ANB-BIA SUPPLEMENT

ISSUE/EDITION Nr 393 - 01/07/2000

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Malawi
La politique agraire paralyse l’industrie du thé


TERRE


La nouvelle politique agraire favorise surtout les magnats mêlant la politique aux affaires;
les propriétaires terriens et les petits cultivateurs en ressentent le contre-coup.

Les conflits à propos de la nouvelle politique agraire, entre le gouvernement de Bakili Muluzi, un peu trop enclin aux affaires, et les propriétaires fonciers, ont paralysé l’industrie du thé, deuxième produit agricole exporté, après le tabac. Ces derniers, pour la plupart des Européens, risquent de perdre les terres acquises au tournant du siècle, si le nouveau système de bail est approuvé par le cabinet présidentiel.

La commission d’enquête

Dans son rapport, qui a coûté au gouvernement le prix ahurissant de $1,8 million, la commission présidentielle d’enquête pour la réforme agraire a recommandé l’abolition de l’inaliénabilité de la propriété foncière, et son remplacement par un bail de 99 ans. Elle a insisté pour que, dorénavant, aucune concession foncière ne soit faite. Avec ce changement, assure Viphya Harawa, secrétaire technique de la commission, les gens de ces régions pourront espérer devenir un jour eux-mêmes propriétaires de ces terres.

Le rapport présenté par 12 membres de la commission, parmi lesquels des chefs, souligne le fait que l’occupation des terres par les Blancs et le certificat de propriété que ceux-ci ont reçu, ont dépossédé la population locale de plus de 1.482.102 hectares, dont 1.080.000 occupés par des sociétés étrangères. La commission déplore aussi que la plus grande partie des propriétés foncières inaliénables soient dans les meilleures régions de terres arables, appartenant toujours à des personnes ou des sociétés non malawites. Pour leurs cadres moyens ou supérieurs, ces entreprises, contrôlées par du capital étranger, employaient jusqu’à récemment du personnel expatrié, ne recrutant des Malawites que pour le travail manuel ou pour des postes subalternes.

De récentes études ont montré que ces terres sont en grande partie cultivées: plus de 80% produisent du thé, du café, du tabac, du sucre et des macadamias. Les plantations de thé varient entre 700 et 8.000 hectares et leurs revenus substantiels alimentent les caisses de l’Etat par le biais des taxes d’exportations.

Des transactions louches

Devant les inquiétudes exprimées par les propriétaires des fermes sur l’abolition de leur titre de propriété foncière, la commission ne s’est nullement laissée impressionner, si bien que certains propriétaires se sont décidés à vendre leurs affaires.

Brown Mpinganjira, un ministre très influent dont les décisions sont approuvées sans discussions par Muluzi, avait demandé l’aide du président pour acheter une des fermes appartenant à Eastern Produce. Il avait d’abord été convenu que le gouvernement achèterait cette ferme pour l’allouer à des petits fermiers qui essayent de faire pousser du thé sur un terrain pauvre. Mais le bruit court que la propriété a été vendue au cours de transactions louches et que les petits fermiers n’ont rien eu. Mpinganjira et ses amis politiques auraient acheté ces terres. Le fait qu’il occupe la plus vaste résidence de la propriété ne fait que confirmer la rumeur. Le gouvernement avait promis aux petits cultivateurs de Mulanje et Thyolo, les districts les plus importants pour la culture du thé, des terres provenant de la vente des fermes. Mais ils n’ont rien reçu et ils sont toujours avec un demi-hectare par famille.

Les laissés-pour-compte

L’usine de thé du Malawi, créée pour traiter les récoltes des petits fermiers, est maintenant utilisée par les proches du gouvernement, qui ne se soucient pas de la situation des petits cultivateurs. Le petit fermier n’obtient presque rien pour sa récolte vendue à la Compagnie du thé du Malawi (MATECO ), et son thé pourrit dans les champs.

En 1995, plus de 6.000 petits fermiers avaient reçu une prime de $1,4 million du Bureau central du thé des petits cultivateurs. Ce payement avait été régulier depuis la création du Bureau du thé par Kamuzu Banda, il y a plus de trente ans. Le but était de trouver un nouveau secteur économique, en permettant aux fermiers de s’engager dans l’agriculture commerciale. Mais maintenant, l’administration de Muluzi ignore les petits fermiers. L’infrastructure est moribonde. La plus grande partie de la récolte des petits cultivateurs pourrit dans les champs par manque de moyens de transport pour la livrer à l’usine.

Des politiciens, hommes d’affaires

Un nouveau genre de politiciens-hommes d’affaires a vu le jour. Ce sont surtout des fonctionnaires de grade supérieur du parti du Front démocratique uni (UDF ), avides d’acquérir à tout prix le plus de terres possible. Dans l’industrie du tabac, les fermiers métayers subissent les mêmes pratiques frauduleuses. Ils restent marginalisés, alors que les riches politiciens essayent d’accaparer toutes les terres disponibles.

L’industrie du thé subit actuellement une grande dépression. D’après Adrian Whittle, directeur de la Fondation de recherche pour le thé, le prix du thé vendu aux enchères en 1998 est tombé à $0,60 le kilo et, pour la même période (juillet-décembre) 1997, l’exportation de thé vers la seule Grande-Bretagne est tombée de 5.085 à 4.535 tonnes.

L’agriculture est le pilier principal de l’économie du Malawi et du bien-être de plus de 80% de la population, qui en tire directement ou indirectement sa subsistance. Dans les régions rurales, ce sont surtout les petits fermiers qui souffrent de la pauvreté. Les profits vont d’abord aux grands.

Pour le Malawi, un pays sans accès à la mer, la terre est le souci majeur. Or, toute la terre arable est déjà cultivée. Le maïs, qui est la principale nourriture, occupe près de 80% des surfaces cultivées. Les revenus viennent de l’exportation des trois récoltes les plus importantes: le tabac, le thé et le sucre. La propriété des terres reste donc une question incontournable.


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