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Congo-Brazza |
Les milices privées suscitent toujours inquiétude et angoisse.
Mais des
efforts sont faits pour les intégrer dans la vie civile.
Le phénomène des milices privées en République du Congo est déjà ancien. C’est en décembre 1968 que la toute première Jeunesse du mouvement national de la révolution, proche du parti unique au pouvoir, a pris corps. En 1991, après la Conférence nationale souveraine, plusieurs partis politiques ont vu le jour, et chacun a voulu disposer d’une milice privée. Objectif avancé: garder et assurer la sécurité des membres du parti promus à des postes de responsabilité. Ainsi, on vit apparaître les Cobras (milice de Sassou Nguesso), les Ninjas (de Bernard Kolélas), les Cocoyes et les Zoulous (de Pascal Lissouba), les Faucons (de Jacques-Joachim Yhombi Opango), les Requins (de Jean-Pierre Tchicaya), etc. Une floraison de milices privées aux conséquences néfastes.
En témoignent les guerres civiles de 1993-94, qui ont opposé Ninjas et Cocoyes. Bilan: 3.000 morts. Le processus de réconciliation entamé par les parlementaires n’a pas donné beaucoup de résultats: le 5 juin 1997, les forces gouvernementales de Pascal Lissouba déclenchent les hostilités contre les Cobras de Sassou Nguesso. Bilan: 10.000 morts. La paix, une denrée devenue rare au Congo, est de nouveau remise en cause en 1998-99: les quartiers sud de Brazzaville sont embrasés, la violence gagne du terrain, des affrontements meurtriers sont signalés entre les Ninjas, les Ntsiloulous du pasteur Ntoumi, et les Forces armées congolaises (FAC). Encore des milliers de morts...
Dans son rapport sur les violations massives des droits de l’enfant au Congo-Brazza depuis la guerre de juin 1997, publié le 17 septembre 1999, le Centre congolais pour la promotion et la défense des droits de l’enfant relève l’enrôlement d’enfants dans les milices armées et les violences à l’égard des mineurs. Le rapport souligne que les Cobras comptent 105 enfants-soldats dont l’âge varie entre 15 et 17 ans, les Cocoyes en comptent 400, âgés de 12 à 13 ans, les Ninjas 200...
A la croisée des chemins
Après avoir erré longtemps dans les forêts du sud, certains ex-miliciens Ninjas, Ntsiloulous, Cocoyes, Zoulous et Faucons décident enfin de renoncer à la violence, grâce à la main tendue de Sassou Nguesso, mais grâce surtout aux accords de cessez-le-feu et de cessation des hostilités, signés en octobre et décembre 1999 entre les FAC et les milices.
Mais ces ex-miliciens ne supportent plus les conditions de vie qu’impose leur situation actuelle. Ils réclament assistance. En particulier ceux qui ont élu domicile au Centre sportif de Makélékélé, à Brazzaville. Le 10 avril, ils ont lancé un appel pathétique à Sassou Nguesso: «Nous nous sentons abandonnés, aussi bien par nos propres représentants au sein du comité de suivi des accords de paix, que par le gouvernement. Plus personne ne vient s’enquérir de notre situation. Depuis que nous sommes rentrés des forêts, on ne s’est occupé de nous que les tout premiers jours, puis c’est l’abandon. Nous dormons à même le ciment rugueux. La famine est notre lot quotidien. Comme si on voulait que nous allions voler dans les marchés pour survivre. Nous n’avons plus de vêtements et la maladie nous guette...»
Selon les responsables du comité de suivi des accords de paix, les effectifs de ces ex-miliciens sont pléthoriques. «Tous les ex-miliciens ne seront pas recrutés dans la force publique. On ne peut pas recruter dans l’armée des gens malades ou ayant dépassé 35 ans. De toute façon, comme tout recrutement de militaires, celui des ex-miliciens dans les FAC sera soumis à une sélection et aux critères bien définis par le code militaire», explique un membre du comité.
Cette situation fait réfléchir. Cela sous-entend ce que ces ex-miliciens appellent, à tort ou à raison, le respect de l’autorité et de la loi, du fait qu’ils ont accepté de déposer les armes et de sortir des forêts. Et les autorités ont bien promis de s’occuper d’eux. Il y a aussi des sentiments de peur et de vengeance. Dans leur euphorie guerrière, les ex-miliciens ont commis pas mal d’exactions. Certains ont peur maintenant de la vindicte populaire. «Je ne sors pas n’importe comment. J’ai peur d’être agressé par l’une ou l’autre famille dont j’aurais violé une fille fuyant la guerre dans la région du Pool», raconte Ngapi, ex-Ninja. Et un autre d’affirmer: «ll y a un temps pour faire la guerre et un autre pour la paix. On nous taxe de “bourreaux” pour rien».
Il y a quelques mois, surtout à Brazzaville, certaines autorités administratives ont lancé des campagnes dites d’information et de sensibilisation sur le processus de réconciliation auprès des populations. Ces efforts ont eu des résultats. Le mauvais vent voulant remettre en cause la dynamique de paix dans ces quartiers a été arrêté. Les ex-miliciens réinstallés à Brazzaville et à Pointe-Noire ne sont pas “traqués”, en dépit de l’assistance qu’ils réclament pour leurs besoins quotidiens.
Le PNUD à la rescousse
Le programme des Nations unies pour le développement (PNUD) entend mettre en place un programme pour transformer les ex-miliciens en acteurs de production économique. Au total 1,3 million de dollars vont être consacrés pour la reconversion de ceux qui ont déposé les armes. Ces fonds serviront à la mise en place d’un projet pilote visant à réinsérer 60 à 100 anciens miliciens, dont les enseignants pourront déterminer vers quels domaines les orienter. L’annonce de ce programme a été faite en mars dernier par l’administrateur-délégué du PNUD, Zéphirin Diabré, lors de son séjour à Brazzaville. A travers des activités productives, on veut persuader ces jeunes de renoncer au langage des armes et d’intégrer la vie normale. «Il faut donner aux jeunes un nouvel espoir et une nouvelle raison de vivre», a précisé M. Diabré.
Il a aussi annoncé la mise en oeuvre, très prochainement, d’un projet touchant les femmes, notamment dans le volet consacré à la réinsertion des populations déplacées. Ce projet, qui avoisine 1,5 million de dollars, concerne également la réhabilitation de quelques infrastructures. Par exemple, à Dolisie, dans la région du Niari au sud de Brazzaville, le PNUD mène un programme pilote de 30.000 à 50.000 dollars pour permettre la reconstruction des habitations: «Nous voulons permettre aux populations initialement déplacées d’accéder à des services de base touchant à la santé, à l’école et/ou aux communautés de base», a affirmé l’administrateur-délégué. Le souci du PNUD est de pouvoir passer de cette phase d’intervention d’urgence à un programme à moyen et à long terme. Diabré souhaite que soit mis en place un cadre de coopération portant sur 3 à 4 ans.
Coopération Congo-France
La question de la réinsertion des jeunes préoccupe aussi l’ambassade de France. En avril 2000, ce pays a accordé un financement de 61.300.000 fcfa pour la réhabilitation de l’axe routier Bouansa-Mouyondzi-Moukoukoulou. Le financement français représente 80% du montant total du projet, le solde étant pris en charge par l’Etat congolais. Après trois mois de travaux et la reconstruction de cinq ponts détruits pendant la guerre, ce projet permettra le rétablissement de la circulation sur près de 100 km.
L’originalité du projet réside dans la méthode utilisée. La responsabilité des travaux est partagée entre les villages traversés par la route, à qui seront confiés les travaux de cantonnage. L’association “Terre et village” est chargée des ouvrages d’art, alors que le ministère des Travaux publics assurera la maîtrise de l’ensemble. La main-d’oeuvre est fournie par 300 jeunes (dont une proportion significative d’anciens bélligérants) recrutés temporairement dans leurs villages d’origine. Selon leur motivation, ces jeunes pourront effectuer soit des travaux simples d’entretien routier (débroussaillage, remblaiement, etc., moyennant 100.000 fcfa), soit des travaux plus spécialisés, notamment la reconstruction des ponts.
A la lumière de cette première expérience, l’ambassade de France et le ministère des Travaux publics envisagent de réaliser, à court terme, d’autres opérations conjointes basées sur les mêmes principes. Les avantages et les effets induits sont multiples:
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