ANB-BIA SUPPLEMENT

ISSUE/EDITION Nr 397 - 01/10/2000

CONTENTS | ANB-BIA HOMEPAGE | WEEKLY NEWS

 Congo-Brazzaville

Elections et dialogue divisent les politiques

POLITIQUE

La classe politique congolaise est de plus en plus divisée,
tant sur les préparations des futures élections que sur le dialogue national.
Des rendez-vous très attendus par les populations,
qui ont tant souffert des guerres civiles

Le 24 octobre 2000, la période de transition prendra fin au Congo. Elle dure depuis trois ans, depuis la victoire du général Sassou Nguesso sur Pascal Lissouba, après la guerre atroce de l’été 97. Face à cette échéance, les partis politiques toutes tendances confondues, se montrent de plus en plus divisés. La pomme de discorde? La fin de la transition, le dialogue “sans exclusive” et l’organisation prochaine des élections générales. Des enjeux qui risquent encore, si on n’y prend garde, de plonger le Congo, déjà victime de trois guerres civiles, dans de nouvelles situations inquiétantes.

Déjà la question de la prolongation de la transition est au cœur d’un débat frustrant. Une certaine opinion estime que, le 24 octobre, les institutions politiques de la transition seront caduques, et qu’il faudrait dialoguer et aller aux élections. Pourtant, pour l’heure, sur le plan matériel et psychologique, le Congo n’est en mesure d’organiser ni un dialogue national ni des élections fiables. Preuve: la transition qui s’achève dans des conditions difficiles, a connu une guerre encore plus meurtrière que celles de 1993-94 et 1997, alors que les élections avaient été prévues pour l’an 2000.

Zones d’ombres - Les élections

Comment pourrait-on aller aux élections sans préparation sérieuse? Le Forum national pour la réconciliation, tenu en janvier 98, avait recommandé deux phases dans l’organisation des élections: une phase des opérations préélectorales, dont la responsabilité incombe entièrement au gouvernement (monographies, recensement, découpage électoral, etc), et une seconde phase des opérations électorales, où interviennent tous les acteurs (contrôle des listes électorales, éditions des bulletins de vote, contrôle des urnes et tout autre dispositif à mettre en place pour le bon déroulement des scrutins).

En fait, le recensement administratif avait déjà été fait. Mais les partis de l’opposition boudent parce qu’aucun parti n’a été associé à l’opération. Ainsi, le Rassemblement pour la démocratie et le développement (RDD) de Joachim Yombi Opango, actuellement en exil, conteste. «Tous ceux qui participeront aux prochaines élections doivent avoir un droit de regard sur le recensement. Pour nous, les élections ne peuvent pas se faire sans recensement qui permette de déterminer le nombre d’électeurs. Après la crise que nous avons traversée, on ne connaît même pas le nombre des Congolais qui ont disparus ou si tout le monde a rejoint les différents villages. Est-ce que l’administration est installée sur l’ensemble du territoire national? Il suffit de regarder à Brazzaville où l’on parle d’une large partie qui a été recensée, mais je n’ai jamais vu passer un recenseur», dénonce Saturnin Okabé, actuel président du RDD. Et d’ajouter que son parti est interdit d’activité dans son fief d’Owando, capitale de la région de la Cuvette au nord Congo.

Des partis de l’opposition pensent que pour éviter de retomber dans le désordre que le Congo a connu, on doit confier l’organisation des élections à une commission électorale indépendante. «L’expérience récente nous a démontré que si les gens qui sont au pouvoir préparent les élections, personne n’accepte les résultats», explique un ancien député.

Tous pour le dialogue

D’autre part, ces élections, prévues pour 2001 ou 2002, ne pourront pas être organisées sans le dialogue national “sans exclusive”, un débat qui divise dangereusement aujourd’hui la classe politique congolaise. Au grand dam de la population qui n’aspire qu’à la paix.

Les hommes politiques sont tous d’accord que c’est le dialogue qui doit définir les grandes lignes de l’action future du devenir du Congo. «Telles qu’elles sont définies aujourd’hui, ces grandes lignes ne garantissent pas l’assentiment d’une bonne partie des dirigeants politiques et la société civile, qui ne font pas partie de l’équipe au pouvoir», s’inquiète le général Raymond Damase Ngollo, ancien ministre de la Défense et président du Rassemblement pour la démocratie et le redressement (RDR). «Si on les soumettait à un référendum et que cette partie muette les repoussait, on reviendrait dans une situation pas très bonne pour le pays».

Ces remarques s’adressent aux Forces démocratiques unies (FDU), groupement proche du pouvoir. Tout en se prononçant pour le dialogue “sans exclusive”, les FDU indiquent clairement que les anciens dirigeants impliqués dans les crimes de guerre et crimes économiques ne doivent pas prendre part à ce grand rendez-vous. L’allusion est surtout faite à l’ancien président Lissouba et plusieurs de ses ministres. A noter qu’en 1999, Lissouba et son ancien ministre des finances, Nguila Moungounga, ont été condamnés par le tribunal de Brazzaville, par contumace, à 20 ans de réclusion, reconnus coupables de complot visant à assassiner Sassou Nguesso. Et l’ancien Premier ministre de Lissouba, Bernard Kolelas, et son ancien ministre de l’intérieur, le colonel Philippe Bikinkita, ont été poursuivis pour “séquestrations, viols, tortures, coups et blessures volontaires”, et condamnés par contumace à la peine de mort.

De leur côté, un collectif des partis favorables au dialogue ainsi que la société civile soutiennent que «tous les Congolais doivent prendre part au dialogue. C’est à ce prix qu’une solution durable sera trouvée aux conflits armés qui déchirent le Congo depuis des années». Dans un document publié par le pasteur Benjamin Abialon de l’Eglise kimbanguiste, il est dit: «Dans un pays où tout le monde a raison et nul n’a tort, il ne sert à rien d’aller aux empoignades, même verbales. Le dialogue “sans exclusive” doit être envisagé non pas comme une épreuve de force, mais plutôt comme une épreuve de sagesse. Il demeure la dernière circonstance atténuante que le peuple congolais puisse concéder à son intelligentsia au nom de l’amour du prochain, de la mère patrie et du fameux “plus jamais ça”».

Renforcer la médiation

Un autre obstacle empêche encore la tenue immédiate de ce dialogue. Pour le président gabonais Omar Bongo, chargé par les protagonistes de la crise congolaise d’organiser ce dialogue avec l’appui de la communauté internationale, le dialogue ne se fera pas avant le ramassage effectif des armes de guerre. On estime à 15.000 le nombre d’armes qui circulent entre les mains des gens. Un problème crucial. Le ramassage des armes apparaît très partiel, car les ex-miliciens qui ont choisi de se rallier aux accords de cessation des hostilités, fin 99, ont du mal à les rendre. Selon certaines analyses, «ce comportement semble être dû à la méfiance, mais aussi aux habitudes de violence que des années de guerres ont profondément ancrées dans l’esprit des jeunes».

Par ailleurs, les exilés, regroupés au sein de l’Espace républicain pour la défense de la démocratie et l’unité nationale (Erddun), insistent pour que la médiation du président Bongo soit élargie à d’autres chefs d’Etat africains. Ce, dans l’espoir de garantir, d’après eux, le succès du dialogue. Ils reprochent à Omar Bongo, qui a épousé la fille de Sassou Nguesso, d’être à la fois juge et partie.

 

Jean-Valère Ngoubangoyi, Congo-Brazza, août 2000 — © Reproduction autorisée en citant la source

SOMMAIRE FRANCAIS | ANB-BIA HOMEPAGE | WEEKLY NEWS

PeaceLink 2000 - Reproduction authorised, with usual acknowledgement