , a donné le ton politique de la réunion, en faisant appel à des efforts concertés pour déraciner les maux socio-économiques et politiques perpétués par le régime au pouvoir. Il a demandé aux ouvriers de se rappeler que, dans les années 1960, sans la solidarité et le support des partis politiques, le Swaziland n’aurait pas obtenu son indépendance de la Grande-Bretagne. «Notre solidarité date de 1963, lorsque les grèves organisées dans tout le pays forcèrent l’administration coloniale britannique à engager des négociations sérieuses pour des réformes politiques, a dit Shongwe. Qu‘est-ce qui peut nous arrêter maintenant pour libérer notre peuple opprimé du joug du système actuel?».

Dans un discours émouvant, Mario Masuku, le président du PUDEMO , attaqua violemment le gouvernement Tinkhundla qui a réduit massivement les investissements de l’étranger. Comment un gouvernement peut-il chercher à plaire aux investisseurs étrangers, demanda-t-il, quand l’environnement politique ne les y aide pas. Les investisseurs étrangers, a-t-il dit, continueront d’ignorer le Swaziland tant qu’il y aura des ingérences politiques continuelles dans le domaine du travail. «Aucun investisseur prudent ne se hasardera à investir dans un pays où il n’y a pas des directives claires pour résoudre les questions sociales. Les investisseurs harcelés quittent le pays, causant ainsi des licenciements massifs. Ce que les investisseurs potentiels craignent surtout, c’est la confusion et l’incertitude du climat social».

Quant à la révision en cours de la Constitution, Masuku l’a complètement rejetée. Il dit qu’à maintes reprises, le PUDEMO avait vainement essayé d’obtenir une audience auprès du roi Mswati pour discuter du progrès et de l’avancement du pays.  «Mais un jour nous le rencontrerons. Nous savons que la Commission de la révision constitutionnelle ne sert à rien. Les Swazis n’en accepteront jamais les conclusions».

L’ancien Premier ministre et président du NNLC et de l’ADS, Obed Diamini, fit l’éloge du SFTU pour ses positions prises dans le soutien de la démocratie. Il accusa les autorités de vouloir détourner la révision de la Constitution, qu’il avait lui-même commencée avec le précédent représentant du PNUD , Gary Davies. Il se demanda comment, à son âge, le roi ne s’était pas encore rendu compte que cette révision constitutionnelle n’était qu’une farce.

De plus en plus il apparaît que le mouvement démocratique du Swaziland s’est engagé dans un exercice du genre Sisyphe. Mais l’ADS croit fermement qu’il pourra atteindre son but en opérant de l’extérieur du pays. Il reste à voir si cette stratégie portera des fruits.


(1) Ndlr.: Le système de gouvernement du Swaziland, connu sous le nom de Tinkhundla, est un mélange de styles occidental et traditionnel, où le roi avec son conseil a un pouvoir prépondérant. Le système comprend un gouvernement nommé par le roi, et deux chambres: le Sénat avec 30 membres, dont 20 sont nommés par le roi et 10 élus; et l’Assemblée nationale, où 10 membres sont nommés par le roi et 55 élus.


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