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Congo RDC La RDC à la croisée des chemins |
GUERRE CIVILE
Chaque jour qui passe, les chances d’un retour à la paix s’éloignent
La guerre vient de totaliser deux ans en République démocratique du Congo. Et chaque jour qui passe, les chances d’un retour à la paix s’éloignent. Kinshasa boude les soldats de l’Onu et le fait savoir. L’accord de cessez-le-feu signé le 10 juillet 1999 à Lusaka est l’objet d’une cacophonie de la part des officiels de Kinshasa qui l’acceptent et le refusent en même temps. Pendant ce temps, les forces armées congolaises et les éléments du Mouvement de libération du Congo (MLC) que dirige Jean-Pierre Bemba avec l’appui de l’armée ougandaise, ne ratent pas une occasion pour se tirer dessus dans le nord de la province de l’Equateur. En outre, les provinces Orientale, du Nord-Kivu, du Sud-Kivu et du Maniema, une partie des provinces du Katanga, du Kasaï oriental et du Kasaï occidental restent occupées par les différents mouvements rebelles et les armées rwandaise, ougandaise et burundaise. Et la situation socio-économique du pays ne fait que se dégrader de jour en jour, affectant toutes les couches de la population.
La paix s’éloigne
Deux ans après le début de la guerre et une année après la signature de l’accord de Lusaka, le gouvernement de Kinshasa n’arrive pas à décider clairement s’il veut la paix ou s’il compte sur une victoire militaire. La voie de la paix tracée par l’accord de Lusaka est aujourd’hui compromise. Cet accord prévoit la cessation des hostilités, y compris la cessation de la propagande hostile, l’établissement d’une commission militaire mixte et de groupes d’observateurs, le désengagement des forces, le choix du facilitateur, le déploiement des vérificateurs de l’OUA, la tenue du dialogue intercongolais et la mise en place de nouvelles institutions, le déploiement de la Monuc, le désarmement des groupes armés, le retrait ordonné des forces étrangères, le rétablissement de l’autorité administrative de l’Etat, les mesures de normalisation de la situation sécuritaire le long des frontières internationales.
Où en sommes-nous aujourd’hui? Nulle part, ou plutôt à la case de départ. Kinshasa préfère souffler le chaud et le froid.
D’abord, par une déclaration du ministre des Affaires étrangères, Abdoulaye Yerodia, et une autre du Parlement nommé par le président Kabila, faite le 19 août, le gouvernement exige la révision de l’accord de Lusaka, interdit le déploiement des casques bleus de l’Onu dans les territoires sous son contrôle, et rejette le facilitateur Ketule Masire, proposant à sa place le Sénégalais Abdou Diouf ou le Sud-Africain De Klerk ou le Nigérian Abdulsalami Abubakar; au même moment il renvoie le dialogue intercongolais au Parlement.
Ensuite, par une autre déclaration faite le 23 août par les ministres de l’Information et le ministre des Droits humains, le gouvernement suspend l’accord de Lusaka, autorise le déploiement de la Monuc dans les territoires occupés, rejette le dialogue intercongolais tel que prévu par Lusaka. A la place, Kinshasa propose d’une part, la tenue d’un sommet quadripartite (RDC, Rwanda, Burundi et Ouganda) avec la participation à titre d’observateurs du Zimbabwe, de la Namibie et de l’Angola, ses alliés. D’autre part, il propose des négociations directes avec l’opposition pour un compromis national sous le parrainage d’une institution crédible et neutre. C’est déjà un trait rouge sur Lusaka.
Le ministre Abdoulaye Yerodia revient à la charge le 25 août pour dire que le gouvernement n’a pas suspendu sa participation à l’accord de Lusaka, mais voudrait plutôt sa révision. Dans cette confusion entretenue par Kinshasa, les agresseurs rwandais et ougandais ont eu l’occasion belle pour se montrer modérés. Kigali a même proposé de se retirer de 200 km sur tous les fronts pour ainsi faciliter le déploiement de la Monuc.
Par ailleurs, sur le front militaire, la position de Kinshasa n’est pas confortable. Dans la province de l’Equateur où il semblait avoir le vent en poupe, les troupes gouvernementales ont subi un grand revers. Le ministre de l’Information a même accusé les troupes ougandaises de renforcer leur position dans cette province en vue d’une offensive avec Kinshasa comme objectif final. Sur le front Est, on ne signale pas d’actions militaires des troupes gouvernementales susceptibles de récupérer les territoires occupés. Mais on voit de plus en plus des officiers zimbabwéens se transformer en hommes d’affaires. A Tshikapa, zone minière dans la province du Kasaï occidental, des exploitants de diamant dénoncent l’obligation qui leur est faite de verser 70 % de la valeur du diamant aux soldats zimbabwéens, auxquels ils sont d’ailleurs obligés de vendre leurs pierres précieuses. Les armateurs de Kinshasa sont de plus en plus étonnés de voir des officiers zimbabwéens louer leurs bateaux pour aller acheter le café à Boende dans la province de l’Equateur. D’où la question: pour quels intérêts bloque-t-on le processus de paix si on n’est pas en mesure de gagner la guerre?
Oui et non au dialogue intercongolais
Comme si l’échec du cessez-le-feu et du déploiement des forces de l’Onu ne suffisait pas, le processus pour la tenue du dialogue intercongolais a été interrompu par Kinshasa. Après avoir retiré sa confiance au facilitateur désigné, l’ancien président botswanais, M. Masire, “en raison de sa partialité”, le gouvernement a saboté la réunion préliminaire au dialogue convoquée à Cotonou du 5 au 7 juin et empêché les représentants de la société civile et des partis politiques de faire le déplacement du Bénin. Dans le même temps, le président Kabila a nommé “ses députés”, 300 au total, pour siéger à l’Assemblée constituante et législative-Parlement de transition, dont le siège est transféré à Lubumbashi dans la province natale du chef de l’Etat. Pour lui, le dialogue intercongolais doit être organisé dans le cadre du Parlement. Pour ce faire, une commission spéciale composée de 20 membres vient d’être mise en place au sein de ce Parlement avec à sa tête un pasteur, membre de cette assemblée, secondé par l’ancien ministre de la communication de la rébellion du RCD-Goma, M. Etienne Ngangura, et l’ancien représentant du MLC à Bruxelles, M. Olongo.
Pour le ministre Yerodia, le dialogue intercongolais n’a plus sa raison d’être. Il qualifie les rebelles de marionnettes à la solde des agresseurs et donc non crédibles; il traite les opposants non armés de “cadavres politiques” qui ont besoin du dialogue intercongolais pour se refaire une santé politique, et la société civile d’être à la solde des chancelleries étrangères qui la nourrissent et lui servent de directeurs de conscience. Donc, même si le nouveau plan de paix de Kinshasa propose des négociations intercongolaises, la volonté d’un dialogue sincère pouvant aboutir à la mise en place d’un nouvel ordre politique ne s’affiche pas.
Le remaniement gouvernemental du 1er septembre n’a fait que renforcer la position du gouvernement avec le maintien de tous les fidèles du chef de l’Etat et le rappel d’anciens. Seule ouverture, et pour des postes négligeables, l’entrée du dernier Premier ministre du maréchal Mobutu, le général Likulia Bolongo, et celle d’une dame de la société civile, Mme Lukiana Mufwankol.
Par contre, des menaces sont proférées régulièrement contre quiconque tiendrait des réunions à caractère politique ou ferait des déclarations politiques hostiles au gouvernement dans la presse. Plusieurs personnalités politiques ont été mises aux arrêts pour délit d’opinion, qualifié à Kinshasa d’“atteinte à la sûreté de l’Etat”; d’autres, comme Joseph Olenghankoy, vivent dans la clandestinité. Des journalistes et éditeurs de journaux ont été condamnés à des peines de prison pour le même délit d’opinion.
Indicateurs au rouge
Les populations, tant des territoires occupés que sous contrôle gouvernemental, «crèvent en silence», a dit Alex Parisel, directeur de MSF/Belgique. Les espoirs fondés sur le retour du franc congolais (FC) se sont effondrés. De 1,20 FC le 30 juin 1998, le dollar s’est négocié le 2 octobre à 96 FC, tandis que la banque affiche 23,50 FC pour un dollar. Le taux taux d’inflation était de 693% en 1996, de 13,7% en 1997, de 135% en 1998 et de 484% en 1999.
La banque centrale prévoit une hausse des prix de 369% à la fin de cette année. Cette situation trouve son explication dans la guerre, mais surtout, souligne le professeur Tshiunza Mbiye, dans les mesures économiques prises tout au long de l’année 1999 et l’usage excessif de la planche à billets. L’écart entre le taux de change officiel et celui du marché parallèle ne favorise pas la promotion de l’économie. L’activité de production et d’échanges, notamment la production minière et agricole d’exportation, celle du ciment, du pétrole brut et la manutention dans les principaux ports a régressé. Face à cette baisse de la production, on remarque l’explosion des dépenses publiques consécutives à la guerre.
L’effondrement économique est vécu amèrement par la population qui a perdu son pouvoir d’achat. Elle assiste impuissante à la valse des étiquettes presque journellement sur les marchés. Depuis janvier 2000, le prix de l’essence à la pompe est passé de 3 FC à 9 FC en février, avant d’atteindre 25 FC le 30 juin. De temps en temps, pendant les fréquentes périodes de crise à la pompe, il se vend à 80 ou 100 FC chez les vendeurs ambulants.
Le sac de manioc de 50 Kg est passé pour la même période de 780 à 1600 FC; celui du maïs de 50 Kg de 1400 à 1850 FC; du riz de 50 Kg de 750 à 1850 FC. Les tarifs de consommation domestique de l’eau ont augmenté de 310%.
A l’hôpital général, la consultation d’un médecin coûte 315 FC, alors que dans la Fonction publique, des salaires mensuels de l’ordre de 450 FC existent encore. «Trop peu de malades fréquentent encore les hôpitaux», reconnaît le Dr Diabeno Tombe, président du conseil national de l’Ordre des médecins. «Les produits pharmaceutiques se vendent mal», déclare un pharmacien. Cela ne signifie pas que les Congolais ne tombent plus malades, c’est plutôt l’accès à ces soins médicaux qui n’est plus à la portée de tous.
L’état de guerre est l’unique explication du gouvernement qui ne reconnaît pas l’échec de sa politique économique. Avec une guerre prophétisée “longue et populaire” par le chef de l’Etat et dans une situation où il n’y a ni paix, ni victoire militaire, c’est la partition de fait du pays qui est consacrée.
Les Eglises élèvent la voix
Les Eglises congolaises ne restent pas inertes face à cette misère imposée à la population congolaise. Elles ont initié la consultation nationale tenue à Kinshasa en mars 2000 avec comme objectif de réconcilier les Congolais pour les amener au dialogue intercongolais. Outre le refus de l’opposition interne d’y participer et l’absence de la rébellion, Kinshasa a rejeté en bloc les résolutions de ce forum qui ne répondaient pas à sa démarche politique.
Les 49 évêques et archevêques du Congo réunis en assemblée plénière ordinaire du 10 au 20 juillet 2000, ont adressé un message à tous les hommes de bonne volonté. Ils condamnent l’occupation du pays par les armées d’agression rwandaise, burundaise et ougandaise, qui apportent confusion, humiliation et désolation sur la population civile.
De même qu’ils condamnent «tous ceux qui cherchent à conquérir ou à conserver le pouvoir par la force, qui font tout pour que le dialogue intercongolais n’ait pas lieu et qui souhaitent ainsi que la guerre ne prenne jamais fin». Ils exigent la tenue, dans les meilleurs délais, du dialogue intercongolais afin d’établir le nouvel ordre politique et les institutions démocratiques en vue d’un Etat de droit et appellent les rebelles à ne pas servir la cause des étrangers et leurs intérêts égoïstes.
Mais de plus en plus, des voix s’élèvent dans l’opinion pour déplorer les faiblesses de l’action politique des Eglises. Dans les paroisses, les fidèles ne sont pas confrontés à ces belles déclarations. «C’est comme si ces prises de position courageuses étaient faites pour se donner bonne conscience et montrer aux Eglises sœurs de l’Occident que l’on n’est pas resté silencieux face à la misère du peuple congolais», a souligné le professeur Thierry Nlandu, président du groupe Amos.
Et, ajoute-t-il, là où les chrétiens sont au courant de ces lettres pastorales, ils ont pour obstacles, dans toute action de mise en pratique des résolutions prises, les mêmes évêques signataires au nom de la prudence évangélique. Pourtant, l’Eglise pourrait user non seulement de l’action non violente comme moyen de pression pour faire avancer la cause du peuple, mais aussi de la force que représente en nombre et en intelligence les laïcs de l’Eglise.
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