TERRES
Ces derniers mois, des occupations de terres ont causé pas mal d’inquiétudes
Pendant des années, de hautes personnalités du gouvernement, notamment
MM. Shariff Nassir, Ole Ntimana et Polisi Lotodo, ont exigé à grands cris
que diverses tribus kényanes quittent leurs terres ancestrales à Mombasa,
au Masailand et à West Pokot, propriétés de ces personnalités. Au cours
des années ‘90, il y eut beaucoup de violences dans ces endroits, beaucoup
de sang répandu et des milliers de gens obligés de fuir. La police faisait
semblant de ne pas voir ce qui se passait, mais les dirigeants des Eglises
ont attiré l’attention du monde entier sur la nature organisée des meurtres.
Après les massacres de 1997 à Mombasa, qui ont mené au bord de la faillet
une industrie touristique florissante, beaucoup de défenseurs de ces expulsions
politiquement inspirées ont tout à coup baissé le ton. Mais ce n’a pas
été le cas de Shariff Nassir, ministre au Bureau du président, qui a continué
à préconiser l’impunité pour ces expulsions.
Au début d’avril, éclata comme une bombe la démarche d’un parlementaire
du petit parti Safina, M. Steven Ndicho, qui proclamait que les fermiers
colons blancs étaient «les successeurs des colonisateurs britanniques;
qu’il était temps de reprendre ce que les colonisateurs avaient pris et
de le restituer à la population noire sans terres». La communauté de colons
blancs, disait-il, et les compagnies internationales possèdent des milliers
et des milliers d’hectares de terre excellente; et, en même temps, depuis
l’indépendance, le problème de la pauvreté et des squatters a pris des
proportions énormes.
L’affaire Criticos
Au début mai, nouvelle bombe. Basil Criticos, Kényan d’origine grecque,
est le seul membre blanc du Parlement et vice-ministre du gouvernement.
Il est aussi grand horticulteur et producteur de sisal. Il a convoqué une
conférence de presse pour annoncer que des centaines de gens avaient envahi
ses terres, comme on le fait au Zimbabwe. Il critiquait Ndicho et Nassir
qui auraient incité les gens à s’empare de ses terres. Le gouvernement
fut assez embarrassé quand la BBC, Voice of America et d’autres agences
ont donné de la voix à cet événément.
Richard Leakey, secrétaire du gouvernement, agit rapidement pour dissiper
l’inquiétude se répandant dans la communauté blanche et parmi les éventuels
investisseurs internationaux, à un moment où l’économie kényane était pratiquement
stagnante. Le président Moi aussi a agi rapidement pour dissiper les craintes
et, en diverses occasions, il a critiqué les déclarations de Ndicho. Leakey
accusa Criticos de malhonnêteté, soulignant que ses terres avaient été
l’objet de procès devant les tribunaux kényans bien avant l’agitation au
Zimbabwe. D’autres accusèrent Criticos d’avoir importé les squatters de
l’extérieur pour qu’ils votent pour lui aux élections de 1997. Il était
ensuite revenu sur sa promesse de leur donner une petite partie des terres
qu’il avait héritées de son père, George, installé au Kenya plusieurs dizaines
d’années. Dans les jours qui suivirent, le président Moi écarta Criticos
de son poste ministériel. Mais Criticos prétend qu’il a été saqué parce
qu’il a traité Leakey de “fieffé menteur”!
Criticos soutient maintenant que plusieurs colons grecs ont peur que leurs
fermes soient visées. Depuis qu’il a été saqué, des centaines de squatters
ont envahi ses terres; mais Leakey a pris des mesures sévères pour mettre
fin à cette situation et pour assurer la protection de la propriété privée.
Leakey a mis en garde: «Désormais, tout politicien qui incitera à saisir
des domaines privés sera poursuivi.»
Divers politiciens contestent cette menace d’action dure. M. John Sambu,
membre du Parlement de Rift Valley, a demandé que 130.000 hectares de terres
«volées par les Britanniques durant la période coloniale soient rendus
au peuple Nandi». Mohammed Khalifa, homme politique musulman, conseille
au gouvernement de réviser les lois agraires avant de menacer les sans-terre.
Un autre dirigeant, Shiekh Namoya, a engagé les chefs kényans à “mener
des sans-terre dans une bataille contre les propriétaires terriens”.
Dans le nord aride, les conflits entre fermiers blancs et communautés pastorales
au sujet de l’utilisation des terres, sont habituels, surtout pendant les
périodes de sécheresse. Mais maintenant, on craint que les menaces d’expulsion
aggravent ces conflits. Et beaucoup de fermiers blancs sont inquiets.
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Joe M’Bandakahai, Kenya, août 2000 — ©Reproduction autorisée en citant la
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