ANB-BIA SUPPLEMENT

ISSUE/EDITION Nr 395 - 01/09/2000

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Ouganda
Echapper au piège de la pauvreté


AJUST. STRUCT.


 Le Fonds monétaire international s’est enfin décidé à s’intéresser aux aspirations des pauvres.
Il a changé son programme habituel de prescriptions, 
impliquant l’équilibre du budget national,
et l’a remplacé par un nouveau plus favorable aux bénéficiaires

Depuis 1987, le gouvernement s’était efforcé de se conformer à la Facilité d’ajustement structurel renforcée (FASR) imposée par la Banque mondiale. Celle-ci avait promis que si l’Ouganda y était fidèle, il s’en porterait mieux. Mais les Ougandais ne voyaient toujours pas la lumière au bout du tunnel et, en grognant, ils se mirent à manger moins. Comme l’affirmait un digne citoyen: “Il n’y a pas longtemps, Museveni nous avait dit que nous devions nous serrer la ceinture avec des fibres de bananiers; maintenant, nous devons la serrer avec des chaînes!”.

Le FASR n’est pas un succès

Alors, que s’est-il passé? Des milliers d’Ougandais ont perdu leur emploi au gouvernement et le miracle de l’ouverture de l’économie à l’investissement privé, qui aurait dû créer des nouveaux emplois, est resté une chimère. Le Service ougandais pour l’investissement constate que, depuis 1992, seuls 80.000 emplois ont été créés, alors que, selon l’Organisation internationale du travail, l’économie aurait dû en créer 250.000 chaque année. Il semblerait que le programme de privatisation ait attiré surtout des spéculateurs au lieu de vrais investisseurs.

Le Fonds monétaire international (FMI) s’est sans doute rendu compte que ses “prescriptions” pour améliorer l’économie n’avaient laissé qu’un goût amer dans la bouche de beaucoup d’Ougandais et, en novembre 1999, il s’est décidé à agir, admettant que son programme économique n’avait pas délivré la plupart des Ougandais du fléau de la pauvreté. Dans un récent rapport, le directeur adjoint du FMI, Shigemitsu Sugisaki, admettait que “l‘Ouganda, en termes de bien-être, se classait en dessous de beaucoup de pays africains”. En effet, la situation actuelle ne diffère guère de celle qu’on connaissait avant que le gouvernement ne s’engage dans la FASR en 1987. Et pourtant, les donateurs occidentaux comblent encore l’Ouganda de louanges parce qu’il a réussi à garder un taux de croissance de 6% et engrange plus de revenus fiscaux. James Adams de la Banque mondiale, le présente ainsi: “Si on parlait en termes sportifs, l’Ouganda tiendrait la vedette pour être un des pays du monde où l’économie croît le plus vite”. Faisant ressortir les réussites de l’économie, il en appelle à tous les Ougandais de prendre à cœur les statistiques de leur gouvernement.

Le FCRP prend la relève du FASR

Maintenant, l’Ouganda “jouit” des avantages d’une Facilité de croissance pour réduire la pauvreté (FCRP) qui a pris la place de la FASR. Le but de la FCRP est de donner aux pauvres une chance de s’extirper des circonstances désastreuses dont la FASR ne se préoccupait pas, ignorant complètement la situation des pauvres. Dans ce nouveau programme, le FMI a accepté que les dépenses dépassent de 20% le budget national, les frais de l’aide sociale ne faisant que croître. Auparavant, c’était contraire à ses principes. 6,5 millions d’élèves vont maintenant à l’école, alors qu’il n’y en avait que deux millions il y a quatre ans. Le gouvernement a en effet décidé d’investir d’avantage dans son Programme des écoles primaires pour tous. Celui-ci se montait à 44 milliards de shillings en 1997, et atteint maintenant 300 milliards; le budget de l’éducation représente ainsi 31% du budget national. Les dépenses pour la santé sont montées à 25% et sont surtout destinées aux soins de santé de base. Chaque comté aura un hôpital. (L’Ouganda compte plus de 500 comtés dans 49 districts).

Les 36 millions de dollars du fonds FCRP offerts par le FMI à l’Ouganda pour sa campagne contre la pauvreté vient en plus des mesures déjà en place. Le FMI a en effet annoncé en janvier de cette année, qu’il offrait une réduction de $2 milliards de la dette extérieure de l’Ouganda, ce qui diminuerait le service de la dette des trois-quarts.

Alléger la pauvreté

L‘Ouganda a été récompensé pour être le premier pays à rédiger un “programme d’allégement de la pauvreté”. Museveni n’aime pas beaucoup cette appellation. “Je ne sais pourquoi nos amis les donateurs continuent à se référer à notre programme comme étant celui d’un allégement de la pauvreté”, a-t-il dit en plaisantant, “il vaudrait mieux l’appeler l’éradication de la pauvreté”. C’est en 1997 que l’Ouganda a instauré son programme d’action contre la pauvreté, pour améliorer la santé publique, renouveler les routes secondaires et rendre l’éducation primaire accessible à tous. Ce programme fut approuvé par les organisations donatrices.

Des particuliers ont eux aussi pris des mesures pratiques pour essayer de réduire la pauvreté. Prenons l’exemple du colonel Kasirye Gwanga, commissaire du district de Mityana (1 million d’habitants): “J’encourage les gens de ma région à cultiver assez de nourriture pour eux-mêmes, dit-il, et aussi comme une source de revenus. Ils ont répondu à mon appel. Maintenant, il faut trouver des personnes qui veulent bien acheter nos produits”. En effet, selon les chiffres du ministère de l’Agriculture, l’Ouganda produisait 198 millions de litres de lait en 1986, mais la production annuelle atteint maintenant 600 millions de litres. Où trouver des acheteurs?

La société civile

Les organisations non gouvernementales (ONG) ont un rôle vital à jouer pour aider l’Ouganda à se sortir de la pauvreté. Elles sont plus près des gens et capables de mieux comprendre leurs problèmes. Beaucoup d’ONG, comme OXFAM, ont joué un rôle crucial dans la lutte contre l’écrasant fardeau de la dette des pays pauvres. OXFAM a mené une campagne intense pour que les pays développés offrent aux pays en développement des réductions plus généreuses de leurs dettes. De plus en plus, on se rend compte qu’on ne peut ignorer les ONG dans un programme pour alléger la pauvreté.

Malheureusement, le gouvernement ougandais est fort chatouilleux quand il s’agit d’ONG, et il n’est pas toujours prêt à investir des fortes sommes dans leurs programmes de développement. A la demande de Human Rights Watch, Peter Bourckaert a mené une mission d’enquête sur la situation des droits de l’homme en Ouganda et il a constaté que le gouvernement a une attitude hostile à l’égard de bon nombre d’ONG, les considérant comme des dangers pour la sécurité. Et pourtant, le rôle des ONG est essentiel pour garantir que les fonds octroyés sont employés avec sagesse. Souvent l’argent disparaît mystérieusement. Ainsi en 1998, $170 millions “disparurent” des coffres du gouvernement. Dans le pire des cas, l’argent est “détourné” vers le ministère de la Défense.

Les donateurs occidentaux

Les donateurs occidentaux ont demandé à l’Ouganda de s’en tenir au budget agréé et de limiter les dépenses pour la Défense à environ 2% du produit intérieur brut (PIB). C’était en 1995 et, pendant quelque temps, l’Ouganda y a été strictement fidèle. Puis survint la guerre au Congo RDC. L‘Ouganda y a envoyé des milliers de soldats pour aider les rebelles à renverser Kabila. Les dépenses de la Défense atteignirent les 2,8%, tirant la sonnette d’alarme pour les organisations donatrices. Le FMI était furieux et au début de l’année 1999 décida de suspendre 30 millions de dollars de son allocation en attendant que le gouvernement comprenne ses erreurs. D’autres donateurs, surtout les Pays-Bas et le Danemark envoyèrent aussi un avertissement à l’Ouganda.

Les donateurs ne se contentent pas de promesses; ils veulent voir des actes. Le gouvernement s’est donc trouvé dans l’obligation de préparer un document détaillant la création d’un système de contrôle, destiné à déclarer, surveiller et assurer ses engagements concernant les dépenses. Ce système aurait déjà dû fonctionner, mais, jusqu’ici, on n’en voit pas le moindre signe. Le FMI n’est donc pas content. “Nous sommes très inquiets à cause de ce retard”, a dit Sugisaki.

Mais lorsque les donateurs verront l’augmentation des dépenses en faveur de l’allégement de la pauvreté, ils seront peut-être moins inquiets à propos des dépenses de la Défense.


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