ANB-BIA SUPPLEMENT

ISSUE/EDITION Nr 396 - 15/09/2000

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Nigeria
Après un an de retour à la démocratie

DEMOCRATIE

Vue d’ensemble sur la situation actuelle

Le 29 mai 1999, après une trentaine d’années de régime militaire, le Nigeria est revenu à la démocratie. Pour comprendre la signification de cet événement, il faut rappeler ce qui s’est passé dans le pays au cours des 39 ans qui ont suivi l’indépendance.

Contexte historique

Le Nigeria fut une colonie britannique jusqu’à son indépendance le 1er octobre 1960. Il est devenu une République fédérale en 1963. Il compte près de 120 millions d’habitants et plus de 200 groupes ethniques avec des cultures, des coutumes et des traditions diverses. Il est riche en ressources naturelles.

Depuis le premier coup d’Etat militaire de janvier 1966 jusqu’au retour à la démocratie avec le général Aboubakar en 1998 et sous la présidence d’Olusegun Obasanjo en mai 1999, la triste histoire du Nigeria se résume en une série de coups d’Etat, de contrecoups et de timides tentatives de démocratie. Après la mort inopinée du général Abacha en juin 1998, et à peine un an après être devenu chef de l’Etat, le général Aboubakar a passé le pouvoir à un gouvernement élu.

Naissance des partis politiques

Lorsque Obasanjo prêta serment comme président démocratiquement élu le 29 mai 1999, il hérita d’un pays las des régimes militaires. Le ressentiment de la population contre les militaires était sensible. Les groupes en faveur de la démocratie voulaient une conférence nationale souveraine (CNS) qui déterminerait le rôle que devait jouer chaque groupe ethnique du pays. Cette revendication était issue de la destruction éhontée de leur pays par les administrations antérieures. En fait, le Nigeria avait besoin d’une opération chirurgicale et d’un nouveau souffle pour se maintenir à flot.

Au début, on enregistra 20 partis politiques qui participèrent aux élections des gouvernements locaux, ce qui fraya la route à l’inscription de partis politiques en vue des élections législatives et présidentielles. A la fin de l’exercice, seuls 3 des 20 partis entrèrent en ligne de compte pour être enregistrés. Il s’agissait du Parti démocratique du peuple (PDP), le Parti du peuple (APP) et l’Alliance pour la démocratie (AD). Le PDP comptait le plus grand nombre de partisans. Il est principalement contrôlé par les chefs au pouvoir dans le nord et les défenseurs des militaires, tandis que l’AD est un parti du sud-ouest avec une dominance de militants pro-démocrates. L’APP n’est ni d’un côté ni de l’autre. Bien qu’il soit le second parti en importance, il ne jouit pas de considération comme les deux autres en ce qui concerne l’idéologie et l’influence. Telle était la situation lorsqu’Obasanjo reprit le pouvoir il y a douze mois.

Les partis soutiennent largement une économie de marché sous contrôle sévère de l’Etat et une plus importante intervention et participation de l’Etat dans les domaines de la santé, de l’enseignement et de la création d’infrastructures de base. Toutes ces politiques ne sont pas encore bien articulées car les partis ont été rassemblés hâtivement pour participer aux élections — critère important pour ramener les militaires dans les casernes. Cette situation doit être prise en compte pour expliquer les problèmes que l’actuelle expérience de démocratie a connus à ses débuts.

Prévention de coups d’Etat militaires

La première mesure positive prise par le président Obasanjo dès sa prestation de serment en 1999 a été la réorganisation fondamentale de la hiérarchie militaire nigériane. D’un seul coup, Obasanjo a balayé tout le personnel militaire qui avait exercé des fonctions politiques dans le passé depuis 1966. Il a ensuite mis à la retraite tous les chefs de service et en a désigné d’autres pour rendre l’armée plus professionnelle. Par ces deux actions, Obasanjo a pu obtenir que les militaires respectent l’administration civile.

La lutte contre la corruption

Une des mesures prises par l’administration d’Obasanjo pour combattre la corruption est la rédaction d’un projet de loi anti-corruption. Ce projet rend possible de punir tout fonctionnaire du gouvernement, y compris le président, s’il est jugé coupable d’avoir amassé illégalement des richesses en volant, en gonflant les contrats du gouvernement ou en utilisant son influence pour frauder l’Etat. L’Assemblée nationale a voté ce projet de loi et le président Obasanjo l’a signé.

Cette loi anti-corruption n’a rien d’extraordinaire. Sa seule innovation est que désormais aucun mandataire de l’Etat élu, y compris le président, ne bénéficiera d’une immunité quelconque tant qu’il est en charge, si la commission d’enquête a contre lui suffisamment de preuves de pratiques de corruption.

Dans son premier discours prononcé lors de sa prestation de serment, M. Obasanjo a fait de la lutte contre la corruption la priorité absolue de son administration. Il dit: «Aucune société ne peut exploiter complètement ses potentialités s’il permet que la corruption devienne un cancer généralisé comme c’est le cas au Nigeria. Une des plus grandes tragédies du régime militaire de ces derniers temps est qu’on a laissé la corruption se développer sans contestation et sans opposition même lorsqu’elle crevait les yeux. Dans les affaires officielles, on ignorait délibérément les règles et règlements, on les oubliait ou on les éludait pour faciliter les manoeuvres de corruption. Les bénéficiaires de la corruption se défendront avec tous les sales moyens dont ils disposent. Nous serons fermes avec eux. Il n’y aura pas de vaches sacrées. Personne, peu importe qui et où, ne pourra violer la loi ou commettre corruption et méfaits».

Calmer les crises ethniques

Le nouveau gouvernement démocratique du Nigeria a été confronté à l’agitation ethnique et religieuse dans diverses régions du pays. Beaucoup de gens ont été tués et il y a eu des destructions pour des millions de nairas. Cela peut s’expliquer de deux façons. Les Nigérians ont vécu trop longtemps dans la violence sous divers régimes militaires. Il leur est déjà difficile de se faire à l’idée que le gouvernement en place veut résoudre les conflits par le dialogue. Les militaires comprennent la violence et l’ont toujours utilisée dans le passé. D’autre part, certains des actes de violence ont été délibérément commandités par les ennemis de l’actuel gouvernement pour faire échouer le progrès de la nation vers la démocratie. Il est évident qu’avec le changement de gouvernement et surtout avec la politique actuelle, certains sont perdants. La seule manière de survivre pour ces ennemis du progrès c’est de créer la confusion et d’encourager l’armée à revenir au pouvoir.

Une bonne partie de la violence résulte aussi de la colère refoulée suscitée par les précédents régimes militaires. Il y a, par exemple, le problème de la région du delta du Niger où les jeunes se battent pour qu’on reconnaisse les problèmes d’environnement causés par les industries pétrolières. Ils ont souvent accusé ces compagnies d’exploiter les gens dont les terres sont dévastées par la pollution du pétrole sans qu’aucune compensation leur soit accordée.

Depuis des dizaines d’années, les divers groupes ethniques du delta du Niger réclament qu’une partie des revenus du pétrole soit affectée à améliorer substantiellement leurs conditions de vie et de travail. Le présent gouvernement reconnaît ce fait évident et constate qu’en réalité, le seul moyen de mettre graduellement fin à cette crise, apparemment sans issue à cause de ses implications dans l’économie, consiste à s’attaquer aux problèmes de malpropreté, de chômage, de pauvreté, de dégradation de l’environnement et à la forte criminalité dans le delta du Niger. Dans ce but, le président Obasanjo a présenté à l’Assemblée un projet de loi sur la «Commission de développement du delta du Niger». Aux termes de ce projet, 13% des recettes du pétrole devraient revenir aux neuf Etats producteurs du delta du Niger. Le projet a récemment été voté par l’Assemblée. La prochaine étape est donc sa mise en oeuvre.

Il y a aussi le problème du Congrès du peuple odua (OPC) du sud-ouest du Nigeria, qui représente le bras armé des militants en faveur de la démocratie, appartenant principalement au groupe ethnique yoruba. Leurs griefs s’adressaient aux militaires sous le régime draconien des généraux Babangida et Abacha. L’OPC avait été créé en premier lieu pour les élections présidentielles du 12 juin 1993, gagnées par un éminent homme politique yoruba, M. Abiola, élection qui fut annulée par Babangida. Ensuite il a été formé pour défendre les militants démocrates du peuple yoruba qui étaient la cible des escadrons de mort d’Abacha.

Les crises religieuses

La plus grande crise à laquelle l’administration d’Olusegun Obasanjo ait été confrontée provenait de la région du nord où les membres de l’élite des Hausa-Fulani étaient, jusqu’il y a peu, les plus grands décideurs politiques de la Fédération nigériane en quarante ans d’indépendance. Les émeutes religieuses qui empoisonnent l’administration actuelle sont dues à l’introduction de la sharia, la loi islamique, dans certaines parties du pays. Comme le Nigeria est un pays séculier où musulmans comme chrétiens cohabitent, on estime que c’est un affront d’introduire pareille loi qui blesse les sentiments des non musulmans, surtout que la majorité de la population n’est pas capable de défendre ses droits. Les non musulmans pensent que l’introduction de la sharia a pour but de faire échouer l’actuel gouvernement démocratique d’Obasanjo. Après les émeutes religieuses de Kaduna où périrent des centaines de gens et où plusieurs églises et mosquées furent détruites, le président Obasanjo a eu une série de rencontres avec des dirigeants religieux et coutumiers pour essayer de trouver une solution au problème. Ensuite, le vice-président Atiku Abubakar a rencontré les gouverneurs musulmans et a résolu de mettre une sourdine au problème de la sharia.

Etablir la liberté de presse

Une des réalisations importantes de ce gouvernement démocratique est la façon dont la presse a pu agir librement depuis le début. En tant que quatrième pouvoir, la presse s’est montrée à la hauteur des attentes. Non seulement le niveau s’est élevé mais des reportages plus nombreux ont été consacrés à des enquêtes. Les excès commis par les tenants de postes politiques ont été exposés pour mettre en lumière l’équilibre des pouvoirs indispensable à la survie de la démocratie. La première «victime» de la presse libre a été l’ancienne prédominance de l’Assemblé nationale. Peu de mois après être entrés en fonction, le président de la Chambre des représentants, Alhaji Salisu Ibrahim, et le président du Sénat, Evans Eweren, furent mis en accusation à la suite des rapports de la presse qui exposaient leurs pratiques frauduleuses de falsification d’âge et de diplômes.

Le respect des droits de l’homme

Pour poursuivre sa politique des droits de l’homme, le président Obasanjo a créé la commission des droits de l’homme Justice Oputa, qui doit examiner tous les cas de violations des droits de l’homme commises de 1966 au 29 mai 1999. La période en question est celle du sommet de la dictature militaire et de l’anarchie. Elle comprend aussi les années de guerre civile de 1967 et 1968, au cours desquelles il y eut de nombreuses violations des droits de l’homme. Les autorités fédérales ont promis d’étudier rapidement les recommandations de la commission. Celle-ci devrait déjà soumettre ses conclusions, mais on lui a accordé un délai à cause du nombre énorme de demandes introduites.

Conclusion

Notre nation est sur le bon chemin. Il y aura des hauts et des bas, mais les Nigérians sont décidés à voir survivre la démocratie dans leur pays. La stabilité politique doit être renforcée et la paix doit devenir un fait établi pour notre nation. Par le dialogue et les consultations avec les diverses forces politiques du Nigeria, le gouvernement doit continuer à chercher des solutions acceptables aux problèmes religieux et constitutionnels complexes du pays.

Taye Babalaye, Nigeria, août 2000 — ©Reproduction autorisée en citant la source

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