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POLITIQUE
Le peuple sénégalais attend avec impatience des mesures radicales
devant
donner au pays un visage nouveau
«Il y a eu l’alternance le 19 mars dernier, il faut maintenant passer à l’alternative.»” Ces propos modérés d’un cadre du parti Jëf Jël (Agir et Prendre), une formation politique membre du Front de l’alternance, la coalition qui a porté M. Abdoulaye Wade à la magistrature suprême, traduisent la soif du changement que différentes composantes de la population réclament à grands cris. Elles l’expriment par des grognes individuelles, des articles de presse, des manifestations, des grèves... Le gouvernement y répond par des campagnes d’explications et/ou par des satisfactions partielles ou totales des revendications qui lui sont soumises.
Mais les besoins sont si nombreux et les distorsions de fonctionnement du système administratif et financier du régime défunt si complexes, qu’il est pratiquement impossible de redresser la situation dans un délai de quelques semaines, voire de quelques mois. D’autant plus que le gouvernement actuel, constitué le 3 avril dernier, se veut un gouvernement “de transition”. Autrement dit, il a pour mission de faire l’état des lieux et de préparer les mutations institutionnelles. Evidemment, pendant cette période, le nouveau président de la République est habilité à prendre les mesures attachées à sa fonction. Il ne s’en est pas privé d’ailleurs, notamment en procédant à des nominations de personnalités à la tête de certaines structures nationales de domaines stratégiques, tels que l’armée, la police, le port autonome de Dakar, la régie des chemins de fer, les transports, etc.
Transhumance à grande échelle — Pour échapper à des mutations ou à d’éventuelles poursuites judiciaires, pouvant menacer les auteurs de malversations, certains notables du Parti socialiste (PS) de l’ex-président Diouf ont vite fait d’émigrer vers d’autres partis, membres de l’alternance, et surtout vers celui du président élu, le Parti démocratique sénégalais (PDS).
Si certains de leurs anciens camarades considèrent ces départs comme salutaires pour le “nettoyage de la maison”, d’autres fustigent une telle attitude qu’ils qualifient de traîtresse. Jean-Paul Dias, leader d’un des partis qui ont soutenu Diouf aux présidentielles, le Bloc des centristes Gaïndé, a publiquement dit de ces “migrants” qu’ils étaient «des traîtres et des gens aux mains sales». En précisant: «Quand on a parlé d’audit dans leur gestion, ils se sont précipités pour être sous le couvert du régime actuel.» Et à la mi-juillet, il lança un appel à tous les députés de l’Assemblée nationale pour examiner et voter le projet de loi qu’il avait déposé «pour moraliser et attirer l’attention du pouvoir sur toute protection démesurée des transhumants et la nécessité de poursuivre les auteurs de malversations».
Les fautifs seront sanctionnés — Le Premier ministre, Moustapha Niasse, secrétaire général d’un autre parti, l’Alliance des forces du progrès (AFP), est aussi catégorique: «Les sanctions seront appliquées, le moment voulu, sans hésitation.» Et il précise: «Le chef de l’Etat a clairement indiqué que les résultats des audits engagés seront rendus publics, et que les auteurs de faits répréhensibles et délictuels avérés seront sanctionnés conformément à la loi. [...] Le peuple sénégalais peut être assuré qu’il en sera ainsi, et il jugera.». Il ajoute toutefois: «Si jamais les mesures envisagées n’étaient pas appliquées pour des raisons politiques ou politiciennes, et si les délinquants étaient placés sous la protection politique d’un parti, je peux vous assurer que je serai parmi les premiers à m’élever contre une telle situation. Et l’AFP ne se privera pas de joindre sa voix à celle des patriotes qui crieraient leur déception et leur indignation. Je sais que de nombreux Sénégalais suivront la même voie, car l’alternance aura trahi leur confiance dans les hommes et les femmes du changement et les espoirs de la jeunesse sénégalaise de voir enfin un régime qui professe et pratique la vérité dans tous les domaines.»
Il ne faut point se faire d’illusions: les populations connaissent les auteurs des malversations, du moins la plupart d’entre eux. Elles sont témoins, quotidiennement, de leur train de vie et n’ignorent pas la provenance des biens qu’ils distribuent à tour de bras. Elles n’attendent qu’une confirmation du gouvernement, par les audits annoncés et les preuves qui seront fournies.
La “sortie” de Niasse vaut son pesant d’or. Le PDS, le parti qui est le plus grand récepteur de transhumants douteux, est ainsi interpellé. Une attitude protectrice d’auteurs de malversations serait sans doute sanctionnée par le verdict populaire. Les jeunes du PDS n’apprécient d’ailleurs pas cette vague d’arrivées dans les rangs de leur parti. Ils craignent d’être submergés par les nouveaux arrivants, qui sont pour la plupart des politiciens professionnels ayant fait leurs armes au sein d’une véritable machine installée au pouvoir depuis un demi-siècle. Et la période prochaine risque de s’annoncer tumultueuse.
En effet, les échéances électorales ne sont pas loin: après un référendum constitutionnel, il y aura les élections législatives anticipées en 2001, puis les municipales et locales la même année. Les électeurs ne sauraient admettre que ceux qui sont à l’origine des déboires des citoyens soient délibérément innocentés par un quelconque système. Depuis la dernière consultation, le Sénégalais est conscient qu’il peut changer la physionomie de son paysage politique par les urnes. Autrement dit, quelles que soient les consignes de vote données par telle ou telle institution, le citoyen, seul dans l’isoloir, sait aujourd’hui que son choix est pris en compte. Les chefs de la confrérie musulmane des Tidjanes, qui avaient jeté leur dévolu sur Abdou Diouf, l’ont appris à leurs dépens lors des dernières présidentielles.
L’attente des promesses — De manière générale, le citoyen sénégalais attend les changements exprimés dans les engagements des leaders du Front de l’alternance et contenus dans leur programme de réformes constitutionnelles et de développement économique.
Au plan constitutionnel, ce programme prévoit notamment la suppression du Sénat, la réduction du nombre de députés (140 actuellement) et du mandat présidentiel (de 7 à 5 ans). La promesse électorale touchait également le renforcement de la démocratie et de la transparence dans un pays soumis depuis fort longtemps à des manipulations de résultats des élections.
Pour les dossiers économiques et sociaux, on peut noter le combat contre le chômage, la création d’emplois, le traitement de la dette, la lutte contre la corruption et le laxisme, l’application d’une politique d’investissements, l’amélioration des systèmes d’éducation et de santé, ainsi que de la situation des retraités et des anciens combattants...
Ce que les Sénégalais attendent aujourd’hui, c’est en priorité l’amélioration de leurs conditions de vie: des activités procurant des revenus, un allégement du coût de la vie, un logement correct, un accès plus facile aux services de santé et d’éducation.
Ce sont là les changements auxquels ils aspirent et qui ont motivé leur choix les 27 février et 19 mars 2000.
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